La « loi naturelle » : qu’est-ce que c’est que ce truc ?

par SAOREK
jeudi 13 novembre 2014

Les récentes "Manifs pour Tous" ont permis un certain débat autour de la notion de "loi naturelle". La précipitation médiatique ne permet pas toujours de définir précisément de quoi il en retourne. On a vu en effet beaucoup de "déconstructeurs", surtout des femmes "politiques" il faut le reconnaître, reprendre des arguments issus des philosophies anglo-saxonnes en diabolisant la "partition naturaliste" comme un carcan dangeureux qui pourrait bien faire partie de l'arsenal de la "bête immonde".

LA « LOI NATURELLE » : QU’EST-CE QUE C’EST QUE CE TRUC ?

A. La nostalgie de la nature

L’émergence actuelle de la conscience écologique indique un certain souci de la nature. On aime la nature : on aperçoit qu’elle manifeste quelque chose de bon pour nous.

Mais dés qu’il s’agit de définir la nature humaine selon des contours objectifs précis, nous rejetons ces directions issues de l’essence humaine, comme autant de violation de notre liberté subjective. Pourquoi devrais-je emprunter librement ce chemin prescrit par une nature qui s’imposerait à moi avant même que mon intelligence la définisse ? Que l’on pense à la gestation pour les femmes.

Et pourtant le mot chien ne mord pas : et quand un philosophe propose une définition, sa raison n’est pas prescriptive comme à la façon de l’instinct du rouge-gorge ou de l’ADN du chêne. C’est juste une indication proposée à notre liberté. Mais c’est vrai aussi que cette liberté ne construit pas cette loi naturelle intégrée dans ma nature. Cette loi existe avant moi et perdurera après moi.

Cette loi naturelle n’est pas un carcan qui viendrait brimée de l’extérieur et de façon arbitraire ma personnalité, mais une force « désaliénante », une boussole qui évite au randonneur de se perdre.

Ces directions inscrites dans ma nature sont des désirs naturels qui partent de l’intime de chacun mais dont les panneaux ont besoin d’un nettoyage.

A certaines époques, particulièrement durant l’ère scolastique, dont notre temps est toujours en réaction, des auteurs influents ont abusé de la loi naturelle, soit en la définissant de façon caricaturale, soit pour s’en servir comme argument pour légitimer des états de faits discutables.

B. Enjeu de cette discussion : bonheur et bien commun

Le plomb est forcé par la nature du plomb. Le poulet est forcé par la nature du poulet à se comporter de telle manière.

Mais l’être humain Jacques n’est pas forcé de suivre précisément la nature humaine : pour suivre ces directives, son intelligence doit D’ABORD définir ces directives comme bonnes pour lui. Exercice spéculatif AVANT exercice pratique. La connaissance de cette nature humaine et de ses lois intimes (phréatiques) est la condition nécessaire à sa réalisation effective. Car l’homme se sent attiré à combler des inclinations définies comme bonnes pour sa nature, contrairement au poulet qui suit sa nature de poulet sans réflexion poussée.

Jacques cherche son bonheur à l’aide de sa liberté raisonnée. Et s’il loupe la définition de ces directives, Jacques implosera sous diverses aliénations. Aliénations qui le rendront malheureux. Par contre, s’il découvre, par apprentissage progressif[1], les voies de cette loi naturelle inscrite en lui, il inscrira sa vie dans un dynamisme personnalisant et euphorisant : il retrouvera sa vraie nature. Encore faut-il qu’il soit animé par un désir de vérité : le gros mot de l’idéologie dominante.

Il s’agit donc de définir cette essence humaine avec ses caractéristiques intelligibles stables. C’est le travail d’une philosophie réaliste.

C. Pas de bien commun sans définition réaliste de la nature humaine

Le Bien Commun réclamerait donc de retrouver le chemin d’une éthique partagée universellement (par tous les hommes) pour rompre avec les particularismes qui rompent l'unité du genre humain[2].

L’homme est-il plus humain quand il transgresse sa nature ? La post-modernité actuelle, influencée par certains auteurs dits sérieux, considère l’individu particulier, singulier, comme source et auteur de ses droits et de ses valeurs[3]. MAIS, comme évoqué plus haute, c’est de la conception de l’homme (définition de sa nature) que découle la détermination de ses droits inhérents.

La loi naturelle, qui est normalité du fonctionnement de la nature humaine, est un ensemble d’inclinations que l’homme tend à définir clairement et objectivement par sa raison, et qui obligent ultimement en conscience.

Cette loi, mouvement des êtres vers le bien qui les comble, n’a pas au départ de formulation très précise : c’est une réalité vivante au cœur de la personne humaine. Elle s’exprime comme une voix intérieure : notre conscience nous pousse ainsi à juger des actes humains, selon des jugements de valeur. Le jugement de conscience est comme l’expression humaine de la loi naturelle.

Cette loi naturelle ne se réduit pas au Décalogue, mais embrasse aussi tous les comportements humains universels qui rentrent dans la définition de la nature humaine : droiture intellectuelle et morale, recherche du vrai, du bien, du juste, du beau, respect de la parole donnée, alliance avec une personne de l'autre sexe, engagement pour le bien commun, jusqu’au sacrifice s’il le faut, etc.

D. La loi naturelle contre les Sophistes

Dans notre contexte relativisme et ultra-positiviste, pour nos enfants, il s’agit donc ici de former la conscience morale : se décider par soi-même en pleine liberté en fonction de ces orientations universelles et nécessaires données par la nature commune.

L’abus d’autorité des prédateurs est toujours possible. Avides de pouvoir et de domination, obéissants en cela aux vices toujours potentiels chez les hommes, ces sophistes maintiennent le peuple dans l’ignorance afin de conserver leur autorité et privilèges statutaires.

Dans cette formation salutaire de la prudence, la réduction minimaliste est inacceptable : s’en tenir aux grandes orientations générales (ne pas tuer, respect de l’autre, etc) n’est pas suffisant. Il est maintenant évident que cette casuistique minimaliste a engendré la fabrique du consentement à l’ordre établi et affadi le véritable humanisme.

E. Disparition de la loi naturelle = dictature du positivisme juridique

Cette loi naturelle, qui n’est la spécificité d’aucune église (même s’il faut reconnaître que certaines religions en font encore la promotion et l’explicitation plus ou moins complète) provient donc de l’essence de l’homme bien comprise[4] et demeure donc la mesure des décisions juridiques. C’est une arme de guerre contre le positivisme juridique qui ne reconnaît comme droit que ce qui a été déclarée tel par une autorité législative. Oublier cette loi naturelle et/ou affirmer qu’on ne peut la définir de façon universelle et nécessaire, c’est la porte ouverte à la dictature du légal contre le légitime.

Rappeler l’existence et les orientations de cette loi naturelle, qui nous indique des voies avant toute législation, n’est-ce pas là une contre-attaque majeure qui empêche l’avancée de la dictature du positivisme ? Cette résistance nous permettra de rappeler avec assurance qu’est loi ce qui est juste et non pas nous laisser manipuler par le précepte-roi du positivisme : est juste ce qui est loi.

La contamination historique de la morale commune par le droit (juridisme romain) à la Renaissance était précédée en amont par la destruction des fondements de la philosophie réaliste par les philosophies non-inductives hostiles à la vérité objective dans le sillage du nominalisme (Occam et à sa suite tous les positivistes[5]). La catastrophe est consommée quand le relativisme se présente comme LA philosophie ultime.

Et pourtant, pouvoir toucher de sa propre main l’adéquation de sa raison et du réel objectif est une expérience euphorisante.

Ce qui a engendré une telle altération de la vie sociale, c’est le déficit intellectuel, la régression culturelle[6]. C’est l’absence de formation intellectuelle et morale. C’est l’ignorance. De nos jours, le jugement de la conscience personnelle n’est plus éclairé par la raison : il faut rentrer dans les cases préétablies de la doxa dominante dans un grégarisme idéologique pitoyable, rappelé quotidiennement par les médias mainstream.

Si l’on veut bâtir du solide pour les générations futures et leur éviter le « meilleur des mondes[7] », ne faudrait-il pas retrouver les orientations de cette nature humaine qui reste la même dans l’espace et le temps ? C’est d’ailleurs cette voie de résistance qui permettra de ramener dans la conscience de notre société française la loi naturelle bénéfique pour tous et que l’on retrouvera les règles de la démocratie véritable.

 

[1] Ce qu’Aristote appelait induction.

[2] Je prends comme exemple la notion de « peuple élu » mais n’allons pas plus loin dans cette veine…

[3] C’est l’enseignement de fonds du programme de philosophie de terminale, de l’université française, des « Grandes Ecoles » (sic), des sophistes médiatiques, etc.

[4] L’essence en mouvement vers sa fin, et non l’essence-concept statique à la Platon.

[5] Brièvement : l’utilitarisme de Thomas Hobbes, de John Stuart-Mill, d’Auguste Comte ; le pragmatisme, produit intellectuel typique de l’Amérique du XIXème et du monde anglo-saxon,

[6] Organisée dans l’Education Nationale : cf les travaux de Jean-Paul Brighelli.

[7] Qui a déjà commencé avec les préceptes du Transhumanisme (cf : Lucien cerise).


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