La Démocratie Démonarque

par Cazeaux
dimanche 26 mars 2017

Faites vos jeux, Les jeux sont faits, Rien ne va plus ! Telle devrait être la devise de la démocratie-casino qui fait de nous des joueurs égaux. Egalité des chances à l’école, égalité des chances en politique et au final, d’un côté les gagnants, monarques petits et grands, de l’autre les perdants, citoyens soumis, de deuxième ordre.

Tout un chacun obligatoirement scolarisé et en droit de voter, que rêver de mieux ? Elle n’est pas belle, la démocratie de nos oligarques éclairés ?

Marx estimait que la bourgeoisie se sert du suffrage universel pour installer sa dictature avant de le restreindre pour la conforter. Cela fut maintes fois vérifié mais aujourd’hui il n’est plus même nécessaire à cette dictature inavouée de restreindre quoi que ce soit. Elle est même prête à donner le droit de vote aux immigrés. Plus ils voteront, plus nous les tiendrons. Et comme le chantait Léo Ferré, « ils ont voté, et puis après ? ».

Après, une fois les jeux faits et remportés par la même caste, plus question de démocratie ; après le jeu, le travail et au travail il faut des chefs et faut que ça tourne. Ainsi, à chaque échelon de la hiérarchie sociale, règne un monarque entouré de sa cour et puis il y a les autres, ceux qui subissent ; jamais satisfaits, ils grognent et néanmoins ils votent, n’ayant au final le choix qu’entre deux bulletins : la peste ou le choléra.

Dans les entreprises, les gagnants ont franchi comme les autres les portes de l’école obligatoire, vrai ou faux ? Vrai, à ceci près que selon son école et selon son rang de sortie, à vingt cinq ans d’âge tout au plus, tout est réglé pour le reste de sa carrière. Et alors, nous objectera-t-on, tout le monde peut se présenter aux concours, où donc est le problème ? Avant de parler de problème, il faut constater. Jamais la proportion d’enfants de « petites gens » n’a été aussi faible, pour ne pas dire insignifiante, dans les écoles prestigieuses de la République. Pour s’en expliquer, ouvrons un manuel de français de classe de Seconde. Comment le lycéen moyen peut-il s’y retrouver s’il n’est pas inscrit en quelque institution dorée ou soutenu par des parents instruits ou de celui de professeurs appelés en renfort rémunéré ?


Des bureaucrates - intellectuels de gauche se sont amusés à pondre des programmes très raffinés composés de dossiers, de « séquences » où toute chronologie et apprentissage de fond sont bannis. Ainsi le mouvement réaliste devient « roman du vrai » et l’on y cause anacoluthes, prétéritions, stances et autres zeugmas à des jeunes qui ignorent les bases de la syntaxe et de la grammaire. Dans de telles conditions, qui entrera à la rue d’Ulm, Polytechnique, Sciences Po ou HEC ?
Pour faire peuple, on n'hésitera pas à faire dans la discrimination positive. Quelques beurs, quelques noirs, quelques jeunes des cités et l’on nous fichera la paix. Et cela ne nous empêchera pas de choisir qui l’on voudra pour épauler nos ministres et nos grands patrons ?
Avec leurs fils de famille, brillants énarques ou X « bottiers », filtrés dans les cabinets de la République, les états-majors des grandes entreprises continueront de pressurer les laborieux cadres maison, ceux qui auront naïvement sacrifié leur vie de famille pour être un jour évacués, au détour d’une restructuration ou d’une délocalisation.

Démocratie, pouvoir du peuple... quand ça ? Où cela ? A-t-on déjà vu le peuple gouverner ? Il le ferait par le biais de ses représentants, dûment élus ? Ah, mais ce n’est déjà plus la même chose. Et les représentants gouverneraient ? Par le biais de celui ou celle qu’ils désignent ?
Président de ceci, président de cela et le Président en chef, élu directement par le peuple, alors vous voyez, nous sommes bien en démocratie…A cette réserve près que ce sont des présidents qui gouvernent, pas le peuple.
Et le Président en chef, qu’en dire ? Les petits présidents négocient qui seront candidats et le peuple devra choisir, il faudrait plutôt dire cocher, sur un menu-carte imposé. Et voilà, les jeux sont faits, les présidents gouvernent et les Français seront bien gardés.

Enchâssés dans une gigantesque poupée russe, comment donc gouvernent-ils, tous ces présidents ? En quoi cela vous regarde ? Vous avez voté, la démocratie a été respectée ; maintenant il faut bien que le système tourne et pour faire fonctionner les choses, il faut un chef ou plutôt des chefs. Du très grand, au sommet, jusqu’au huitième de chef, comme chantait Léo Ferré et le huitième de chef, ajoutait-il, quand il met une casquette, ça devient le pouvoir de la m….

Ainsi, les Casinos de l’égalité des chances, aux roulettes truquées, aux banques alimentées par les tonnes de jetons dépensés par des citoyens abrutis depuis leur plus jeune âge, nous font une belle démocratie menée par une caste de monarques. Et pour couronner le tout, puisqu’il est question de monarques, les tribunaux rendent la Justice, selon qu’on soit grand ou misérable, au nom du peuple. Mais comment cela au nom du peuple ? C’est de la folie ! Le peuple, si on le laissait faire, serait capable de rétablir la peine de mort ou de condamner un violeur à perpétuité.

Grands et petits monarques n’ont à vrai dire pas à s’inquiéter : si un jury d’abrutis tirés au sort peut s’égarer en dépit du bon sens exprimé par le Président du tribunal, quelques années plus tard, ce seront des hommes de Cour qui décideront de remettre en liberté le malfrat condamné. Dès lors, il ne sera plus question de peuple. Le peuple condamne et l’oligarchie décide qui restera ou non derrière les barreaux.

Alors donc, la démocratie ne serait qu’une illusion, une chimère ? Le sujet ne fait qu’être effleuré dans ces lignes. Une chose est sûre, comme elle est loin la mythique démocratie d’Athènes. La nôtre, c’est Las Vegas, sans forum pour débattre, une démocratie-casino avec ses machines à sou pour donner aux citoyens l’illusion qu’ils ont eu part au jeu. Sans plus un jeton en poche, ils repartent dans la nuit, hébétés, résignés. Ils ont voté, pardon, ils ont joué. Les jeux sont faits, rien ne va plus. Eh oui, rien ne va plus, mais qu’y pouvons-nous ? Il est tard, Monsieur, il faut qu’on s’rentre.

 


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