La politique au féminin, déferlante mondiale ou mode médiatico-politique passagère ?
par Algy
lundi 18 décembre 2006
En France, nous avons Ségolène, aux États-Unis, ils auront probablement Hillary, les campagnes présidentielles sont déjà bien amorcées et ces deux femmes font désormais figure de candidates sérieuses à la magistrature suprême.
Mais que se passe-t-il aujourd’hui ? Quel est ce vent de féminité qui semble vouloir balayer tout dans le monde (médiatico-)politique ? Que révèle-t-il sur l’état de nos sociétés et le rapport homme-femme ? Est-ce que l’heure de la revanche de nos arrière-grands-mères suffragettes a enfin sonné ? Serait-ce une nouvelle ère pour la politique qui serait sur le point de s’ouvrir ?
Sur tous ces points, je suis un peu sceptique, peut-être désabusée. Je n’arrive pas vraiment à y croire. Peut-être ai-je tort et devrais-je m’enthousiasmer de cet élan nouveau pour la ou les femmes ?
Mais non, rien n’ y fait, je demeure perplexe... D’abord, des femmes ayant occupé des postes à responsabilités dans les plus hautes sphères étatiques, il y en a déjà eu et pas des moindres. Ces femmes n’étaient pas toujours des tendres... Leurs adversaires ou alliés politiques masculins pourraient en témoigner : de Golda Meir à Magaret Thatcher, en passant par Indira Gandhi et Benazir Buto (oserais-je, timidement, évoquer l’éphémère Edith Cresson... pas sûre...)
Ensuite, Angela Merkel et Michelle Bachelet font-elles de la politique autrement ? Dirigent-elles autrement ? Ellen Johnson-Sirleaf a-t-elle su rassurer les Libériens par sa figure maternelle, ou a-t-elle su tout simplement convaincre par ses qualités d’économiste réputée et brillante ?
En même temps, je me demande si cet engouement récent pour les femmes candidates n’est pas un énième symptôme de la crise de la représentativité et du manque de crédibilité et de confiance envers la classe politique dans son ensemble. N’est-ce pas, finalement, pour les citoyens, une façon de croire dans le renouvellement des élites et dans leur façon de diriger ? Il ne vous aura peut être pas échappé que c’est un peu la thématique sur laquelle Ségolène Royal tente de surfer sur le fameux fossé entre la population et les politiques, et après tout, ne le lui reprochons pas, elle a bien le droit d’user de toutes ses armes (et j’omets volontairement de commencer le mot par ch : charmes, car je ne suis pas sexiste), c’est de bonne guerre et c’est assez bien vu... Tout le monde le dit depuis près de vingt ans !
Ceci dit, il est parfois un peu ambigu de jouer sur cet effet de fraîcheur ou de renouveau au féminin pour affirmer sa différence, surtout lorsque, comme Mme Royal, on sort du même moule que beaucoup de ses adversaires ou prédécesseurs masculins, l’Ena (Sarkozy faisant certes ici exception)...
Alors, la politique au féminin, je dirai : programme intéressant dans le slogan, mais je demande à voir les effets tangibles de cette différence, et je ne suis pas vraiment convaincue a priori. De la même manière que je ne vois pas en quoi un homme est ou serait plus habile pour diriger les affaires de ce monde, ou celles de son pays, je ne vois pas pourquoi une femme ferait nécessairement autrement, ou même mieux.
Alors oui, je suis féministe, je crois en l’égalité des droits entre hommes et femmes, mais je crois aussi que la médiocrité, le cynisme et la froideur calculatrice sont universellement partagés et inter-genres.
Je déplore profondément toutes les remarques et insinuations ou quolibets sexistes, voire misogynes, dont Ségolène Royal peut faire ou a pu faire l’objet. Mais de toute façon, ses adversaires ont déjà compris qu’il ne faudrait pas trop jouer à cela, ce ne serait pas payant. En revanche, pour convaincre les Français, j’avoue qu’il m’agacerait un peu que Ségolène Royal joue trop la carte de l’atout féminin. Si elle a les qualités nécessaires pour être présidente de la République, qu’elle le démontre tout simplement sans nécessairement souligner qu’elle est objectivement, et que cela se voit*, différente, parce qu’elle est une femme !
* Je fais ici allusion à sa réponse lors du premier débat télévisé entre les trois candidats socialistes où le journaliste lui demandait qu’elle était sa différence par rapport à DSK et à Fabius.