La démission de Nicolas Sarkozy ?

par Jean-Michel Aphatie
vendredi 31 mars 2006

Une chose change et tout change. Ce soir, le président de la République annoncera donc la promulgation de la loi instituant le CPE. Acte technique, conséquences politiques : virtuel encore, le CPE deviendra réel.

Des entreprises, très vite, en proposeront à des jeunes à la recherche d’un emploi. Le premier changement est là. Il en induit un second, pour les syndicats, les partis de gauche, les manifestants. Jusqu’ici, leurs actions avaient un débouché potentiel : le retrait du texte, l’appel au président de la République.

Une fois ce texte entré dans l’ordre juridique, la demande change de nature. La rue souhaite qu’une loi votée par le Parlement, déclarée constitutionnelle par le Conseil constitutionnel, promulguée par le président de la République, soit retirée de l’ordre juridique. Comment appeler cela : une révolution ? De la subversion ?

En tout cas, la difficulté même de ce combat porte en lui les violences, les excès, les débordements, le désespoir aussi. Ceci rend très difficile la poursuite de l’action pour les syndicats. Ils appellent à manifester mardi. Soit. Il y aura du monde. Mais après ? Encore une nouvelle journée de manifestations, et encore, et encore... Et jusqu’à quand ?

L’action contestatrice perd sa place. Les opposants ont joué leur parti, leurs adversaires la leur. La logique maintenant, à propos de cette réforme, c’est de s’en remettre aux urnes.Que restera-t-il, le moment venu, du CPE dans la mémoire des électeurs ? Dans quelle mesure et de quelle manière leur vote en sera-t-il influencé ? Ces questions-là s’inscrivent dans le fonctionnement normal de la démocratie. A partir de maintenant, organiser et encourager les manifestations contre le CPE s’enracine davantage dans l’anormalité du fonctionnement démocratique, dans l’irrationalité que procure le sentiment d’avoir perdu la partie.

C’est dans ces sentiments-là que se niche la colère, et que la violence prend sa source. Or cela, ni les partis politiques ni les syndicats ne peuvent l’assumer. Pour eux, la promulgation trace comme une ligne rouge, et la franchir peut leur valoir un terrible péril. La promulgation du CPE change tout pour Dominique de Villepin, et aussi pour Nicolas Sarkozy. Ponctuellement, immédiatement, et sans négliger une impopularité sans doute durable, le Premier ministre peut considérer qu’il a gagné la partie.

Mi-janvier, il annonçait son projet de CPE. Fin mars, le projet est devenu réalité. L’objectif de Dominique de Villepin est double désormais. D’abord, enregistrer la signature du plus grand nombre de contrats première embauche possible. Ensuite, rétablir au plus vite l’ordre dans la société, effacer et réduire les traces de la contestation, permettre aux étudiants qui le veulent de passer leurs examens. Pour tout cela, Dominique de Villepin a besoin de l’action résolue et décidée du ministre de l’Intérieur. Nicolas Sarkozy, président de l’UMP, peut bien penser ce qu’il veut du CPE et de la méthode de gouvernement du Premier ministre, il n’en reste pas moins que désormais que le même Nicolas Sarkozy, premier flic de France, doit faire son boulot : rétablir l’ordre. Finis les états d’âme et les critiques voilées. L’heure maintenant est à l’action.Combien de temps Nicolas Sarkozy pourra-t-il gérer ses propres contradictions ?

A quel moment son image elle-même commencera-t-elle à en souffrir ? Peut-on se dire libre et différent des autres responsables politiques en gérant ce type de grand écart ? Pour dire les choses autrement : la situation qu’entraîne la promulgation de la loi sur le CPE ne porte-t-elle pas l’obligation de soumission de Nicolas Sarkozy, à moins qu’elle n’entraîne sa démission ? Une chose change et tout change : c’est ainsi que s’écrit l’histoire...


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