La 5e : une république mortellement instable !
par syd93
jeudi 18 avril 2013
La stabilité. Voilà donc l’argument massue qui sort de la bouche des admirateurs de la Ve République. Il faut qu’ils portent l’argument, qu’il imprègne les esprits, coûte que coûte. « Il n’y a rien de mieux que le présidentialisme » poursuivent-ils. C’est la garantie ultime contre les crises politiques. C’est la garantie absolue d’une santé démocratique à toute épreuve. Examinons alors la Ve avec l’œil minutieux du clinicien soucieux de la santé de la démocratie. Prenons un point de départ : l’arrivée de la gauche au pouvoir dans les années 80. Pourquoi ce choix ? Parce que la Ve connaît sa première alternance politique, sa première respiration démocratique. Alors stable ou instable la Ve ? Garantie démocratique ou confiscation de la citoyenneté la Ve ?
Pour répondre, retraçons tout d’abord ses antécédents. Vous allez voir, c’est très utile pour poser sérieusement un diagnostic objectif.
- 1986, la Ve convulse violement. Elle subit sa première cohabitation. Plus personne ne sait qui doit diriger le pays. Les constitutionalistes se mettent au travail. Le verdict tombe. Pour assurer la survie de la Ve, le président reste le commandant en chef des militaires et représente la France dans le monde. Le premier ministre s’occupera des affaires intérieures. Ouf, tout le monde respire. La Ve va vivre. Seulement voilà, le premier ministre veut devenir président. Le président veut rester président. Le premier ministre se mêle alors des prérogatives du président. Le président se mêle des prérogatives du premier ministre. Durant 2 ans le pays vit, subit, souffre de la compétition de 2 partis politiques, le pays vit, subit, souffre de la compétition de 2 hommes.
- 1988, le président sortant gagne contre le premier ministre sortant. Promis, juré, avec les 54% du gagnant, la Ve va retrouver des constantes normales, cesser de connaître fièvres, spasmes et convulsions à répétition. Car avec ses 54%, le gagnant redevient le seul et unique président, un président incontestable qui ne sera plus contesté. Puis patatras. Le premier ministre nouvellement nommé, un concurrent du président réélu au sein même de son parti, un certain Michel Rocard, n’obtient pas la majorité absolue aux élections législatives. Il va devoir composer, chercher des majorités au cas par cas. Il tiendra 3 ans. Une femme lui succèdera. Edith ne tiendra que 10 mois. Un homme reprendra la suite, Pierre Bérégovoy. Il tiendra 1 an et tout le monde connaît sa fin sur fond de rumeur de scandale financier.
- 1993, la Ve convulse encore plus fort. C’est une nouvelle cohabitation qui commence. Mais là on sait comment faire, on connaît le traitement, sa posologie, on a l’expérience de 1986. Le premier ministre choisi ne sera jamais en concurrence avec le président, il ne briguera jamais la fonction suprême. Elle revient de droit à son ami de 30 ans, Jacques, le perdant de 1988. Mais le premier ministre veut finalement devenir président, son ami jacques le veut aussi. A nouveau, la république rentre en campagne pour satisfaire l’égo de deux hommes, pour servir d’instrument à un appareil politique, le RPR, qui se déchire sur fond d’amitié trahie.
- 1995, on respire à nouveau, la Ve est re-sauvée. Jacques, l’ancien premier ministre de François, candidat en 1981, puis en 1988, gagne en 1995 face à un candidat PS peu crédible sur fond de gauche socialiste plus amatrice de caviars que d’œufs de lumps. Il dispose d’une majorité à l’assemblée, celle élue en 1993 et qui avait pour chef Edouard, l’ami de 30 ans qui a trahi mais qui a perdu en 1995. Vous suivez toujours ? Bien sûr ! Ces guerres de chefs sont le véritable moteur de la Ve. Qui peut ignorer ces histoires ? Mais Jacques veut une assemblée chiraquienne, pas une assemblée balladurienne ! Voilà qu’il invente alors la dissolution tactique. L’assemblée est à droite, il la veut chiraquienne. On est chef absolu ou on ne l’est pas.
- 1997, patatras pour la 3ème fois. L’assemblée sera jospinienne, du nom de Lionel, le candidat socialiste qui a perdu en 1995 face au monsieur « Destop » des institutions du général. Mais on sait plus que jamais comment faire. En plus de l’expérience de 1986, on a l’expérience de 1993. Mais ça ne marche toujours pas…
- Octobre 2000, les futurs compétiteurs à la fonction de chef de la France ont trouvé la solutionpour éviter la cohabitation : le quinquennat. La voilà la solution, la voilà la thérapie de choc qui soulagera le malade de ses convulsions morbides.
- 21 avril 2002, catastrophe. Les signes vitaux de la Ve sont critiques. Un postulant d’extrême droite à la fonction de chef affrontera au deuxième tour Jacques, candidat en 81, 88, 95 et donc en 2002. Il faut dire que Jospin, candidat en 95, avait dit coup sur coup qu’il n’était pas socialiste, que la Ve ne pouvait pas tout. Les électeurs de gauche votent alors à droite pour éviter l’extrême droite. A part cela, tout va bien sous la Ve désormais quinquennale.
- A partir de 2002, les présidents élus ont les pleins pouvoirs absolus durant 5 ans. C’est open bar !
Une auscultation basique nous permet de comprendre l’état clinique actuel de la démocratie sous le régime de la Ve. La simple écoute de la fonction cardiaque montre une inquiétante chute du rythme de participation lors des élections. La défibrillation quinquennale ne fait que masquer l’état de faiblesse générale de la démocratie.
L’imagerie indique, quant à elle, une inflammation généralisée de tous les organes de la Ve par un germe bien connu : le fric. Ce germe provoque des nécroses graves. Ainsi, des candidats à la fonction de chef sont tellement contaminés par le fric, qu’ils auraient dû voir leur comptes de campagnes invalidés. Ainsi, Jacques, n’aurait jamais dû être président. Nicolas, le gagnant de la compétition en 2007, s’est lui même fait contaminer par une souche mutante du germe fric connue sous le nom de « mamie Zinzin ». Ainsi, les ministres du budget sont eux aussi régulièrement terrassés par le germe néfaste.
Enfin, un électroencéphalogramme prouve la mort du lobe cérébrale « sénat ». Le parti socialiste avait toujours justifié son inaction sur la revitalisation de la Ve, par le biais du droit de vote des étrangers par exemple, du simple fait qu’il n’avait pas les commandes sur les synapses de ce lobe du cerveau de la Ve. Aujourd’hui il les a. Mais le lobe cérébral « sénat » ne réagit toujours pas. L’électroencéphalogramme est toujours désespérément plat !
Il n’est même pas nécessaire de passer par la procédure du diagnostic différentiel pour découvrir la maladie de la Ve république tellement les symptômes et les examens sont clairs. La Ve souffre d’une tumeur “hyperprésidentielle”. Elle agît simplement. Des cellules politiques, issues des deux écuries présidentielles, se dérèglent et n’ont plus qu’une seule et unique fonction : être élues, puis réélues, puis réélues à nouveau. Plus elles ont de mandats, plus elles en veulent. Ce dérèglement grave a pour conséquence de donner naissance à des cellules protéiformes qui phagocytent la démocratie. Peu importe de respecter ou nom ses engagements envers les citoyens. Peu importe d’avouer son impuissance face à la financiarisation de l’économie et de la politique, du propre aveu de Jospin hier, du propre aveu de Moscovici aujourd’hui. L’important c’est les postes et le semblant de pouvoir qu’ils confèrent. Y compris lorsqu’il s’agit de postes « fictifs » à l’image des sénateurs qui n’ont aucune influence véritable sur la vie du pays. Le poste, encore le poste, toujours le poste.
Les traitements initiés par les adeptes de la Ve ont, chaque fois, montré leurs limites. En réalité, leurs essais thérapeutiques ont tous échoué, comme le soulignent les antécédents de la maladie. Ainsi, l’habituation à la cohabitation ou le quinquennat n’ont apporté aucune amélioration. Pire, le mal s’est accru proportionnellement à l’augmentation des pouvoirs du président. L’instabilité de la Ve est désormais totale et engage son pronostic vitale de manière évidente.
Une solution thérapeutique existe cependant. Elle est radicale, mais elle a fait ses preuves chaque fois qu’il s’agissait de renforcer la démocratie et la citoyenneté en république. C’est la greffe de la 6e république pour remplacer en totalité ce corps mourant de la Ve et redonner vie à la démocratie citoyenne. Alors vite, la 6e République !