La faille de sécurité du système politico-médiatique et financier : Comment retourner la puissance du système contre lui ?

par armand tardella
jeudi 22 juin 2017

Cet article a deux objectifs. Le premier est de vous convaincre que le système politico-médiatique et financier comporte de nombreuses « failles de sécurité », comme c’est le cas pour tout système informatique. Le second est de vous montrer comment les simples citoyens peuvent s’y prendre pour « hacker » ce système-là. Car il est toujours possible de retourner la puissance d’un système contre lui : l’aïkido ne s’applique pas qu’aux individus, mais à tout système organisé.

Mais pour commencer, constatons que pour différents analystes politiques, le déroulement et le résultat de la dernière élection présidentielle a schématiquement révélé deux aspects de la réalité politique :

De mon point de vue, on peut dire qu’à quelques nuances près ces deux idées étaient déjà vraies depuis longtemps. Il s’agit là plus d’une prise de conscience collective, que d’une nouvelle réalité. C’était déjà le cas au début des années quatre-vingt dix, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à la politique et l’économie, délaissant les maths et la physique dont je suis issu.

A cette époque, de nombreux analystes disaient déjà que nous étions dans la pensée unique, cette idée où il n’y a pas d’autre choix possible que des politiques néo-libérales dictée par les marchés. Ces politiques néo-libérales étaient conduites par nos politiciens avec l’aide, ou peut-être sous la pression, des experts et des financiers. Le clivage gauche-droite n’existait déjà plus depuis le revirement politique de François Mitterrand en 1983, ce qui avait fait dire à Lionel Jospin en 2002 que seule une feuille de papier à cigarette séparait son programme de celui de Jacques Chirac. En définitive, l’élite de la nation (les politiciens, les experts, les financiers), que je qualifierais de mondialistes, imposait déjà son programme « unique » aux masses populaires (les classes moyennes et ouvrières). Ces dernières ont vu leur situation se dégrader depuis cette période. Elles ont fini par constater que la mondialisation ne leur était pas favorable, ni politiquement, ni économiquement. Elles sont alors naturellement devenues souverainistes, ce que nous avons constaté lors de la dernière élection présidentielle. Rien n’a donc réellement changé depuis 40 ans. Ce mouvement s’est progressivement structuré, cristallisé et renforcé au rythme de la construction européenne, du développement de l’Euro, et de l’avènement des multiples crises économiques et géopolitiques.

In fine, on a effectivement le sentiment que le système politico-médiatique et financier composé des élites mondialisées s’est rodé sur une période de 40 ans. Il a mis au point une mécanique implacable. Il a ainsi pu imposer sa vision, et on peut dire d’une certaine manière sa religion, la mondialisation libérale, aux populations du monde entier. En France il a fini par imposer son candidat en maîtrisant en particulier l’espace médiatique.

 

Ceci étant dit, on peut faire plusieurs remarques.

Malgré le caractère déplaisant de la toute-puissance du système, sur le plan de la morale ou même de la « Justice », il faut bien avouer qu’il n’est peut-être pas possible qu’il en soit autrement. Tout être vivant, individu ou organisation, ici bas, est enclin à maintenir ou conforter sa position par rapport à son environnement. Il n’est pas rare de voir un membre influent ou dominant d’une famille chercher naturellement à conserver, voire à renforcer, son influence sur ses proches. De même, j’ai aidé de nombreuses entreprises dans ma vie de consultant à réfléchir et mettre à jour périodiquement leur stratégie. Elles analysent leur marché, leurs concurrents, les opportunités et les menaces qui se présentent, et définissent le plan d’action qui leur permettra de maintenir leur position, voire d’accroître leur parts de marché. Pour certaines, c’est pratiquement une condition de survie. Celles qui ne le font pas risquent de péricliter et disparaître. Alors pourquoi les « élites mondialisées » ne le feraient-elles pas ? Elles le font aussi !! Et d’autant mieux que notre monde est naturellement instable par certains aspects. Le succès amène le succès, l’échec amène l’échec et il est naturellement plus probable de devenir plus riche lorsqu’on est déjà riche, et plus pauvre lorsqu’on est déjà pauvre. Les élites mondialisées, qui ont donc manifestement réussi par définition, sont donc naturellement enclines à accroître leur pouvoir, tant qu’elles ne rencontrent pas un obstacle, ou un contre-pouvoir.

Ensuite, il y a plusieurs type de souverainismes, et au moins deux : le souverainisme politique, qui consiste à pouvoir décider des lois applicables dans un pays en toute indépendance des influences extérieures, et le souverainisme monétaire, qui consiste à avoir le contrôle de sa monnaie et en particulier de l’émission monétaire et des taux d’intérêt. Et il est clair que le second, même s’il n’implique pas totalement le premier, est prépondérant par rapport au premier. Lorsqu’un pays n’est plus maître de sa monnaie, les puissances d’argent finissent toujours par lui imposer leurs volontés et influencer les politiques économiques et sociales. Pour redevenir politiquement souverain, il est donc au moins nécessaire de retrouver la maîtrise de sa monnaie. Cependant, il ne semble pas que l’on s’oriente vers cela, en tout cas à court et moyen terme.

Pour ma part, je suis convaincu que la perte de la souveraineté monétaire est la principale cause des désordres économiques et géopolitiques actuels, et que le sort des populations ne peut s’améliorer sans une reconquête de la souveraineté monétaire, accompagnée de surcroît, par une réforme des règles du jeu monétaire et financier international. J’en discute en détail dans mon article publié sur Agoravox à cette adresse : http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/une-proposition-concrete-en-106005

Il est révélateur de remarquer qu’en Europe, les inégalités se sont réduites pendant les trente glorieuses, lorsque les Etats avaient encore la maîtrise de leur monnaie, alors qu’elles se sont accrues de nouveau à partir des années 80 suite, entre autre, à la modification des règles monétaires et financières internationales. En fait, à partir des années 70, le système politico-médiatique et financier a progressivement réussi à dessaisir les populations européennes du contrôle de leur monnaie, ce qui a été un atout essentiel pour leur imposer leur vision et leur volonté.

Cependant, et c’est ma troisième remarque, tout ceci est sans compter sur les réalités physiques incontournables : tout système physique organisé comporte des failles de sécurité. Même les théories mathématiques les plus sophistiquées sont soumises à cette vérité !!! Voire, plus un système est puissant et complexe, plus il est vulnérable du fait de ses inévitables failles de sécurité. Ceci est particulièrement évident concernant les systèmes informatiques. Nous en avons encore eu des exemples récemment. Le système politico-médiatique et financier, aussi puissant soit-il, ne peut échapper à cette règle.

Peut-être avez-vous vu le film « Ennemis d’Etat » avec Gene Hackman, jouant un ancien agent de la CIA et Will Smith, jouant un jeune avocat pris dans une intrigue politico-mafieuse à rebondissements. Vers la fin du film, les deux personnages qui à ce moment-là ont tout perdu, se retrouvent au calme après la tempête dans un restaurant. Gene Hackman explique alors la teneur de son ancien métier. Et il affirme pouvoir retourner le système qui les pourchasse contre lui, car dit-il « lorsqu’on est gros et puissant, on est aussi visible et peu mobile, et lorsqu’on est petit et faible, on est aussi invisible et agile », C’est ce qu’il avait appris de la guerre du Vietnam que les (sur-puissants) Etats-Unis ont finalement perdue. Il en est de même pour tout système. On peut toujours retourner la puissance d’une organisation, d’un système, d’un individu contre lui. L’aîkido ne s’applique pas qu’aux individus, mais à tout système organisé.

Pour bien comprendre cela, et trouver la, ou au moins une, faille du système, il faut remarquer que le système politico-médiatique et financier, n’est pas totalement autonome, c’est-à-dire que ce n’est qu’un sous-système d’un système plus large comprenant aussi les populations.

Pour aller plus loin, comprendre l’essentiel sans se noyer dans les détails, il faut simplifier un peu. Nous allons considérer donc simplement deux sous-systèmes en interaction et tenter de les nommer de manière neutre, pour ne pas introduire de connotations non pertinentes. Nous allons nommer le système politico-médiatique et financier simplement « les élites ». De même, nous allons nommer les populations simplement « les populations ».

Nous sommes donc en présence des élites et des populations qui interagissent entre elles de multiples manières. En particulier, les élites ont étudié les populations et ont compris comment elles fonctionnent. Les élites ont compris la sociologie des populations, les comportements de groupe, l’influence du marketing et de la communication, leur relation au pouvoir et à l’argent, etc…et l’importance de la maîtrise de la monnaie. C’est à partir de cette connaissance que les élites ont progressivement trouvé les « failles de sécurité » des populations, ce qui leur a permis de tirer profit des populations, contre leur gré. J’ai lu il y déjà une trentaine d’années le livre intitulé « petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens » de Jouve et Beauvois que certains d’entre vous connaissent peut-être. Comme son nom ne l’indique pas, ce petit fascicule est un manuel de psychologie. Il montre en particulier que, connaissant les ressorts de la psychologie humaine, il est possible, en règle générale, d’obtenir ce que l’on souhaite d’autrui. On imagine bien les conséquences si ce traité était malencontreusement tombé entre des mains malhonnêtes !!!

Cependant, les populations ne sont pas idiotes. Elles savent aussi comment fonctionnent les élites ! Elles peuvent aussi trouver leur faille de sécurité et retourner leur puissance contre elles.

Les populations savent bien que les élites veulent que les populations consomment sans réfléchir. Car dans notre monde de consommation de masse, on devient, et on se maintient « élites » en vendant un produit ou un service à un grand nombre de personnes. Les élites cherchent donc à inciter, voire à contraindre les gouvernements à voter des lois qui favorisent le commerce et le libre échange. Elles souhaitent aussi voir le pouvoir de l’Etat diminuer, et voir augmenter celui des entreprises privées. Si on lit, par exemple, les projets de traité de libre échange entre l’Europe et les Etats-Unis, on constate qu’elles souhaitent voir voter des lois qui autorisent les grandes entreprises transnationales à vendre des produits comme les OGM ou le bœuf aux hormones, dont les populations ne voudraient pas, et punissent ceux qui s’y opposeraient.

Eh bien, allons-y. Consommons, comme veulent les élites … avec juste deux ou trois petites différences !!

Mais avant d’aller plus loin, et pour comprendre la magie mathématique du processus de piratage du système, il faut considérer la phrase : « le maître dit l’élève est un âne ». Que comprenez vous ? En réalité, vous pouvez comprendre une chose et son inverse tant qu’on ne précise pas la ponctuation car en l’état cette phrase est ambigüe. En effet « le maître dit : l’élève est un âne » et « le maître, dit l’élève, est un âne » ont des significations opposées. C’est encore plus éloquent si l’on considère cette phrase non pas écrite, mais parlée. Le sens dépend alors, non pas des mots, mais de l’intonation, voire simplement d’une légère inflexion de l’intonation. Le sens change radicalement à cause d’une infime différence d’intonation !! C’est une sorte d’effet papillon. Or, comme nous le verrons ci-dessous, plus un système est puissant et complexe, plus il renferme d’ambiguïtés qui permettent de retourner le sens des choses.

Alors reprenons. Consommons … à travers une centrale d’achat-vente coopérative. Une centrale d’achat coopérative est un organisme privé. Il va donc jouir de tous les avantages que les élites ont voulu octroyer aux entreprises privées. Par exemple, cette coopérative pourra refuser tout à fait légalement d’acheter, et donc de vendre, des produits OGM. Par contre si une bonne partie de la population en est adhérent, ce sera pratiquement un organisme public, où chaque client-coopérateur aura droit de vote. On a donc un organisme « public » qui grâce à « une inflexion d’intonation » a récupéré une souveraineté que les élites voulaient lui interdire. De plus, si les coopérateurs échangent entre eux par l’intermédiaire de la coopérative, alors la comptabilité commerciale de cette coopérative devient un système monétaire, où les échanges peuvent être réalisés sans transaction bancaire. Cette coopérative permet ainsi, grâce à une seconde « inflexion d’intonation » de récupérer la souveraineté monétaire que les élites refusent aux Etats. En conséquence, cette simple coopérative de consommation devient capable d’élaborer des plans de relance économique à l’intérieur de son réseau de coopérateurs, dont chaque coopérateur sera co-concepteur par définition. Cette coopérative devient ainsi, par une troisième ambiguïté, une sorte d’Etat-privé-coopérateur, dans l’Etat. Il faut bien voir qu’en voulant que nous consommions, les élites nous donnent un puissant droit de vote qu’ils voudraient nous confisquer par ailleurs. En effet, choisir les produits que nous consommons, et aussi à qui nous les achetons, est un véritable droit de vote, que nous utilisons de manière répétée tous les jours.

Mais je vais arrêter là ces explications, car j’ai déjà développé ces idées dans l’article que j’ai publié en janvier dernier et que vous trouverez à ce lien : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/voulez-vous-etre-president-de-l-188770?pn=1000#forum4793759

Cet article présente justement un scénario concret d’utilisation des failles de sécurité du système pour retourner sa puissance dans l’intérêt des populations. Cet article était à usage d’élites dissidentes qui auraient voulu agir dans l’intérêt des populations. Car bien sûr la réalité est plus complexe que la simplification binaire que j’ai présentée. Cependant, ce scénario présente en creux le comportement des populations. Il peut d’ailleurs être mis en œuvre à l’initiative des populations. Il « suffit » simplement qu’elles réussissent à rassembler suffisamment de coopérateurs pour enclencher le mécanisme.

En fait, cet article a suscité un commentaire humoristique.

J’imagine que cet internaute voulait dire que ce projet était une utopie mégalomaniaque, du fait qu’il implique la création d’une société devant rassembler à terme 100 millions de clients en l’espace de quelques années.

Si c’était bien cela le sens de ce commentaire, alors il est en dehors des réalités actuelles.

Des entreprises comme Google ou Facebook ont comptabilisé bien plus que 100 millions d’utilisateurs en quelques années. Ceci ne signifie pas qu’il soit facile de réussir à atteindre cet objectif, mais que ce n’est pas impossible. Trouver et utiliser une faille de sécurité d’un système n’est pas immédiat. Sinon, cela se saurait et serait déjà fait. Mais les récentes attaques d’envergure de pirates informatiques internationaux nous ont montré ce qui est réalisable.

En conclusion, on peut dire que les populations peuvent récupérer leur souveraineté économique et in fine politique en utilisant et en détournant la puissance des élites à leur profit. Evidemment, cela ne se fait pas en claquant des doigts. Il faut s’introduire dans les failles de leur système de fonctionnement, à la manière des pirates informatiques. D’ailleurs, on ne souhaite pas détruire ou endommager leur système. On veut juste s’en servir pour retrouver notre souveraineté. Par conséquent, il faut mouiller un peu sa chemise. Mais ce n’est pas impossible, comme on pourrait le croire. Une des possibilités pour retrouver la souveraineté est décrite dans mon dernier article mais on peut en imaginer une multitude d’autres sur le même principe. D’ailleurs, cette possibilité resterait intacte, même si, d’ici quelques années, les « élites » s’arrangeaient (pensaient s’arranger) pour verrouiller les choses de telle manière que les populations ne puissent pas récupérer leur souveraineté par une approche politique classique.


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