La Morale en Politique. L’ère des plagiats

par Alain-Patrick Umucyo
dimanche 29 avril 2012

Le XXIè siècle a besoin d'un nouveau Montesquieu. 

La morale en politique
Montesquieu et le premier tome de « De l’esprit des lois »

« (…) c'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites. » écrit Montesquieu dans De l'esprit des lois, œuvre majeure de l'auteur publiée en 1748. Cet enseignement, consacré par le temps, est aussi bien une mise en garde pour ceux qui sont affectés par l'action des puissants qu'une exhortation à la vertu pour ceux qui exercent le pouvoir. Sans aucun doute constitue-t-il un jalon incontournable de la formation de tout homme politique ; force est de constater, cependant, que nombreux sont les politiciens qui semblent ne l'avoir jamais intégré.

D'après le Trésor de la langue française informatisé, la vertu est le comportement permanent, la force avec laquelle l'individu se porte volontairement vers le bien, vers son devoir, se conforme à un idéal moral, en dépit des obstacles qu'il rencontre. Beaucoup d'Allemands se sont demandés de quel idéal moral était animé leur ministre de la défense, Karl-Thodor zu Guttenberg, en février 2011, lorsqu'était révélé un plagiat au sein de sa thèse de Doctorat. Après plusieurs semaines de controverses publiques ainsi qu'une décision sans appel de l'ancienne Université du ministre lui retirant son Doctorat, Karl-Theodor zu Guttenberg annonça son retrait de la vie politique. Il admit avoir produit une thèse « entachée d'erreurs » mais ne céda rien quant aux accusations de plagiat. Pourtant, un rapport de son ancienne Université concernant les manquements scientifiques dans les travaux de l'ex-ministre conclut qu'il avait intentionnellement triché. Ce rapport précéda l'annonce d'un procureur bavarois révélant que 23 passages de la thèse honnie constituaient des violations de droits d'auteur au regard de la loi. Cette annonce n'eut pas de suite juridique, Karl-Theodor zu Guttenberg ayant préféré s'acquitter de 20 000 euros pour contrecarrer toute poursuite judiciaire du ministère public.

Comme souvent ces derniers temps, l'exemple Allemand a été émulé en France. Le 28 novembre 2011, le Petit Journal de Canal + donnait des preuves irréfutables du plagiat réalisé par Rama Yade : Yann Barthès avait demandé à deux membres de son équipe de lire, pour l'un, des passages de Plaidoyer pour une instruction publique, écrit par l'ancienne secrétaire d'État, et, pour l'autre, diverses sources, comprenant MarianneLe MondeLe Figaro, des blogs, des forums. Le plagiat démontré ne concernait pas une thèse de Doctorat ; comme souvent ces derniers temps, les Français n'auront pas su égaler les Allemands. Cependant, à l'instar de la thèse et comme le suggère le titre de l'ouvrage, il concernait une œuvre exposant des arguments en faveur d'une certaine position intellectuelle. Tout aussi effrontée que le fut l'ancien ministre allemand de la défense, Rama Yade réfuta les accusations de plagiat. À peine a-t-elle « expliqué n'avoir cité aucun site car il serait impossible de sourcer chaque article publié sur Internet. »

Dans cette série de plagiats, le dernier exemple en date est celui du président hongrois Pal Schmidtt qui, comme ses illustres prédécesseurs, s'est montré particulièrement éhonté.

 

Évoquant l'expérience éternelle de l'abus de pouvoir par tout homme qui en possède, Montesquieu conclut : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. Une constitution peut être telle, que personne ne sera contraint de faire les choses auxquelles la loi ne l’oblige pas, et à ne point faire celles que la loi lui permet. » On comprend alors que le pouvoir qui inquiète l'auteur est le pouvoir exécutif. Loin de lui l'intention de mettre en garde contre l'impudente immoralité de « l'homme qui a du pouvoir » ; impudence irriguée, à bien des égards, par l'exaltation du pouvoir et donc caractéristique de cette tension à en abuser qu'évoque le philosophe des Lumières. Incontestablement, ce dont a besoin le XXIème siècle est d'un nouveau Montesquieu qui saura apporter une nouvelle conclusion, capable de neutraliser l'abus de pouvoir que constitue l'immoralité impudente. Celle-ci est certes infiniment moins dommageable que celle contre laquelle s'est opposée l'auteur de De l'esprit des lois mais a-t-on déjà vu une nation sans morale ? 


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