L’Université : usine à gaz (1) ou outil de développement (2) ?
par Marcel MONIN
samedi 13 février 2016
L’université : USINE à GAZ (1) ou outil du DEVELOPPEMENT (2) ?
On n’entrera pas dans l’éternel débat sur le rôle de l’université. On se contentera de noter que les jeunes vont à l’université pour obtenir un diplôme que les employeurs exigent d’eux. (L’employeur pouvant être l’université elle-même ou un laboratoire de recherche dépendant de l’université).
L’idéal pour l’employeur étant que le diplômé soit efficace. L’idéal pour l’étudiant étant que son diplôme lui permette d’être embauché.
Avec ici comme ailleurs, le jeu de la loi de l’offre et de la demande : plus le diplômé est rare, et plus les offres d’emploi sont nombreuses, plus la rentabilité sociale du diplôme est grande. Et dans le cas contraire, la « valeur » et la « rentabilité » sociales d’un ou de plusieurs diplômes peuvent être de faibles à quasi nulles.
Comme tout instrument de production, l’université peut être performante ou non.
C’est à dire, peut répondre aux besoins externes (des étudiants et des embaucheurs) ou peut travailler à sa propre survie comme institution. Avec un mélange des deux selon le lieu, le moment ou le secteur.
Les médecins et les biologistes sortis des universités médicales sont parmi les plus réputés du monde. Ce secteur est performant.
Dans d’autres secteurs, et sous un autre rapport, le nombre d’étudiants qui sortent de l’université sans diplôme est supérieur au nombres d’étudiants qui réussissent les épreuves, on ne peut que constater l’existence d’une situation anormale. Qui, contrairement à ce que disent les auteurs de cette situation, ne réside pas dans le fait que le niveau des étudiants serait faible, mais réside dans le fait que les enseignants n’ont pas réussi à élever suffisamment le niveau des étudiants pendant la durée qu’il leur était impartie pour l’élever.
Il ne viendrait pas l’idée à un employeur de payer des ouvriers qui, quoi qu’ils disent pour se justifier, sont incapables d’assembler correctement les pièces d’une automobile, qui irait à la casse avant de sortir de la chaîne de montage.
Cet état de fait présente un « avantage » en période de déflation : les étudiants acceptent leur relégation sociale dès lors que celle-ci est la conséquence d’un échec vécu comme personnel et prononcé par une institution réputée savante et neutre. Et comme les statistiques enseignent que les résultats de l’université reproduisent les strates sociales, l’échec à l’université fait accepter qu’on reste ce que l’on était … en quelque sorte voué à demeurer.
Cet état de fait ouvre aussi un marché aux entreprises privées d’enseignement qui trouvent une clientèle aisée qui peut acheter les diplômes qui présentent ainsi un caractère suffisant de rareté pour avoir une « valeur » sociale. Certaines universités se sont d’ailleurs inspirées de l’air du temps et de ces mécanismes, pour faire payer cher ses diplômes, dont la rentabilité sociale s’est mise à monter proportionnellement au niveau des droits d’inscription (et, pour certaine, en rapport aussi avec le vision du monde et les théories économiques enseignées) .
Que le contenu des enseignements privés soit différent ou pas du contenu des enseignements « publics » est une question qui n’est guère abordée. Parce que si elle était abordée, elle pourrait conduire à constater (hypothèse où les enseignements sont identiques ou comparables) que la société organise volontairement une ségrégation sociale tendant à assurer que les élites se reproduiront en leur sein, donc selon leur intérêt. Parce que si elle était abordée elle pourrait conduire à constater (hypothèse ou les enseignements ne sont ni identiques ni comparables) qu’il y a quelques séances d’électrochocs à programmer au sein du corps enseignant du secteur public ordinaire.
Sans entrer dans ces thèmes de réflexion sur le fonctionnement de la société, et sur les choix politiques qui sont faits ou en train de se faire (dans l’espace économique déréglementé européen, l’enseignement est redéfini comme service « marchand », et non plus comme service « administratif » ; en Afrique, les dirigeants ont baissé les bras et encouragent l’enseignement privé), nous ferons des remarques techniques sur l’université publique, qui, paraît être devenue dans beaucoup de ses secteurs une « usine à gaz ».
Et qui pourrait jouer un meilleur rôle au service du développement, avec la suppression des innombrables coûts inutiles.
Nous préconisons trois mesures.
1.
Mettre fin au statut dit « d’enseignant-chercheur ».
Les enseignants ont un statut qui les présente comme « enseignants-chercheurs »
Cette appellation théorique a des incidences concrètes : elle « justifie » que le service des enseignants-chercheurs soit allégé deux fois par rapport au temps légal du travail
- une première fois par la limitation du temps d’enseignement à 132 heures de cours par an ( ou de 192 heures de TD, ou d’un mélange des deux), avec, quand même, obligation de faire passer les examens-
- une deuxième fois pour la recherche : le reste. Comme cette la recherche n’est ni définie, ni quantifiée, il est possible de ne faire que les heures d’enseignement pour être payé douze mois sur 12. Et certains en profitent aux frais du contribuable.
La recherche est une activité qui a pour objet la découverte d’une vérité jusque là ignorée. La découverte une fois réalisée, elle prend la forme d’une publication, destinée à la communauté, qui fait état de l’hypothèse, de sa vérification, et du résultat.
Mais il y a beaucoup de publications (articles, thèses, livres) qui ne sont pas de la recherche. Surtout dans les disciplines, comme le droit, où les publications ne font que reprendre, en les citant, en les paraphrasant, en les commentant, le texte des lois (parfois pour les courageux les travaux préparatoires) et la jurisprudence qui les a appliqués. Avec, dans le meilleurs des cas, l’invention de nouveaux mots pour présenter l’existant, ou la recherche de l’originalité qui exige que l’on fasse de l’état du droit une présentation qui … s’en écarte.
La thèse (toujours qualifiée de travail de recherche, alors que l’ensemble peut être une simple compilation, et une redite de ce qui a été déjà écrit sous un titre un peu différent dans une autre « thèse », dans une encyclopédie ou dans des articles et commentaires) et les articles (eux aussi pris en compte comme travaux de « recherche » constituent la base du recrutement des enseignants. Et de leurs promotions.
Avec deux inconvénients : La notion de qualité des publications est d’autant plus subjectif (donc soumis aux aléas des conflits d’intérêts et du népotisme) qu’il n’y a pas de lien entre les notions de thèse ( = recherche) et la notion de découverte.
Une fois qu’il est recruté, le fonctionnaire, qui n’est contrôlé par personne, fait ce qu’il veut comme enseignement. Avec les conséquences catastrophiques que les statistiques révèlent, les bons enseignants ne parvenant pas à corriger les effets de la pratique des autres.
Des enquêtes ont montré que des enseignants cessaient de publier (la question du contenu étant posée) lorsqu’ils avaient acquis le poste qu’ils souhaitaient avoir.
L’enseignement (activité parfois unique des professeurs et des maîtres de conférences) n’a souvent pas grand rapport avec le sujet de la thèse. Parce que l’enseignement est distribué à partir d’un programme destiné à des étudiants sortant du bac, où à des étudiants qui font une thèse nécessairement sur un autre sujet. D’ailleurs, dans certains endroits, les cours sont distribués dans l’ordre du tableau : les plus anciens dans le grade le plus élevé choisissant le cours qu’ils distribueront, laissant aux plus jeunes, le soin d’apprendre en l’enseignant la matière que le système leur impose.
Il faut donc « casser » la notion d’enseignant-chercheur, qui est souvent une fiction, sans pour autant priver l’université de la possibilité de développer une recherche en son sein. Parce que la recherche financée sur des fonds publics est de nature à éviter que soit privilégiée la seule recherche ayant un but mercantile, ce qui serait potentiellement catastrophique pour l’évolution de la société (3).
On peut très bien permettre aux agents de l’université de solliciter un cumul d’activité en postulant comme chercheur, et en postulant comme enseignant. Chaque carrière se déroulant selon la logique qui lui est propre, et selon des critères et des conditions. Avec la possibilité que plus de recherche effective dans un projet, permette des décharges de service d’enseignement.
Chaque personne étant par ailleurs libre de réfléchir à titre personnel, de publier, manuels et essais. Mais sans que ces activités privées ne soient prises en charge par le contribuable.
2.
Recruter les enseignants selon un cahier des charges (4) .
Nous ne traiterons ici que du recrutement des enseignants (et non des chercheurs).
On regroupe habituellement dans le même terme « enseignement » deux activités en réalité très distinctes ;
a) La première consiste à mettre des connaissances à la disposition des étudiants. Elle est identique à l’activité d’un auteur d’une publication dans laquelle il énumère « ce qu’il faut savoir » de la matière.
La distribution orale de l’état de la connaissance est si intimement liée à l’idée que l’on se fait de l’enseignant et de son statut, que ce mode de transmission des connaissances s’est maintenu avec le développement de l’imprimerie, de la radio et de la télévision, et maintenant d’internet. Il arrive même qu’un enseignant « dise » ou lise purement et simplement son cours, même s’il le fait imprimer (lorsque le contenu de celui-ci est « montrable »), sous forme de polycopié ou même s’il le met à la disposition des étudiants sur internet.
On entend beaucoup de justifications corporatistes à cet état de fait.
Mais quoi qu’on puisse entendre, il est de fait que le coût de la pratique (paiement d’enseignants, construction et entretien d’amphithéâtres pour que les mêmes choses soient répétées des centaines de fois à travers un pays ( France) ou dans plusieurs (France et Afrique) , alors qu’il est aisé de trouver la même chose gratuitement ou à peu de frais, dans des ouvrages imprimés, dans des fiches ronéotées, ou sur internet) est un non sens.
D’où la première réforme :
Demander à des auteurs (de l’enseignement ou d’ailleurs), sur la base d’un cahier des charges, de produire des documents contenant les connaissances du moment (ou y renvoyant lorsqu’elles figurent déjà sur un support accessible à tout le monde), qu’il est nécessaire de maîtriser, et qui feront l’objet des épreuves valant pour l’obtention d’un diplôme. Les auteurs potentiels étant mis en concurrence.
Pour la même matière, on peut faire appel à plusieurs personnes, ce qui, comme pour les manuels, offrira aux étudiants un choix quant au style.
Les auteurs une fois rémunérés, il n’y a plus lieu de rémunérer des dizaines ou des centaines d’enseignants disant la même chose dans le pays, y compris parfois dans plusieurs diplômes ou filières de la même université. Il n’y a pas lieu de titulariser les auteurs, pas plus qu’il n’y a lieu de donner le statut de fonctionnaire à un écrivain au motif qu’il a publié un roman ou un ouvrage.
Le système de recrutement d’auteurs sur la base d’un cahier des charges, permet de faire appel, en cas de besoin nouveau, à des spécialistes nouveaux.
Alors que dans le système figé actuel, les enseignements « nouveaux », entendus comme enseignements à contenu différent, doivent être (sauf création de poste) confiés à des enseignants existants. Lesquels auront tendance à reproduire ce qu’ils font sous une appellation nouvelle, sauf à changer d’orientation ou de spécialité. Ce qui ne se fait pas, à supposer que cela puisse se faire, aisément (5).
b) La deuxième activité est très différente. Elle consiste à encadrer les étudiants d’une manière telle qu’ils réussissent. C’est à dire, d’une manière telle qu’ils seront capables de prouver qu’ils sont capables d’utiliser les connaissances du programme en vue d’un recrutement dans une profession exigeant la maîtrise de ces connaissances. Et pour commencer en vue d’avoir le diplôme.
Sous ce rapport, cette activité est très proche de celle des professeurs du primaire et du secondaire.
Le recrutement de ces enseignants doit se faire sur la base d’un cahier des charges indiquant notamment le type et la quantité de prestations à offrir (corrections de devoirs ; entretiens avec les étudiants, etc…) avec examen des propositions des candidats sur la méthode qu’ils comptent utiliser.
L’encadrement des étudiants demandant, à partir d’un certain nombre d’étudiants, un travail à temps complet, ces enseignants doivent en revanche pouvoir être titularisés (comme les enseignants à temps plein du primaire et du secondaire). Avec un système d’évaluation et de contrôle conditionnant le déroulement de la carrière.
L’encadrement dont peut se faire soit en « présentiel » quand la matière l’exige, soit par internet (manque de locaux, étudiants salariés ou étudiants lointains) selon des modalités adaptées.
3.
Créer une université numérique de plein exercice.
L’université numérique (enseignement et encadrement par internet évidemment lorsque la discipline n’est pas d’une nature telle – entrainement physique , dissection, besoin d’un matériel que seule l’université peut acquérir, …- que la présence de l’étudiant dans un certain lieu s’impose) est dictée par l’évolution de la société.
Elle est un moyen, pour l’université publique, de demeurer « compétitive », dans la période de privatisation qui s’annonce et qui s’accélère. En Afrique et en Europe (v. ci-dessus)
Expliquons.
Profitant des pesanteurs de l’Université publique, avec (v. les arguments commerciaux habituels : ses fonctionnaires qui conduisent les étudiants à l’échec selon un pourcentage (trop) important , qui sont en grève
quand ils ne sont pas corrompus – v. les articles sur Maliweb- … etc, ) les industriels de l’enseignement mettent sur pied des filières d’enseignement, qui délivrent des diplômes, d’abord en partenariat avec l’université publique, en attendant que la « côte » conférée socialement aux diplômes privés leur permette de se passer du partenariat (en France : systèmes de la convention avec une université publique ou du jury rectoral sur le fonctionnement desquels il y a beaucoupà dire )
Dans les relations entre les universités publiques françaises et les établissements privés africains, on voit le processus se mettre en place de manière caricaturale. Exemple idéal-typique : Un investisseur d’un établissement privé africain met la main sur un universitaire français, lui promet et lui paye un séjour agréable, le flatte, et l’affaire est faite. L’universitaire français fait signer une convention par son université. Et moyennant quelques voyages payés au Français et à quelques copains (qui sont censés faire en quelques heures un cours dont la distribution leur prend un ou deux semestre en France) , l’établissement privé fait ce qu’il veut et envoie en France une liste de noms auxquels l’Université publique confère un diplôme français. Ce commerce, s’il dure quelques années, donne la « côte » à l’établissement privé, qui assurera sur cette lancée son chiffre d’affaires.
L’université numérique permet à des étudiants quels qu’ils soient, salariés ou lointains (comme les étudiants d’Afrique) de s’inscrire à un diplôme français et d’en subir les épreuves à distance (ce qui n’est pas difficile à organiser dès lors qu’on le veut).
Elle permet également de mettre en place des formations adaptées aux besoins du moment de manière extrêmement souple et rapide. Et de créer des diplômes mixtes franco-africains en fonction des besoins.
Inversement chaque université africaine peut faire la même chose. Et offrir des diplômes et des formations aux étrangers, notamment à ceux qui ont besoin de connaître les réalités (entre autres ethnologiques , sociologiques, juridiques, économiques, …) locales pour des raisons scientifiques ou pratiques.
L’inscription des étudiants à l’université numérique doit être directe (contrairement à ce qui se passe actuellement avec des organismes comme l’UNJF qui ne sert que de bibliothèque en ligne réservée à des abonnés, mais qui pourrait jouer un rôle intéressant si le statut d’université lui était … imposé) Les étudiants n’ayant pas besoin de s’inscrire dans un établissement public ou privé pour avoir accès au diplôme. Il suffit que l’université numérique détermine les conditions d’inscription (et les contrôle) en début ou en cours de cycle. Exactement comme le font les universités traditionnelles.
A cet égard l’université numérique peut offrir deux types de diplômes : les diplômes à contenu permanent sur les connaissances de base dans une discipline, et des diplômes et des formations spécialisées et évolutives.
L’université numérique n’ayant pas à multiplier les constructions et l’entretien de campus, ni le paiement d’enseignants-chercheurs répétant ce qui existe déjà, les coûts de fonctionnement peuvent être faibles. Et les droits d’inscription aussi. Ce qui est de nature à conserver à l’université publique numérique un avantage concurrentiel.
Les économies réalisées peuvent d’ailleurs être investies dans les disciplines dans lesquelles la présence des étudiants est requise ( travaux pratiques de médecine, de biologie, etc…)
Ces propositions impliquent une révision importante des pratiques, mettant en question l’exercice du métier par les personnes en poste. Qu’on ne saurait licencier (sous peine d’ailleurs de provoquer des troubles, les étudiants étant prompts à venir à la rescousse de leurs enseignants lorsque ces derniers leur font croire que leurs intérêts sont liés)
Mais rien n’empêche de mettre en extinction les corps actuels d’enseignants-chercheurs.
Et, en attendant l’extinction, on peut d’ores et déjà expérimenter les nouveaux principes. En offrant aux « enseignants-chercheurs » en voie d’extinction la possibilité de candidater dans les nouveaux emplois sans attendre la retraite.
Ce qui, pour certains et dans certaines disciplines, ne changera pas grand’ chose. Saut peut-être à améliorer la carrière, par exemple, de ceux qui cherchent et trouvent le moyen de sauver des vies ou donner aux individus les clés de la compréhension de ce qu’ils vivent.
Marcel-M. MONIN
(11 février 2015, complété ultérieurement)
(1) On ne traitera pas ici de ce qu’on peut mettre sous le vocable « gabegie », comme les dépenses engagées de manière irrégulière (paiement indu de suppléments de traitement , comme nous l’avions noté dans notre rapport de 1995, repris par un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale www.lexpress.fr/informations/nanterre-fac-du-laisser-aller_615259.html) ; les travaux ou achats décidés par tel directeur d’UFR selon sa lubie du moment ; les frais de mission pour couvrir des dépenses ne s’inscrivant guère dans la notion mission ; les décharges de service doublant des primes de fonction et permettant de faire une partie de service en heures complémentaires ; les sous services non sanctionnés autrement que par la suppression de la prime de recherche, etc., etc ... Les responsables de ces errements étant élus (directeurs d’UFR et présidents d’universités) , ces derniers n’osent pas … toujours y mettre fin, sauf à heurter les « chers collègues », avec, le cas échéant, les conséquences sur leur propre carrière … puisque les chers collègues votent sur le déroulement de la carrière de chacun (avec les conséquences indiciaires y attachées) et peuvent devenir à leur tour directeur ou président.
C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il faudrait (ou qu’il aurait fallu, pour les raisons qui seront exposées dans les lignes qui suivent) que les universités soient dirigées (v. le modèle de direction des hôpitaux publics) par un directeur général nommé par décret, qui n'entretienne ni ne puisse entretenir aucun lien de subordination que ce soit avec les universitaires, qui gère les locaux (construction, entretien et occupation), engage les dépenses avec, pour les personnels quels qu’ils soient, vérification préalable du service fait au regard de la loi. Le président de l’université s’occupant des questions scientifiques et pédagogiques.
Avec une commission de discipline au moins présidée par un magistrat de l’ordre administratif. Fonctionnant selon des règles de procédure permettant la poursuite effective des errements. (Par exemple, et pour parler crûment et en pensant à certains collègues, il ne nous paraît pas admissible que certains individus qui pratiquent le harcèlement sexuel sur leurs étudiantes ou leurs étudiants - quand ce n’est pas sur les deux - assorti de menaces ou de chantage, puissent continuer leur carrière impunément ).
Les gouvernants ont choisi ou accepté de suivre une autre option (comme pour les hôpitaux publics) : celle de « forcer » les personnes qui dirigent les universités à agir progressivement (par mise en oeuvre des bonnes vieilles recettes de manipulation et de préparation des changements douloureux pour ceux "contre" lesquels la réforme est imaginée) selon une logique financière ( universités propriétaires de leurs locaux, gestionnaires de leur masse salariale, etc …), en supposant ou en voulant faire croire que cette logique mettra fin à la « gabegie ». Logique financière rapprochant petit à petit les universités publiques des établissements privés, selon la religion à la mode ( mise en œuvre par les politiques des conceptions de Milton Friedman) de concurrence libre et non faussée (au moins quand cela arrange ceux qui invoquent la « règle ») qui a pour effet et d’ailleurs comme objet de permettre au plus fort de tuer le plus faible. Avec le nécessaire ajustement des droits d’inscription, réservant à terme et de fait, l’accès à l’université à l’élite socio-économique. Avec, pour respecter la démocratie selon la recette du pâté d’alouettes ( rappel : une alouette, un cheval) un système de bourses ou de prêts bancaires censés assurer l’accès … démocratique à l’enseignement supérieur aux plus méritants des plus défavorisés.
(2) On prend ici le mot « développement » au sens de niveau de vie de l’ensemble de la population, de « droit au bonheur » comme il est inscrit dans la déclaration d’indépendance des Etats-Unis, et non par référence au PNB ou à la « compétitivité » des entreprises mesurée notamment aux bénéfices engrangés par ceux qui en sont propriétaires.
(3) Le fait que certains individus, recevant de l’industrie privée une rémunération soit pour eux, soit pour leur service, profitent de leur statut d’universitaire pour rédiger des rapports (qui vont déclencher des décisions) allant dans le sens des intérêts financiers des payeurs est une autre question. Dont on ne soucie de toutes façons guère, si l’on en juge par les scandales à répétition qui éclatent, par exemple autour de questions relatives aux effets de certains médicaments, ou de certaines substances. La répétition de ces scandales indique que l’ « on » se garde de prendre des mesures efficaces, non seulement pour réglementer ou interdire les situations de conflits d’intérêt ( réglementation ou interdiction qui ne servent à rien ou à pas grand’ chose –sauf à faire croire que la société ne tolère pas la corruption- comme l’actualité le démontre), mais surtout pour les sanctionner. Par exemple en exigeant des heureux bénéficiaires de situation de conflit d’intérêt qu’ils remboursent les sommes engrangées, et qu’il versent une amende civile. L’idée étant de voir si la ruine de certains individus ayant mis leurs fonctions publiques au service d’intérêts privés peut encore inciter ceux qui ne se sont pas encore compromis à franchir la ligne. En application de l’adage « how much ? » dont on oublie qu’il peut marcher dans les deux sens, soit pour gagner, soit pour perdre.
(4) Il n’est pas question ici de participer au mouvement idéologique (des adeptes du dogme et des produits dérivés des affirmations de Milton Friedman) de réduction de la fonction publique. Ni à la préparation de l’opinion publique à la prise de décisions politiques allant dans ce sens, à laquelle certains politiciens ont commencé ouvertement à se livrer en septembre 2015 , selon la technique de manipulation bien connue dans laquelle l’un (le ministre des finances) avance l’idée qui déclenche le débat, l’autre (le président de la République qui se démarque) émet une idée rassurante. Débat à l’issue duquel la réforme sera faite au moment où l’opinion publique, au début hostile, sera mure. Et ce dans le cadre plus général de la réalisation du transfert aux financiers privés d’activités qui étaient jusque là considérées comme des activités « administratives » ( enseignement, santé, etc…), voire même « régaliennes » (sécurité, défense, justice - traité transatlantique et initiatives des structures bruxelloises de dérégulation de la zone ouest européenne-, sans compter l’émission de la monnaie –Maastricht, Lisbonne- et la définition de la politique elle-même – mêmes traités, traité de Marrakech pour l’OMC-
Dans l’enseignement « supérieur », il n’est pas nécessaire d’avoir son activité et sa rémunération principales au sein de l’université. C’est d’ailleurs le cas d’une masse d’enseignants dits vacataires, dont le service est aussi lourd que les enseignants statutaires, qui doivent, pour –se voir confier un auditoire, justifier d’un emploi principal extérieur. Situation qui est fort bien admise par les statutaires, y compris par ceux qui se sont encartés « à gauche » (parmi lesquels on trouve des présidents d’universités ne connaissant pas les problèmes des fins de mois difficiles, qui embauchaient des personnels administratifs en septembre, les débauchaient fin juin, et les ré embauchaient après une période de chômage de deux mois, en septembre).
D’ailleurs, on ne peut soutenir sérieusement que celui qui a 132 heures de cours à « distribuer », non pas dans le mois, mais dans l’année, appartient à la catégorie des personnes ayant, dans cette activité, une activité principale. 132 heures, mêmes majorées du temps de préparation les deux premières années (les mathématiques, la littérature, la grammaire anglaise ne changent pas tous les ans), ou du temps de mise à jour, quand la mise à jour est nécessaire ( étant entendu, par exemple pour les juristes, que les constitutions ou les lois ne changent pas à chaque rentrée universitaire, et que si les revirements de jurisprudence existent, ils n’interviennent pas toutes les semaines).
(5) S’ajoutent à ce qui est dit ici les mécanismes, humains, qui « jouent », (ainsi que les réseaux), au moment du recrutement Dans les commissions, dans les jurys, il y a souvent un membre dominant. Qui estime que tel candidat est bon. Les autres suivent. Ceux qui ne sont pas d’accord étant amenés à suivre, par intérêt (leur vote dissident peut les faire mal considérer et entraîner des conséquences négatives sur leur carrière), par souci de ne pas se faire remarquer, ou tout simplement en application du principe selon lequel le chef a raison.
Ce qui fait que selon l’alchimie qui s’opère au sein de l’organisme de recrutement, des candidats remarquables sont pris. Auxquels on pense quand on traite des valeurs de l’université et que l’on parle des universitaires. Comme peuvent être choisis des imbéciles et des paresseux (dont le seul effort véritable dans leur carrière aura été de courtiser leur mentor) qui feront des dégâts jusqu’à l’âge de leur retraite en profitant des avantages du système et de leur statut (et qui ne manquent pas de disserter ensuite, l’impudeur ne les dérangeant pas plus que les odeurs corporelles, sur le niveau des étudiants -qui baisse, comme il est de bon ton de le dire depuis Charlemagne- et la nécessité de sélectionner ces derniers).