La république, le candidat et la Constitution

par minusabens
lundi 29 novembre 2010

Comme le laissent croire partis politiques et médias, un candidat à la Présidentielle ne saurait briguer notre suffrage sans un solide programme ou, plus architectural, une plate‐forme politique. Dans tous les cas, un tel projet élaboré sur des sondages, caresse le corps électoral dans le sens du poil. A quoi bon ces promesses ? La plupart d’entre elles ne verront jamais le jour. Pourtant une élection après l’autre, avec constance, nous nous laissons endormir par le chant des sirènes et, de Charybde en Scylla, le navire de l’Etat vogue vers l’abîme.
 
Ouvrons les yeux. Pourquoi partir du principe inconstitutionnel que le Président de la République définit et conduit la politique du pays ? Nous sommes, ici, victimes d’un malentendu sournois que nous inculquent partis et candidats. Ceci est un préjugé né des manoeuvres insidieuses, malhonnêtes et peu dignes de la considération du corps électoral, de ceux qui profitent de son suffrage.
 
Voici les preuves :
 
Le mandat présidentiel est défini au Titre 2 de la constitution. La mission de cet élu n’est ni de définir ni de conduire la politique de la nation. Bien au contraire l’article 5 dispose : « Le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités. »
 
En conséquence, le mandat de Président de la République ne confère aucun pouvoir, en dehors de ceux de dissoudre l’Assemblée nationale, au maximum une fois l’an, et d’appliquer, pour autant que les conditions soient réunies, les pouvoirs exceptionnels que lui confère l’article 16 : « Lorsque les institutions de la République, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu… » Il faut donc que deux conditions soient réunies. L’une est indispensable, l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics, l’autre est une menace grave et immédiate sur l’un des éléments suivant : les institutions, l’indépendance de la nation, l’intégrité de son territoire, l’exécution de ses engagements internationaux. Les pouvoirs publics, à en juger par le préambule de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 désignent le pouvoir exécutif, le Gouvernement, et le pouvoir législatif, le Parlement, certains y ajoutent le pouvoir judiciaire.

Le mandat constitutionnel confié au Président par le suffrage universel ne lui confère pas tous les pouvoirs, tant s’en faut.
Sa fonction de chef des armées ne lui donne aucune prérogative particulière sur celles‐ci. La force armée est, comme l’administration, à la disposition du Gouvernement en charge de déterminer et conduire la politique de la nation selon l’article 20. tandis que l’article 21 dispose :
« Le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. »
L’article 13 énumère le pouvoir de nomination aux emplois civils et militaires du Président conjointement, pour certains avec le Premier Ministre, ou après avis public de la commission adéquate de chacune des chambres du Parlement pour d’autres.
 
Le Président de la République négocie les traités internationaux mais ne peut les ratifier qu’en vertu d’une loi. Il dispose du droit de grâce à titre individuel. Il préside le Conseil Supérieur de la Magistrature et le Conseil des Ministres, manière de s’assurer du fonctionnement régulier des Pouvoirs Publics et des rapports entre Parlement et Gouvernement. En effet, le Président d’une telle assemblée a pour rôle, selon l’ordre du jour établi par le Gouvernement, de conduire le débat et de veiller au bon déroulement de celui‐ci. Cette mission du Président est formelle. Il n’est pas dans ses prérogatives d’infléchir les propositions et d’imposer ses idées au Gouvernement. Une telle attitude serait une manière inconstitutionnelle de participer aux décisions politiques ce qui est exclu de ses devoirs et prérogatives.
Le Président ne gouverne pas et n’a nulle compétence constitutionnelle pour être le chef du pouvoir exécutif qu’il a mission d’arbitrer. Nul ne peut être juge et partie.
 
Soyons logiques et respectons la loi. Le candidat à cette élection n’a nul besoin d’un programme pour obtenir la faveur du corps électoral. En revanche, il doit le convaincre d’une solide intégrité, d’une probité indéfectible et de ne pas avoir, dans le passé, abuser de la confiance du peuple. Des hommes comme, Alain Juppé, Patrick Balkany et bien d’autres encore, condamnés dans l’exercice d’un mandat électif ou de fonctions publiques, même s’ils ont purgés leur peine, ne semblent plus dignes de la confiance aveugle de leur concitoyens. Ils ne sauraient offrir les garanties d’objectivité absolue et de respect qui incombent à une telle mission. Un tel mandat ne nécessite aucun savoir-faire politique, mais du discernement et de la sérénité, l’ambition politique est, par définition, exclue. La pratique de la combine, du conflit d’intérêt et de l’abus de fonction semble un motif éliminatoire.

A la lumière de ces éléments, c’est une évidence : la plupart des candidats à l’élection présidentielle ont outrepassé et continuent d’outrepasser la constitution avec la complicité des partis. Ni les uns ni les autres ne respectent le principe de la souveraineté nationale qui n’appartient qu’au peuple lequel « l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice » (art. 3 de la constitution).
 
Les partis, faisant du candidat à la fois le fer de lance de leur projet politique et un chef de Gouvernement de fait, bafouent sans scrupule l’article 4 : « Les partis et groupements politiques… doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. » Ils ignorent la séparation des pouvoirs instituée à l’article 16 de la déclaration de 1789 : «  Toute Société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution. » dont le Président est chargé de veiller au respect. Ils détournent et repoussent sans vergogne les limites et devoirs du mandat présidentiel ce qui scandaleux, inadmissible et illégal.

Ce faisant, candidats et partis se moquent de ses articles 20 et 21 qui déterminent les attributions et prérogatives du Gouvernement. Ils oublient que ce dernier est responsable de sa politique devant l’Assemblée nationale qui le censure, l’obligeant à démissionner, s’il fait mal son travail. Tandis que c’est le Parlement tout entier qui est seul compétent pour en évaluer la politique, adopter les lois, les lois de finances et financement et contrôler sa gestion, pas le Président de la République qui, aujourd’hui, usurpe quotidiennement cette fonction.
 
Cette façon des partis de concourir à l’expression d’un suffrage qui aux yeux de la loi ne les concernent pas est une désinformation inacceptable et une atteinte insupportable à l’intelligibilité et d’accessibilité de la Loi. Une valeur constitutionnelle que rappelle le Conseil Constitutionnel dans de nombreuses décisions et qui « découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, et imposent au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire… »
 
En se gardant bien d’informer son audience sur la réalité constitutionnelle, la complicité des medias achève de détourner la fonction présidentielle dans l’esprit du public et piétine la constitution. Elle participe à cette atteinte intolérable aux valeurs constitutionnelles.
 
Cette habitude malicieuse de tromper l’électeur sur la véritable mission présidentielle ne vaut pas loi. La coutume et l’usage ne sont pas constitutionnels. C’est définitif : les présidents ne gouvernent pas ! Mais cette combinaison de candidats dévorés par l’ambition et avides de pouvoir, de parlementaires minés par les avantages et les à‐côtés de leur mandat, et de médias suspendus aux recettes publicitaires de gros clients qui soutiennent d’une manière ou d’une autre tel candidat ou tel autre, perpétuent la légende du système présidentiel ou l’élu, légitimité par le suffrage universel, est tout puissant. C’est faux !

Le candidat quand il trompe l’électeur en lui faisant croire qu’il peut tout réaliser du programme politique, aussi merveilleux soit‐il, qu’il expose mène une entreprise aussi malhonnête qu’une rétrocommission ou d’emplois fictifs de la Mairie de Paris ! Il se conduit comme un véritable escroc abusant de la faiblesse et de l’ignorance du droit constitutionnel de la plupart d’entre nous. Il ne mérite pas de recueillir notre suffrage mais de retourner à l’étude de la bonne conduite.

Quoi qu’il fasse il ne peut légalement réunir l’ensemble des pouvoirs sur sa seule personne l’alinéa 5 de l’article 89 de la Constitution : « La forme républicaine du Gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision.  » se conjugue à l’article 16 de la déclaration de 1789 pour ériger le rempart de la démocratie constitutionnelle qu’il ne peut pas, légalement, escalader. Sarkozy, avec son compère Balladur, l’a tenté. Il s’est cassé le nez. La révision de la Constitution n’a pas fait de lui un chef de gouvernement constitutionnel, en revanche son action quotidienne est une usurpation de fonction permanente.

En supplément, les termes d’un mandat confié par un mandant, le peuple, à un mandataire, l’élu, ne sauraient être modifiés par décision unilatérale d’une des parties contractantes. Ce qui signifie que, sans l’aval du peuple, le président ne peut modifier le pouvoir qui lui est confié par le suffrage universel, même si la révision constitutionnelle est adoptée par le Congrès. Réuni en Congrès ou non, le Parlement n’a pas la compétence pour désigner ou élire le Président, ceci appartient au peuple souverain et à lui seul. Le Parlement ne peut donc, en cours de mandature, changer les termes d’un pouvoir dont il n’a jamais disposé, sans lui‐même outrepasser les termes de son propre mandat.
 
Influencés par cette prétendue tradition, les candidats et les partis, qui rêvent de récupérer à leur avantage un pouvoir absolu, se trompent de République et de Constitution quand ils évoquent une plate‐forme ou un programme présidentiel pour plaire à l’électorat ou pratiquent de présumées primaires qui ne sont qu’une simagrée interne sans conséquence juridique sur le droit de tout citoyen de faire acte de candidature.
 
L’élection présidentielle ne consiste pas à confier mandat à un parti ou son représentant pour gouverner. Un parti n’est pas éligible en France comme il l’est, à l’occasion des législatives en Allemagne, par exemple. Nous ne sommes pas aux Etats unis, l’élection présidentielle française consiste à choisir un homme libre et sans attache politique apparente pour arbitrer et garantir les valeurs constitutionnelles au‐dessus des partis et des fractions.
 
Il n’est pour s’en convaincre qu’à consulter le droit électoral et notamment la procédure de dépôt de candidature et de financement de campagne pour cette élection. Il est clair que le candidat n’est pas celui d’un parti. C’est un homme ou une femme seul qui brigue le suffrage de ses compatriotes.
 
Ainsi la loi organique 62‐1292 du 6 novembre 1962 modifiée règle les détails des conditions pour déposer et faire valider sa candidature ainsi que les modalités de financement de la campagne pris en charge pour partie selon la nation. Cette loi s’applique au candidat en personne, elle ne connaît pas de parti.
 
En 2007, dernière loi organique en vigueur, le candidat doit être présenté par 500 parrains membres du Parlement, des conseils régionaux, de l’Assemblée de Corse, des conseils généraux des départements, de Mayotte et de Saint‐Pierre‐et‐Miquelon, du Conseil de Paris, de l’assemblée de la Polynésie française, du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle‐Calédonie, de l’assemblée territoriale des îles Wallis‐et‐Futuna, maires, maires délégués des communes associées, maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ou membres élus de l’Assemblée des Français de l’étranger. Les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, les présidents des communautés de communes, le président de la Polynésie française, le président du gouvernement de la Nouvelle‐Calédonie et les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l’élection présidentielle. Vous le constatez, cette sélection élimine le parrainage d’une grande part d’élus communaux pour simplifier la vérification de chaque parrainage.
 
Bien entendu pour pimenter la manoeuvre parmi les signataires de cette présentation, doivent figurer des élus d’au moins trente départements ou collectivités d’outre‐mer, sans que plus de cinquante d’entre eux puissent être ceux d’un même département ou d’une même collectivité d’outre‐mer.
 
Indispensable, les candidats doivent créer une association de financement pour leur campagne ou recourir au service d’un mandataire financier. Elle ou il recueille et enregistre le soutien financier reçu, les dons et le produit de vente d’objets ou tombolas qui doivent faire l’objet d’une comptabilité méticuleuse et les dépenses de toute nature.

Le plafond des dépenses électorales prévu par l’article L. 52‐11 du code électoral est fixé à 13,7 millions d’euros pour un candidat à l’élection présidentielle. Il est porté à 18,3 millions d’euros pour chacun des candidats présents au second tour.
 
Les personnes physiques ne peuvent accorder ni prêts ni avances remboursables aux candidats. Ceux‐ci doivent s’adresser à des instituts de crédit (banques etc..). Les frais d’expertise comptable sont inscrits dans le compte de campagne.
 
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a succédé au Conseil Constitutionnel. Elle approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu. Elle se prononce dans les six mois du dépôt des comptes.

Dans tous les cas où un dépassement du plafond des dépenses électorales est constaté, la
commission fixe une somme, égale au montant du dépassement, que le candidat est tenu de verser au Trésor public. Cette somme est recouvrée comme créance de l’Etat étrangère à l’impôt et au domaine. Selon cette procédure le compte de campagne de Balladur en 1995 aurait été refusé puisque les trois experts de la Cour des comptes avaient recommandé son rejet selon un document saisi dans les archives du Conseil Constitutionnel par le juge instruisant l’affaire Karachi.
 
Lors de la publication de la liste des candidats au premier tour, l’Etat verse à chacun d’entre eux une somme de 153.000 euros, avance sur le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne. Si le montant du remboursement n’atteint pas cette somme, l’excédent fait l’objet d’un reversement.

Une somme égale au vingtième du montant du plafond des dépenses de campagne applicable est remboursée, à titre forfaitaire, à chaque candidat ; cette somme est portée à la moitié dudit plafond pour chaque candidat ayant obtenu plus de 5 % du total des suffrages exprimés au premier tour. Elle ne peut excéder le montant des dépenses du candidat enregistrées dans son compte de campagne. Ceci signifie qu’un candidat du second tour ayant dépensé 9,15 millions d’euros ou moins sera intégralement remboursé par le Trésor public.
 
Le remboursement total ou partiel des dépenses de campagne n’est possible qu’après l’approbation définitive du compte. Dans les cas où des irrégularités commises ne conduisent pas à son rejet, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité des irrégularités.
 
Vous le voyez, cette élection n’est décidément pas l’affaire d’un parti, même si un ou plusieurs d’entre eux peuvent accorder leur soutien financier au candidat de leur choix.
 
Il est grand temps que les Français prennent conscience de la duperie permanente dont ils sont l’objet et du détournement illégal systématique de l’institution présidentielle.
 
Garante de la démocratie, notre constitution, bien que bricolée par certains avec la complicité passive, discrète et regrettable du Conseil Constitutionnel, tient encore la route quand on la respecte.
 
Cessons d’être la dupe et l’écho, complice involontaire, en réclamant un programme à un candidat. Ceci fait le jeu d’une classe politique hypocrite composée de parasites ambitieux qui se moquent de nous et se foutent de la constitution.
 
Les élections législatives en revanche, du fait des partis eux‐mêmes semblent être dans l’ombre de la présidentielle alors qu’elles sont beaucoup plus importantes puisqu’elles devraient décider de la composition du Gouvernement qui constitutionnellement est le seul compétent pour administrer le pays et diriger la politique. Le monde politique français à inverser, vicieusement, les valeurs de la démocratie constitutionnelle. Il est temps de le comprendre et de revenir dès 2012 aux fondements de notre république.
 
Ce message peut être repris et circuler sans entrave. Diffusez‐le ! Que nos compatriotes sachent, avant de faire leur choix, la portée réelle de leur vote et les limites exactes du mandat qu’ils confient à un candidat en exprimant leur suffrage.

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