L’UMP, nouvelle maîtresse d’Hollande ?
par LM
mercredi 20 juin 2007
Sans domicile connu depuis sa séparation avec Ségolène Royal, le toujours premier secrétaire du Parti socialiste a confié hier au journal « Le Monde » qu’il se verrait bien fonder une « UMP de gauche ». Seul moyen, selon lui, pour les socialistes de retrouver un jour le goût de la victoire.
« Je suis élu par les militants pour aller au terme de mon mandat. Seul un congrès peut défaire ce qu’un autre a fait. Toute autre formule serait du bricolage, même au nom d’un coup de jeune qui ne serait qu’un coup de vieux. » Pas plus qu’Alain Juppé, François Hollande n’est mort. Le premier secrétaire du Parti socialiste s’est bien remis de deux longues, éreintantes et lourdes campagnes, toutes deux perdues, toutes deux ayant confirmé le PS dans son rôle d’opposant, rien de plus. Le premier secrétaire du Parti socialiste, présenté donc à tort depuis de longs mois comme l’encore compagnon de Ségolène Royal, candidate à la présidence de la République, et qui avait été en fait prié depuis pas mal de temps de « quitter le domicile », a survécu à cela aussi : un conflit interne, intime et brutal, qui a sans aucun doute interféré sur l’ambiance au sein de la gauche et certaines prises de décision, et qui en aurait fait exploser plus d’un. L’ex « principal défaut » de Ségolène Royal n’est pas de ces flans-là, qui se ramollissent, s’aplatissent, au premier coup de vent venu. Montebourg devrait en prendre de la graine, lui qui ne doit sa survie au pays des poulets qu’à l’intervention douteuse d’un Fabius plein de sous-entendus.
François Hollande, au lendemain de la fuite orchestrée par son ex-compagne (qui comme à son habitude la joue aujourd’hui oie blanche piégée par un système médiatique dont elle désapprouve les méthodes) qui le ridiculisait un tant soit peu aux yeux des Français de gauche et de Corrèze, s’est donc épanché dans les colonnes du "Monde" sur l’avenir du PS, son parti. Pour lui, il n’y a pas à hésiter, il faut faire à gauche ce que Sarkozy a réussi à droite : monter un grand parti dédié à son chef, une machine de guerre exclusive et impitoyable, qui n’a pour seule mission que de conquérir le Château. « Si nous voulons travailler collectivement et efficacement, il faut que les questions de personnes soient mises de côté, le temps que durera la refondation jusqu’au congrès de 2008, après les municipales. Si on veut faire l’inverse, on ne réglera bien ni la question des personnes ni celle de fond. » Hollande veut en finir avec les (S)égos démesuré(e)s qui polluent les campagnes aussi sûrement que le pétrole souille les plages. Fini le mélange des genres. Plus de fabiusiens contre les strauss-kahniens, plus de Montebourg (moi le mou) contre les Jospin bénis. Plus de jeux de mots douteux qui encombrent les couloirs de l’Assemblée mais ne servent aucun débat.
« Nous n’avons pas su convaincre les Français de choisir Ségolène Royal comme présidente et de nous donner une majorité à l’Assemblée. Nous avons été regardés davantage comme une protection contre la droite que comme une espérance pour le pays. ». Lucide, Hollande l’est. Un peu tard, hurleront certains. Certes, mais mieux vaut tard que jamais. Et ce brin de lucidité, aussi brin soit-il, est une pièce indispensable au puzzle désormais proposé aux socialistes : refonder leur parti sans exploser, se rapprocher du centre sans se renier. Ce que Hollande appelle « trouver la bonne stratégie politique permettant de fédérer en une seule force l’ensemble de la gauche et de régler une fois pour toutes la question du rapport avec les électeurs du centre. » Voilà qui va faire plaisir à DSK, que les Français, selon un sondage Ipsos, verraient bien, plus que Royal, reprendre les rênes de la maison rose. Quant à « l’ensemble de la gauche », la sauce sera vite faite : les communistes sont plongés dans un comas profond, les Verts n’existent pratiquement plus et la LCR demeure minime. Hollande le sait donc bien, tout va se jouer du côté de chez Bayrou, maigre division dans l’immédiat, mais dont l’alliance éventuelle avec la gauche pourrait pourquoi pas donner naissance à un parti intéressant, ou au moins novateur. Et la gauche a besoin, plus que jamais, de se régénérer.
En commençant, sans aucun doute, par demander à Ségolène Royal de quitter le domicile de la rue Solérino. Parce que Ségolène Royal, rôle principal des deux défaites socialistes, perdante de ce que beaucoup à gauche appellent « l’imperdable », est réellement l’élément faible de la gauche. Trop carriériste, trop égocentrique, trop individualiste, trop dans l’à-peu-près pour parvenir à autre chose qu’à un constat d’échec supplémentaire. Sa dernière manœuvre grossière et non assumée (révéler en pleins résultats du deuxième tour sa rupture consommée avec son compagnon de premier secrétaire) classe définitivement cette ancienne candidate-là dans la catégorie des personnes à écarter lorsqu’on veut obtenir des résultats en politique. Ségolène Royal, c’est un croisement entre le "Loft" et la "Nouvelle Star" : on filme tout et on chante comme on peut, mais rien ne passe vraiment, surtout pas l’émotion. Tout est lisse, et semble en même temps tellement calculé, pensé et soupesé que ça en devient forcément suspect. S’il en restait encore quelques-uns, les derniers journalistes naïfs ont cessé depuis dimanche de se laisser berner par la dame du Poitou. Le charme n’opère plus, les derniers fans sont lassés. Rien n’a jamais été politique, finalement, chez cette femme-là, qui s’est inventée si fort un destin qu’elle a fini par y croire.
« Je confirme cette séparation et, voulant distinguer vie politique et vie privée, je ne ferai aucune autre déclaration », déclare François Hollande, sous-entendant que Royal, elle, n’a jamais voulu distinguer le privé du public, préférant mêler les deux, pour noyer le poisson, et remplir son vide idéologique.
Depuis qu’il est sans domicile fixe (depuis qu’il a changé officiellement de compagne) François Hollande apparaît d’un coup d’un seul plus serein, plus ferme, et ne semble pas décidé à laisser le parti aussi facilement que ça à DSK. A moins que son « UMP de gauche », et sa poignée appuyée à Sarkozy sur le perron de l’Elysée hier ne soient que l’expression de sa farouche volonté de prendre la tête de la Commission des finances, promise à l’opposition. A suivre.