La déconstruction au ralenti du droit du travail

par Laurent Herblay
vendredi 15 mai 2015

Bien sûr, il y a sans doute de la simplication à apporter dans notre droit du travail, les détails ne profitant pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin, comme pour la fiscalité. Mais en France, il semble que la majorité actuelle ira bien plus loin que la précédente, confirmant le cap eurolibéral théorisé il y a 16 mois.

 
Hollande manie le rabot
 
The Economist a vendu la mèche : un conseiller du gouvernement aurait confié « faire l’opposé du Premier ministre Italien, Matteo Renzi, qui a créé un choc avec un contrat unique à court terme, plus flexible. Les réformes françaises sont divisées entre M. Macron, qui pousse déjà une loi de libéralisation des marchés, et François Rebsamen, le ministre du travail. Des réformes sont laissées aux négociations entre le patronat et les syndicats ». Il faut dire que la majorité actuelle a déjà beaucoup fait. Après le CICE, qui avait déjà baissé le prix du travail, sont venues les 40 milliards de baisse des cotisations patronales. Emmanuel Macron y a ajouté sa loi, qui libéralise le travail du dimanche, tout en introduisant un moyen de réduire son prix. Bref, en trois ans, le Parti « Socialiste », est allé bien plus loin que l’UMP…
 
 
Mais il semble que l’appétit néolibéral de notre gouvernement n’ait pas été éteint par ses salves législatives antérieures, ou l’absence de coup de pouce au SMIC. Plusieurs chantiers sont encore en cours. François Rebsamen pilote, avec les syndicats, une simplification de notre droit du travail. Et si certains aspects auront peut-être du sens, le passif des 18 derniers mois amène à craindre légitimement que les projets en cours ne soient qu’un rabottage uniforme du système, davantage au détriment de ceux qui en ont le plus besoin, qui ne pourront pas se défendre, au contraire de certains groupes de pression, entendus au sommet du pouvoir. Et comme le diable est dans les détails, il suffira de présenter un projet complexe, avec une mesure « sociale » bien visible et répétée pour faire passer le tout.
 
Un tableau plus complexe
 
Le pire est que, paradoxalement, alors que The Economist présente comme toujours la France comme un pays conservateur, qui rechignerait aux réformes nécessaires, contrairement à l’Allemagne, et ses fameuses réformes Schröder, deux pages plus loin, un graphique présente une réalité complètement différente. En effet, si l’on croit l’indicateur de protection de l’emploi de l’OCDE, qui, en outre, ne prend pas en compte les réformes des derniers mois, non seulement la France protégerait moins ses travailleurs que l’Allemagne mais de plus, le niveau de protection est légèrement en baisse entre 2003 et 2013, alors qu’il a augmenté outre-Rhin sur la même période  ! Bref, encore une fois, il faut relativiser les fariboles de la propagande néolibérale sur les pseudo retards de notre pays.
 
Bien sûr, selon l’OCDE, les règles relatives au licenciement aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sont bien moins contraignantes qu’en France, mais il est tout de même ironique que The Economist attaque encore et toujours la France sur ce sujet et prenne en modèle l’Allemagne alors même que selon l’OCDE, les règles de notre pays sont moins contraignantes qu’outre-Rhin, et qu’elles ont été assouplies quand l’Allemagne les a durcies. Ceci semble indiquer que ce ne sont pas les règles encadrant le licenciement qui priment dans le niveau de l’emploi, mais plus le prix du travail, dramatiquement baissé en Allemagne avec les minis jobs. Mais jusqu’où faut-il aller pour être compétitif dans cette mondialisation qui nous met dans une concurrence déloyale avec des pays où les salaires sont dix fois plus bas  ?
 
The Economist a bien raison. En France, le démontage de notre modèle social ne se fait pas des réformes à la hussarde, dans le cadre d’un grand projet voté par les électeurs. Il se fait par un grignotage progressif mais non moins réel. Et mieux, c’est un parti censé être à gauche qui avance le plus…

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