La claque
par Elliot
dimanche 13 décembre 2015
Après avoir caracolé en tête dans 6 régions à l'issue du premier tour, le FN ne s'impose au final nulle part.
Bien que Marine Le Pen essaie de tirer le meilleur parti d'un résultat décevant en imputant son échec aux petits arrangements entre coquins, c'est la démocratie qui a parlé. Aucune formation politique n'est propriétaire de ses voix et le peuple a donc tranché : il semblerait qu'il voulût bien côtoyer le précipice mais que des idées suicidaires ne le prédisposassent pas encore à s'y jeter.
Pourtant, une victoire frontiste çà ou là aurait été au fond assez peu significative et même futile quand bien même s'il n'était pas du tout acquis que l'exercice du pouvoir eût dû lui aliéner des sympathies sur les quelques mois qui nous séparent des Présidentielles.
La leçon est ailleurs : dans la sacrée frousse que le FN aura réussi à susciter auprès du bras séculier, j'allais écrire le bas clergé, de la technostructure locale au service de l'oligarchie mondiale.
Mais même sans ce vigoureux coup de balai auquel ils ont échappé, nos encroûtés pourraient porter remède à leur surdité et soigner leur myopie et se livrer à une salutaire introspection sur la fragilité des positions acquises.
Après les trémolos d'usage, les doctes considérations sur le mal-être du corps social, les grossières manifestations d'empathie à la Sarkozy pour des électeurs qui se posent de bonnes questions mais vont chercher de mauvaises réponses, on devra encore attendre encore un certain temps la véritable révolution copernicienne chez tous ces hiérarques installés dans le confort des rentes à vie.
Il reste à espérer mais ce n'est même pas sûr qu'ils aient pris conscience de l'épée de Damoclès qui pèse sur leurs privilèges menacés par de nouveaux venus qui sortent des rôles d'utilités dans lesquels on les avait cantonné : ils ont senti le souffle du boulet.
Le FN travaille avec assiduité à la captation du pouvoir, il vient d'enregistrer un sévère coup d'arrêt mais il serait hasardeux de spéculer sur un reflux.
Au cas où, contre toute attente, le FN ne décrocherait aucune région, ce qui semble se confirmer, j'entends déjà les commentaires creux voire compassés sur le sursaut républicain.
C'est en tout cas ainsi que l'on qualifiera le produit grotesque du mariage de la carpe et du lapin.
On peut d'ailleurs se poser la question sur la pertinence de cette formulation car les différences ne sont guère flagrantes entre Valls ( ou Macron et consorts ) et ceux qu'il a appelé à soutenir parfois – comme en Alsace Lorraine Champagne Ardennes - contre son propre parti.
Point n'est plus besoin de la rebaptiser, la carpe est bien devenue lapin dans l'exercice de la gouvernance sous tutelle et il faut sacrément se dessiller les yeux pour saisir ce qui les différencie tous notamment dans l'administration proconsulaire que Bruxelles leur a délégué.
Qui ne comprend d'ailleurs que le succès du FN au premier tour bien vient de cette transgression volontaire des règles que d'aucuns avaient voulu figer dans l'exercice du jeu démocratique et où le parti d'Extrême-droite servait de défouloir : 40 % des suffrages dans certaines régions stratégiques !ce n'est plus simplement de la protestation, c'est aussi une attente qui s'exprime.
On pourra avec raison souligner que, pour ajouter à la confusion, le FN fait aussi en interne la synthèse des contraires depuis les néo-libéraux forcenés, nationaux-catholiques et réactionnaires de tout poil, racistes invétérés jusqu'aux personnes sensibles à la logorrhée ouvriériste des vieux bassins industriels.
Ce ne serait pas non plus la première fois dans l'histoire finalement assez récente de la démocratie que des populations iraient par leurs suffrages à l'encontre de leurs intérêts et se réveilleraient avec une gueule de bois carabinée.
On sait l'exaspération mauvaise conseillère et d'autant plus qu'un expert dans l'art de cultiver l'ambiguïté comme Sarkozy feint de la comprendre, cette exaspération, lui qui est pourtant à l'origine, comme tant d'autres mais plutôt davantage qu'eux, de la colère de ceux que scandalise la pusillanimité de nos gouvernants.
La réalité n'est pas réductible à la morale ou aux bons sentiments.
Voter FN ce n'est donc plus seulement exprimer sa colère et son indignation, c'est aussi adhérer à un projet étriqué et pour tout dire rance mais dans lequel se retrouvent ceux qui voient dorénavant l'avenir avec les yeux du passé.
Leurs références ont beau être ringardes et à contre-courant du sens de l'histoire, les frontistes ont réussi leur OPA sur une lame de fond de la société qui remet le « vintage « à la mode ; ils percolent l'opinion dans un climat général qui voit la nostalgie redevenir ce qu'elle était et leurs discours sur la perte de souveraineté de la France et l'abandon de ses droits régaliens éveillent dans l'inconscient collectif le souvenir du bon vieux temps.
Malgré la claque que viennent de prendre les espérances frontistes, la parenthèse n'est malheureusement pas encore refermée qu'ont ouverte des décennies d'incompétences.
On sent fort bien que nos présidentiables auto-proclamés se contentent de jouer petit bras et se satisferont demain d'un FN premier de la classe au premier tour des Présidentielles voire l'appellent de leurs vœux car ils sont convaincus de la qualité de leur croc-en-jambe au deuxième tour.
Les résultats de ces dernières régionales devraient les conforter dans cette stratégie un peu minable.