L’union populaire va-t-elle réaliser son rêve de remplacer la social-démocratie et devenir l’alternance dans la politique en France

par Redistribuer
jeudi 28 avril 2022

Matin du 7 novembre 2008, les militants socialistes découvrent sur le blog de Jean-Luc Mélenchon, le célèbre communiqué qu'il a écrit avec le député du Nord Marc Dolez dont le titre est « ça suffit comme ça ». Il annonce son départ du parti socialiste et cite son modèle d’alors Oskar Lafontaine ancien président du spd allemand. Celui-ci avait fondé avec ce qui restait du parti communiste d’Allemagne de l’est et des altermondialistes de l’Allemagne de l’ouest le parti Die-Linke (La gauche). C’est un véritable coup de tonnerre inattendu, la veille, les 130000 votants parmi les adhérents du ps ont voté sur des motions en préparation du congrès prochain du parti qui devra avoir lieu à Reims cette année là. Parmi ces motions, l’une d’entre-elles a réussi pour la première fois à réunir les dizaines de courants qui constituent la gauche socialiste. Jean-Luc Mélenchon en fait partie. Le mot d’ordre de tous ces militants est « Ancrer le parti socialiste à gauche ». Il est animé par Benoit Hamon qui sera candidat du ps à l’élection présidentielle de 2017. Ce sont tous des militants qui s’opposant à la direction ont fait campagne pour dire Non au référendum de 2005 sur la constitution européenne. Celle-ci voulait instaurer la « concurrence libre et non faussée » comme règle gravée dans le marbre pour tout état adhérent de l’union. C’est à dire la reconnaissance de la « main invisible du marché » comme mode de gouvernement économique inscrit dans la constitution ! Toute loi antilibérale serait devenue inconstitutionnelle ! C’est la stupeur parmi les camardes de combat de Jean-Luc Mélenchon. Gérard Filoche écrira dans sa revue « Démocratie et Socialisme » « Nous avons eu ensemble prêt de 25000 voix et tu nous quittes, tu abandonne le combat ! » En effet, jamais la Gauche socialiste qui regroupe les militants du parti qui refusent l’accompagnement du système n’aura obtenu un score aussi élevé !

http://www.jean-luc-melenchon.fr/2008/11/07/ca-suffit-comme-ca/

L’objectif recherché est d’incarner une gauche de rupture par rapport à la gauche d’accompagnement du parti socialiste français et de la social-démocratie européenne et si possible de « remplacer », cette dernière. Jean-Luc Mélenchon crée donc le parti de gauche qui se déclarera éco-socialiste, c’est la première fois que des écologistes et des militants ouvriers se réclamant du marxisme s’associent pour constituer une force politique dont l’adn est à la fois sociale et écologiste. Elle prône l’utilisation de l’outil de la rupture avec le capitalisme pour parvenir à ses fins. Comme l’avait fait Oscar Lafontaine en Allemagne Jean-Luc Mélenchon construit une alliance avec le PCF, le front de gauche. En 2012 lors de la campagne présidentielle, il utilisera dans un de ses discours la célèbre exclamation « Je suis le bruit et la fureur ! » qui ne laissera aucun doute sur ses intentions.

Pour l’instant le parti socialiste est encore trop puissant et il n’est pas encore question de l’effacer pour prendre sa place, cela reste un objectif lointain !

A la suite du quinquennat désastreux de François Hollande, la situation semble enfin mure. Toujours soutenu in extrémis par le pcf, Jean-Luc Mélenchon se présente à l’élection présidentielle pour la deuxième fois. C’est grâce au vote militant, que le pcf apporte cette fois son soutien, les cadres voulaient une candidature autonome. Le mouvement La France Insoumise qui dépasse le parti de gauche et le front de gauche est créé. Jean-Luc Mélenchon parvient à atteindre dix neuf pour cent arrive quatrième et rate sa présence au second tour de 600000 voix ! Les législatives suivantes ne confirmeront pas le résultat, LFI parviendra certes à créer un groupe à l’assemblée nationale présidé par son leader qui s’est fait élire à Marseille mais il ne comportera que dix-sept députés. Ils seront tous hyperactifs et cela remplacera largement le nombre qu’ils n’ont pas !

Les élections locales suivantes ne signaleront aucune progression, aux élections européennes Manon Aubry, la candidate LFI fera un petit 6 pour cent, pas mieux que le candidat du ps et bien en dessous de celui d’EELV !

Bref à l’automne 2021, les premières mesures de l’opinion font apparaître une très forte poussée de l’extrême-droite qui se divise entre Zemmour et Lepen , une droite libérale qui oscille avec des hauts et des bas et surtout une quasi absence de la gauche. Ce phénomène anormal dans un pays ou elle existe quasiment depuis la fondation de la république interpelle. Chacun des essayistes, analystes ou commentateurs médiatiques y va de son explication, mais aucun ne devinera ce qui se révèlera en pleine lumière au soir du 10 Avril 2022, sauf Mélenchon qui se dit persuadé d’être au second tour ! Personne ne le croit vu qu’il plafonne comme tous les autres en dessous de dix pour cent. Tout le monde pense que c’est propagande de sa part et qu’il n’y croit pas lui-même, tout candidat n’avoue-t-il jamais avant le vote qu’il sera battu. Pour les uns, les électeurs de gauche sont chez Macron, ce qui est invraisemblable surtout en France ou la conception « sociale-libérale » de la gauche n’a jamais réellement pris contrairement à chez nos voisins européens. C’est le cas particulièrement en Allemagne ou l’accompagnement du capitalisme et sa renonciation à la rupture avec celui-ci est telle que le spd gouverne de temps à autres avec le parti de droite la CDU. Pour d’autres les électeurs de gauche ont subitement renoncé à ce qu’ils ont toujours été se rendant en fin compte qu’il n’y a pas d’autre alternative à ce système pourri qui engendre la misère, provoque des inégalités injustes et démentielles et détruit la planète comme cerise sur le gâteau ! « There is no alternative » disait Margaret Thatcher ! Personne n’a compris que le feu couve sous la cendre, qu’à la base dans la tête de ces millions de français qui ne sont rien, « les damnés de la terre » disait l’internationale, cette chanson de la commune de Paris en 1871 qui fut jouée dans tant de congrès des partis socio-démocrates dans le monde à la fin du dix-neuvième siècle et dans une large partie du vingtième. Le découragement fait peu à peu place à la colère et en suite à l’action, malgré l’inaction de la plupart des leaders de cette gauche qui se sont compromis dans le confort de la bureaucratie et de la trahison qui va avec. Le soir du 10 avril une véritable tempête électorale balaie tout sur son passage et fait mentir tous ces oracles médiatiques et oiseaux de mauvais augure qui ont pris leur désir pour des réalités ! Marx avait raison, tant que le capitalisme existera, les prolétaires, les exploités se lèveront pour le combattre et chercher à l’abattre ! JLM sera en troisième position cette fois et il lui manquera 400000 voix qu’il eut été facile de trouver chez chacun de ses challengers de gauche.

Alors le pari fait par Mélenchon de créer une force capable de remplacer la social-démocratie dans l’alternative aux forces de la réaction dans notre pays est-elle en train d’être couronnée de succès. ? En tout cas on peut considérer indéniablement que la moitié du chemin est fait. Non seulement le candidat LFI est parvenu à prendre haut la main le leadership à gauche mais il a réduit ses compétiteurs à la portion congrue, au point ou aucun n’atteint 5 pour cent, le seuil qu’il faut atteindre pour que les frais de campagne soient remboursés ! Des personnalités politiques ou culturelles qui pour certaines sont très éloignées de ce qu’il représente ont appelé à voter pour lui. On peut citer notamment Ségolène Royal et Christiane Taubira ! Ensuite ce qui est très important, c’est que ce phénomène semble être pérenne contrairement à ce qu’on avait cru tout d’abord. C’est la deuxième fois qu’il se produit à cinq ans d’intervalle. Si la première fois, on peut incriminer le désastreux quinquennat de François Hollande, il n’en est rien pour la deuxième ou le parti socialiste aurait du se redresser comme cela a été le cas dans l’histoire après chaque défaite électorale.

La situation ressemble en fait à celle des années 70 ou la SFIO s’était discréditée dans des gouvernements pendant les luttes des colonisés pour leur indépendance. Elle avait éclaté en mille chapelles, ne finissant plus qu’à se maintenir dans les élections locales. Déjà à cette époque François Mitterrand avait fait le pari de la rupture mais il l’avait fait différemment. Il avait regroupé tous les morceaux épars avec ce qui restait de l’ancienne SFIO en lui retirant la direction du parti. C’était seul moyen de ramener au bercail toutes les forces qui l’avaient quitté. Parallèlement il chercha un accord de gouvernement avec l’autre force de la gauche française, le parti communiste en procédant en fait comme l’avait fait Léon Blum en 1936 ! « Celui qui n’accepte pas la rupture avec l’ordre établi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, ne peut être adhérent du Parti socialiste. « Tel était ce que disait François Mitterrand quand il prit la tête de ce nouveau parti né à Epinay sur Seine en 1971. Mélenchon lui a le même objectif, mais il ne veut pas utiliser la même stratégie, il ne s’agit pas de « noyer » l’ancien parti dans des forces nouvelles mais de le détruire ! Il est hors de question pour lui de composer avec ce vieil appareil qu’il a quitté en pensant qu’il n’y avait plus rien à en espérer, autre temps autre mœurs !

Ce qui s’est passé le 10 avril ou on a vu ces ruines vermoulues empêcher la victoire à quelques voix près fait penser qu’il a raison. Ce n’est pas vrai d’ailleurs que pour le ps, cela l’est aussi pour les deux autres partis que sont EELV et le PCF tous liés au ps par les mêmes pratiques et le manque évident de rigueur dans l’action !

https://www.youtube.com/watch?v=88yO3nGAx7M

 

Alors la nouvelle union populaire constituée pour l’élection présidentielle de 2022 a fait la moitié du chemin, mais l’autre moitié sera-t-elle facile à parcourir que reste-t-il à accomplir, quelles sont les faiblesses, les obstacles ?

D’abord à l’international. Ce qui s’est passé en France est unique. Il n’existe nulle part en Europe de situation semblable. Si l’UP réussissait à prendre le pouvoir elle se retrouverait dans la même situation, que les révolutionnaires de 1792. Ils y sont bien arrivés mais au prix de soubresauts, et de tant de sang et de larmes ! En Allemagne, la tentative d’Oscar Lafontaine a fait long feu. En Grèce Syriza a fini par s’aplatir devant l’union européenne. En Espagne, Unidos Podémos avait réussi contrairement en France à constituer une alliance verte antilibérale comprenant outre les indignés, le PC espagnol et les écologistes. Après s’être rapproché du pouvoir l’alliance a reculé. En effet, contrairement au PS français, le PSOE sous l’impulsion de Pedro Sanchez avait rompu à temps avec les années Zapatero ou Felipe Gonzalez. Il a réussi a redresser la barre et à convaincre les électeurs, enfermant Unidos Podemos dans une coalition devant le risque de voir les héritiers du franquisme revenir aux affaires. Benoit Hamon a tenté la même opération en 2017 mais c’était beaucoup trop tard ! Un éventuel gouvernement français pourrait donc difficilement compter sur l’aide du gouvernement espagnol, en tout cas il faudrait qu’il prouve qu’il a de sérieux moyens de pression pour obtenir qu’il bouge ! Ailleurs il n’y a aucune possibilité : une union européenne dirigée par l’ultra conservatrice Von Der Leyen qui serait vent debout et ferait le maximum pour faire échouer la tentative, du sport en perspective ! Seule consolation, peut être ne fait-elle pas le poids tant que cela, elle a semble-t-il accumulé les déboires en Allemagne, quand elle était ministre de la défense d’Angela Merkel, tant et si bien que les chrétiens-démocrates ont du abandonner le projet de lui confier la succession, elle a du se rabattre sur la commission européenne !

 

Enfin le gros morceau, la LFI est maigrement implantée au niveau local et elle a très peu d’élus, témoin en est la comédie des parrainages visiblement laborieuse, vu que contrairement à 2017, on ne pouvait compter sur les communistes ! A toutes les élections, municipales, cantonales, régionales les écologistes ou le Ps ont semblé avoir le vent en poupe ! Carole Delga en Occitanie fut la personnalité la mieux élue de France ! Toutes ces forteresses ne seront pas faciles à faire tomber ! Et pourtant, je suis de l’avis de Thomas Porcher journaliste du média dont j’ai mis le lien un peu plus haut, il faut pratiquer la politique de la terre brulée, tuer politiquement ces empêcheurs, tant qu’ils existeront rien ne sera possible, mais cela risque d’être coriace. Mitterrand a préféré s’en accommoder plutôt que de tenter une telle opération dans les années 70 ! En plus ces partis notamment le ps foisonne d’anciens combattants qui tiennent à leur parti. Ils se souviennent des exploits héroïques du passé tout en oubliant d’ailleurs pourquoi ils se battaient à l’époque, souvent pour des valeurs qui sont totalement à l’opposé de celles de leur parti aujourd’hui. Celui-ci ressemble à la sclérosée SFIO, mais c’est un détail pour eux, seule l’écume demeure. Peu de gens n’ont pas changé avec l’âge, quand il vieillit l’être humain devient, frileux, égoïste et peureux ! Parfois j’enrage de me sentir un peu seul dans ma génération ! Certains jeunes pestent après les boomers et ils ont raisons quand nous étions jeunes nous faisions de même, seule une petite minorité de « vieux » n’avaient pas renoncé à l’idéal de leur jeunesse. Je me souviens des réunions de familles ou d’amis, ou on me parlait des illusions du congrès de Tours de 1920 pour m’expliquer doctement que comme eux je renoncerai plus tard à mes idées ! A la décharge de ces anciens combattants du ps, quand j’étais jeune, je n’ai jamais participé à cette enthousiasmante aventure, je n’ai pas créé de sections du nouveau parti socialiste, j’étais communiste et je me battais à l’intérieur pour que ce parti renonce au stalinisme tout en maintenant son caractère révolutionnaire et anticapitaliste.

L’élection législative des 12 et 19 juin est la première des élections locales du quinquennat. Contrairement à ce que disent certains journalistes qui racontent qu’après la présidentielle, le peuple français ne fait que confirmer, l’élection présidentielle en donnant une majorité au président élu. C’est évidemment faux. Ils ont toujours tendance comme d’habitude à interpréter un fait avéré comme cela les arrange ! En fait les électeurs votent dans le même état d’esprit un mois plus tard, les percées se poursuivent, les reculs aussi. Mais il ya deux paramètres qui modifient la conséquence finale sur le nombre de sièges. D’abord il y a le découpage des circonscriptions qui ne favorise guère les quartiers populaires et donc leurs représentants. Autrefois on avait coutume de comparer le nombre de voix qu’il fallait pour élire un député communiste par rapport à celle qu’il fallait pour élire un député de droite ! Ensuite n’oublions pas qu’il y a la notabilité, le clientélisme joue à plein bien que l’élu soit représentant de la république et non pas délégué de sa circonscription. Une réforme pour mettre fin à ce système serait d’interdire outre le cumul des mandats, la possibilité de se présenter plus de deux fois pour la même personne à toutes les fonctions et d’instituer le référendum révocatoire pour tous les élus quels qu’ils soient y compris le chef de l’état. Combien n’a-t-on pu voir pour une fonction locale donnée, la couleur politique ne changer que lorsque l’élu avait cessé d’être représenté !

Les derniers jours avant le 10 Avril, le vote Mélenchon a connu une ascension exceptionnelle, espérons que la vague ne sera pas retombée mais que cela se poursuivra.

Une dernière chose avant de terminer cet article : Il semble que JLM ne soit pas décidé à utiliser la tactique que je préconise qui est celle de la terre brûlée, utilisée de fait pendant la présidentielle. Supposons que ceux que Ségolène Royal a défini sous le vocable de « nains » ayant tellement peur de perdre tous leurs élus, soient particulièrement souples et conciliants et que la machine à transformer des voix de gauche en sièges de droite ne soit pas trop efficace. Il resterait un écueil de taille. Même si LFI réussit à avoir le premier groupe à l’AN, rien n’indique qu’elle parviendrait à obtenir la majorité à elle seule, d’autant plus qu’elle devrait peut être se résoudre à soutenir une candidature socialiste ou écologiste au deuxième tour pour éviter l’élection d’un candidat macroniste, républicain ou d’extrême-droite. On s’oriente donc dans les meilleurs des cas vers une nouvelle « Gauche plurielle » !

Mais j’entends déjà les cris de fureurs de certains ! Calmez-vous !

Un tel gouvernement ne ressemblerait en rien avec celui qu’on a vécu, le premier ministre et le gouvernement étant LFI et le groupe LFI étant le groupe majoritaire de la coalition et non une force d’appoint. En suite j’espère bien qu’on a ne lâchera rien sur le programme dans les négociations ! Sur certains points notamment l’application des traités, c’est impossible d’appliquer le programme s’ils sont respectés. Si on ne peut pas appliquer le programme, ce n’est la peine d y aller ! Inutile de se dégonfler comme l’a fait Tsipras ! De même la question de l’appartenance à l’Otan est à considérer. Tant que l’Europe dépendra des Etats-Unis pour sa défense il sera aussi difficile de mener une politique intérieure indépendante. Si on doit attendre que les Etats-Unis aient décidé de se débarrasser du capitalisme, on risque d’attendre longtemps ! Par contre c’est un fait indéniable que les minoritaires de la majorité gouvernementale pourront créer des difficultés pour freiner les réformes, il importera alors d’établir un rapport de force suffisant dans le pays pour soutenir le gouvernement dans son entreprise, j’espère que notre amie Nathalie Arthaud qui dépeint M. Mélenchon comme un semeur d’illusion prendra toute sa place dans la mobilisation, ce sera le moment de mettre en pratique ce qu’elle répète depuis des mois, à savoir que seules les luttes changeront le sort des travailleurs !

On continue à se mobiliser pour la victoire de l’union populaire en juin !

Haut les cœurs !

Qui ne risque rien n’a rien !


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