La future alternative n’est pas (encore) apparue

par Laurent Herblay
samedi 5 mai 2018

Bien sûr, ce n’est qu’un sondage, mais celui de Paris-Match sur ce que donnerait le premier tour aujourd’hui est assez révélateur de l’état de la France un an après l’élection, par défaut, de Macron. On peut y voir des motifs d’inquiétude, tant l’actuel locataire de l’Elysée semble en position de force, mais les plus optimistes peuvent aussi voir une forte attente d’alternative, certes non encore satisfaite.

 

Le même joueur gagne encore ?
 
36% dès le premier tour pour le président de la République : plus encore que François Mitterrand en 1988 ! Mieux pour lui, Marine Le Pen qui progresse un peu, à 23%, et ferait une solide finaliste (dans les sondages s’entend), devançant largement un Mélenchon, sensiblement distancé à 16,5%. Macron semble avoir réussi son pari d’aspirer à lui les grands partis traditionnels, laminés (7% pour Hamon et 8% pour Wauquiez) et ne plus avoir comme principaux opposants des partis en marge du système politique, lui assurant une victoire confortable au second tour. Après avoir dégonflé le Parti dit Socialiste, il semble pouvoir faire de même avec les dits Républicains, totalement asphyxiés politiquement.
 
Bien sûr, il ne s’agit que de sondages, à prendre d’autant plus avec des pincettes que nous sommes à 4 ans de la prochaine échéance. Après tout, en 2013, le vainqueur de 2017 n’était même pas connu des Français ! On pourra y voir une forme d’impasse dans laquelle notre vie politique serait tombée. Si l’effondrement des Républicains n’a rien de surprenant, tant Macron emprunte leur ligne politique, en revanche, il peut être plus inquiétant de constater l’évolution des forces plus alternatives, avec la légère remontée d’une Marine Le Pen pourtant abîmée par sa calamiteuse campagne de 2017, et le léger repli d’un Mélenchon, bien plus solide sur le fond, mais dont les limites n’en restent pas moins fortes.
 
Bref, on pourrait croire que tout est déjà plié pour 2022, la seule question subsistant étant l’identité de celui, ou celle qui perdra au second tour face à un Macron triomphant. Mais cette interprétation est sans doute trop pessimiste. Après tout, un bon sondage ne fait pas l’opinion, et si BFMTV parvient à dire sans ironie que Macron poursuivrait sa remontée dans l’opinion en gagnant 3 points d’opinion favorable, à seulement 40% (sur sa droite), le grand écart entre les scores de Macron et l’état réel de l’opinion sur le personnage démontre la fragilité de sa position, d’autant plus qu’il y a fort à parier que lui et ses troupes ferment les yeux sur les mauvais éléments pour ne retenir que les bons…
 
Macron n’est qu’une bulle. Pour qui ouvrait un peu les yeux en 2017, apparaissait comme une évidence la résignation des Français à son égard, faute d’alternative un minimum rassembleuse. Mélenchon, bien qu’il ait pris avec un certain panache le bâton de premier opposant à l’automne, ne s’est pas imposé. Il semble se complaire dans une attitude qui en fait le Pen de la gauche radicale, au point même de ne pas avoir tiré les bénéfices de la désastreuse campagne de Marine Le Pen en 2017, et de son effacement consécutif. Du coup, faute d’une nouvelle alternative crédible et rassembleuse, les Français n’ont d’autres choix que de répéter 2017, en actant la stratégie du vide de Macron.
 
 
Nous voilà donc dans cette drôle de situation où un président impopulaire semble bien parti pour faire passer des réformes impopulaires, et où aucune opposition ne s’impose, malgré de nombreux candidats. Les marcheurs, ivres de leur situation, y verront une autoroute pour la suite. Mais on peut aussi y voir une grosse bulle que l’émergence de la bonne alternative ferait éclater…

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