La révolte de Manuel Valls

par La Politique et moi
vendredi 17 juillet 2009

Martine Aubry sommait hier Manuel Valls de cesser immédiatement ses critiques envers le parti dont elle a la charge, ou bien de le quitter. Cet acte, a priori réfléchi (le courrier mit six jours à parvenir à l’intéressé), se voulait une démonstration publique d’autorité. Il s’avère aujourd’hui un peu téméraire : Manuel Valls a en effet répondu explicitement à sa Première secrétaire qu’il ne reconnaissait pas légitimité en la matière, et ne comptait donc pas obéir à ses ordres. Le PS a donc désormais le choix entre une surenchère disciplinaire ou une spirale délétère.

Si Martine Aubry prit son temps pour apostropher Manuel Valls, ce dernier n’eut pas besoin de plus de 24 heures pour répondre à sa Première secrétaire préférée : pensez-donc, ce n’est pas tous les jours qu’on vous présente sur un plateau une polémique bien montée, initiée par la socialiste en chef (excusez du peu), avec en plus le statut de victime qui va avec ! Un ascenseur direct vers la candidature aux présidentielles n’eut pas été aussi efficace.

Bien entendu, la missive vengeresse s’égara comme par enchantement vers les ordinateurs de l’AFP dès sa finalisation. C’était de bonne guerre, et le bouillant maire d’Evry avait beau jeu d’y dénoncer la "méthode" Aubry - qu’il ne se privait pas lui-même par ailleurs de mettre immédiatement en pratique :

"Je suis surpris, par contre, par la méthode. Pourquoi avoir transmis simultanément ta lettre à la rédaction du Parisien ? L’objectif affiché par ton courrier n’est-il pas de clore l’ensemble de nos débats à l’abri des huis clos ? L’urgence était-elle donc telle qu’il ait fallu reprendre la plume pour masquer le cuisant échec d’une récente initiative épistolaire à l’attention des autres partis de gauche ?"

La suite est une réponse point par point - et même un peu plus - au sermon éthique de Martine Aubry. Manuel Valls, trop heureux d’accéder à ce statut médiatique inespéré il y a encore quelques jours, ne boude pas son plaisir, et ébauche même un projet socialiste nouveau qui annonce un autre projet, présidentiel celui-là. Vient ensuite la tirade finale, définitive et farouche :

"A la lecture de ta lettre, je ne te cache pas ma profonde inquiétude sur ta conception très datée du parti. [...] «  Je me révolte donc nous sommes  » disait Albert Camus. Par cette formule, il établissait une dialectique originale entre l’individuel et le collectif. J’espère que tu pourras aussi y voir, comme moi, une source d’encouragement et d’espoir. Et puisque tu me sommes de donner une réponse claire à ton ultimatum, je t’informe que j’entends bien rester fidèle à mon poste, à ma famille politique et à mes valeurs."

Baoum. En érigeant la révolte comme un acte de militantisme assumé, Manuel Valls affiche non seulement sa détermination, mais aussi son sens du moment politique. Martine Aubry a fait une double erreur en le plaçant dans cette posture, il le sait, et il s’en sert. La Première secrétaire ne peut s’en prendre qu’à elle, et au-delà de leur différend, elle devient en ceci le meilleur allié de Valls.

Sa première erreur fut de donner à son ultimatum un tel impact médiatique : en publiant sa lettre dans le Parisien, et même s’il s’agissait de l’humilier, Martine Aubry a hissé Manuel Valls au statut de rival, donc d’égal. En politique, la seule vraie violence reste l’indifférence. Etre socialiste et n’avoir pas appris cela de François Mitterrand est de l’ordre de la faute lourde.

Sa seconde erreur fut de mettre un élu de son propre camp le dos au mur - alors même que les positions récentes de Valls, qu’elle dénonçait, étaient déjà symptomatiques d’une forme de désespoir militant, par définition incontrôlable donc. En lui intimant un ordre contraire à son intérêt et à ses ambitions, loin d’affirmer son autorité, elle s’expose par un refus (prévisible) à devoir affronter une situation de crise grave. Tout, de son élection à quelques voix près face à Ségolène Royal, jusqu’aux résultats des dernières élections, contribue à fragiliser son assise : comment dans ces conditions espérer gagner son bras de fer face à un jeune loup déterminé, dont la sanction ultime (l’exclusion du PS) ne contribuerait qu’à conforter sa crédibilité en tant qu’alternative à un PS alors perçu comme stalinien et censeur ?

Martine Aubry a donc désormais le choix entre le cyanure et l’arsenic. Son seul réconfort, dans les épreuves qui l’attendent désormais, résidera peut-être dans la réflexion suivante : en se propulsant au rang de premier opposant à la garde institutionnelle du parti socialiste, Manuel Valls s’apprête à en déchoir l’une de ses divas étonnement silencieuse, en la personne de Ségolène Royal. A moins bien sûr qu’il ne l’y rejoigne...

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