La gauche est presque morte et l’Europe se suicide à petit feu

par Bernard Dugué
mercredi 18 juin 2014

Manuel Valls l’a déclaré avec solennité, la gauche risque de mourir. Ce qui est complètement faux. Elle ne risque rien puisqu’elle est déjà morte. Dans un contexte où l’Europe se meurt à petit feu, sous la conjugaison de l’irresponsabilité des dirigeants et de l’ignorance des peuples.

Sur un blog critique consacré à l’enseignement supérieur, on pouvait lire que l’université sombrait lentement à cause de deux maux très contemporains, le culte du marché et les mœurs bureaucratiques. Ces notions décrivent les deux principaux travers caractérisant le dévoiement d’une institution publique qui, en temps républicains, se doit de répondre à l’intérêt collectif mais en temps de crise, répond à d’autres finalités. L’articulation entre le marché et l’université n’est pas forcément une mauvaise chose contraire à l’intérêt d’une nation. Des collaborations vertueuses permettent souvent à des recherches de trouver des débouchés dans l’industrie alors que les étudiants formés participent à fabriquer de nouveaux objets pouvant représenter un atout pour améliorer le quotidien. En France, ce cercle vertueux est surtout pratiqué dans les grandes écoles. L’Université tente de suivre le pas mais en sacrifiant un peu de son esprit tout en se réformant à marche forcée pour épouser les contours de l’économisme et finalement, jouer sur des ressorts artificiels, notamment la fusion des établissement et la création d’usines à produire des diplômés dans un contexte où les chercheurs passent leur temps à chercher des financements et donc à œuvrer en fonction de contrats privés. L’activité universitaire épouse alors les finalités économiques. Comme à l’hôpital, maintenant aux mains des gestionnaires. A la limite, le chirurgien décide d’une hospitalisation non pas sur des critères médicaux mais pour assurer un taux d’occupation des chambres. Les impératifs économiques ne sont pas les seuls à miner l’université. La bureaucratie aussi. Plus précisément, l’individualisme, la psychorigidité et le carriérisme manifestés chez un taux non négligeable d’universitaires.

La bureaucratie et le dévoiement économiste sont à la racine de la crise de société que nous vivons et qui se manifeste en Europe avec des traits et des appréciations différentes selon les nations concernées. La bureaucratie se traduit alors par des normes, des gaspillages publics, des projets inutiles et en France, un accroissement des fonctionnaires territoriaux qui souvent, sont sous occupés. Mais le mal principal, c’est le fonctionnement de l’économie. On parle de rigueur et surtout, de politique de l’offre. Cette politique, si prisée en Europe, s’inscrit dans une idéologie de la compétition économique à l’opposé des principes humanistes ayant guidé l’Europe pendant les quelques siècles de la Modernité.

Le mot clé dans cette analyse c’est « politique de l’offre ». En fait, la « politique de l’offre », ce n’est pas de la politique mais de l’économie. Depuis la frénésie liée à l’ouverture des marchés quelque part dans les années 1990, la globalisation a favorisé le développement de la stratégie de l’offre dans le monde industriel. En gros, le principe est simple. Il faut produire à bas coût en jouant sur deux leviers, la baisse des coûts salariaux et l’augmentation de la productivité. Ce second volet revenant en fait au premier puisque avec une productivité élevée, on emploie moins de personnel et donc la masse salariale décroît. Cette stratégie de l’offre est inverse au capitalisme fordien qui repose sur l’augmentation de la masse salariale. C’est cette stratégie qui a engendré la crise de 2008. Les pays avancés ont été forcés à user du déficit pour reculer les échéances tout en pratiquant du délestage. Le chômage s’est étendu, notamment en Europe. La comparaison des économies de la zone euro, de la balance commerciale et tous les chiffres qui vont avec n’a aucun sens. C’est comme si les Américains étaient obsédés du rapport entre le PIB de la Californie et celui du Nebraska. Pourtant, cette obsession de la croissance et de la compétitivité est bien présente chez nos dirigeants européens, qu’ils soient de droite ou de gauche. La politique de l’offre consiste à individualiser une économie nationale (ce qui n’a aucun sens dans un contexte multinational) et de mettre en concurrence les nations. Pour réussir cette transition compétitive, il faut réduire la masse salariale d’un pays. C’est ce qu’on appelle ici le pacte de responsabilité.

La politique de l’offre consiste donc à sacrifier les peuples pour assurer le fonctionnement des Etats et sécuriser les plus hauts revenus. Peut-être que cela évoque une sorte de quatrième Reich pour quelques esprits assez malveillants à l’égard des élites. La politique du gouvernement ne peut que renforcer la dette, le chômage et la crise sociale. Il y a plus de 70 ans, quelques 80 parlementaires réfractaires votaient contre les pleins pouvoirs accordés au maréchal Pétain. Ils étaient presque tous de gauche, SFIO, gauche démocratique, parti radical, et parfois trempés dans le catholicisme social, comme chez les centristes du PDP. La politique de l’offre s’interprète comme une sorte de solution finale pour reich économique. On comprend alors cet appel des 100 comme un dernier sursaut de la gauche pour ne pas mourir et surtout, marquer leur opposition à ce suicide social qui se dessine peu à peu. Les mauvaises langues disent que notre premier ministre s’appelle Lavalls. C’est injuste. D’ailleurs, j’espère que vous n’avez pas cru à ces comparaisons historiques dont l’utilité est de faire réfléchir sur une prise de conscience parlementaire dans un contexte qui n’a rien avoir avec l’Occupation. D’ailleurs, cet appel des 100 est une comédie jouée par des parlementaires pressentant quelque tangage du navire France, ce qui est foncièrement inexact. Ce qui va arriver est dix fois pire. Quatre millions de chômeurs et Six toutes catégories confondues. Pauvreté, violence, bêtise...

Bon, allez, un dernier point sur le naufrage pressenti avec la bureaucratie française en œuvre et la transition énergétique proposée par Madame Royal. Un non sens que ce pilotage étatique improvisé et aussi calamiteux que les 35 heures. De la voiture électrique, de l’usine à gaz bureaucratique, des absurdités économiques. Bref, rien à attendre de ce gouvernement et pas plus de l’Europe éprise de frénésie industrielle et lancée dans des grands travaux. L’Europe n’a pas besoin de stades et de béton. Elle a besoin d’un avenir pour que les populations puissent vivrent ensemble avec trois principes, courage, générosité, intelligence. Bref, tout ce qui fait défaut dans ce continent. Alors, autant se préparer au pire et dire adieu à cet Europe qui va sombrer. Junker the Joker nous amènera au bord du précipice. Le sacrifice d’une partie des Européens pour la bureaucratie et les revenus assurés pour les plus riches. Il reste un hymne national. Il commence par cette formule : aux armes citoyens ! D’ici dix ans, on chantera, aux larmes citoyens !

 


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