La rigueur en désenchantant

par Henry Moreigne
mardi 19 février 2013

Trop de dépenses, trop d'impôts et trop de déficits. La France est plus qu'un Etat au bord de la faillite. C'est un modèle social à bout de souffle. Soumis à un premier traitement de cheval, notre pays est aujourd'hui au milieu du gué. Après la hausse des prélèvements vient désormais le temps de la douloureuse réduction des dépenses publiques. La question des allocations familiales ne sera qu'un amuse-gueule. Le dur, ce sera le sauvetage du régime des retraites et du système de santé.

La règle est simple et nos présidents ne la connaissent que trop bien. Pas de croissance, pas de redressement. En dessous de 1,5 points de croissance, le pays tape dans ses réserves et comme il n'en a pas, doit recourir à l'emprunt pour régler des factures de fonctionnement courant.

Avec le dernier budget voté en équilibre date de 1974, la France c'est un peu "Vol au-dessus d'un nid de coucous". On y vit à crédit sur le dos des générations futures. Au troisième trimestre de 2012, la dette publique était de 1 818,1 milliards d'euros, soit 89,9 % de son produit intérieur brut (PIB). La charge de la dette frise les 50 milliards et représente l'un des tout premiers postes de dépense de l'Etat.

Le problème est bien là. La France vit au dessus de ses moyens et pratique une générosité qu'elle n'a plus les moyens de se payer. Le plus inquiétant est assurément l'emballement des déficits alors qu'avec le vieillissement de la population, se profile les futures dépenses liées notamment à la dépendance.

Mais il est une autre dépendance tout aussi problématique. C'est celle de notre modèle social à l'égard de la croissance. Un peu comme un vélo qui tombe dès qu'il cesse d'avancer. Ainsi, l'affaiblissement de la croissance de ces dernières décennies et la chute des recettes qui lui est liée ont avancé la falaise des déficits de 20 ans

Autant dire qu'être Président de la République en 2013 n'est pas une sinécure. Nicolas Sarkozy voulait aller chercher la croissance avec les dents, François Hollande est lui contraint de racler les fonds de tiroir après avoir monté le niveau des prélèvements obligatoires à son quasi-maximum.

Didier Migaud, par ses messages d'alerte récurrents prépare la Nation aux efforts qui sont devant elle. Le Premier Président de la Cour des Comptes a ainsi indiqué qu'il fallait désormais "freiner les dépenses". Un message que s'est parfaitement approprié Jérôme Cahuzac. Le ministre du budget reconverti en père la rigueur a fixé un objectif de 50 mds€ d'économies à réaliser en 5 ans. Les lettres de cadrage adressées avec six mois d'avance à ses collègues du gouvernement ne finissent pas de faire grincer des dents.

Car la confirmation de l'absence de croissance en 2013 va contraindre François Hollande à revoir ses plans. Le Président avait planifié l'année en cours comme l'annus horribilis de son quinquennat avec un léger retournement de tendance attendu en fin d'année gage d'éclaircie sur le front du chômage. Las, cet espoir s'est envolé.

Le déplacement du Chef de l'Etat en Grèce sera une source de réflexion sur la quadrature du cercle. Comment avoir suffisamment d'austérité pour redresser les comptes sans étouffer les braises de croissance ? La seule variable possible, c'est de passer d'une logique brutale de réduction des dépenses à une optimisation, une efficience de celles-ci. Facile à dire, beaucoup moins à réaliser. Jamais indolore dans tous les cas.

Une spectrographie des dépenses publiques (56% du PIB), permet de cerner les enjeux. Si les dépenses de l'Etat sont stables (30%), celles des collectivités sont en passe d'être maîtrisées (20%), reste le gros morceau, les dépenses sociales (45-50%), en hausse constante.

Dans ce contexte, la question d'une fiscalisation ou d'un plafonnement des allocations familiales, même hautement symbolique, constitue un épiphénomène. Tout autant que la remise à plat des allocations chômage et des aides au logement qui se profile.

Les vraies cibles ce sont les retraites et la santé. Ainsi pour 2018, c'est-à-dire demain, le déficit prévisionnel du régime de retraite est de 20Mds €. Le gouvernement ne pourra jouer que sur trois curseurs pour régler le problème : augmenter les cotisations, allonger leur durée, supprimer l'indexation sur l'inflation. Une belle pagaille en perspective quand on mesure l'attachement des Français à leurs acquis.

Dans l'autre secteur à enjeux, la santé, le montant des dépenses de santé s'est élevé à 240,3 milliards d'euros en 2011. En soixante ans, la part de la consommation de soins et de biens médicaux dans le PIB a explosé, passant de 2,6 % en 1950 à 9,1 % du PIB en 2010 avec pourtant un secteur hospitalier au bord de l'implosion.

Ces éléments dressent un tableau très sombre. Celui d'un modèle à bout de souffle que des replâtrages permettront certes de prolonger mais dont la viabilité à moyen terme est compromise. Au-delà d'une médecine d'urgence c'est la refonte de notre modèle social et de ses financements qui doivent être abordés. Pour que chaque euro dépensé le soit au mieux mais aussi pour que soient mis à contribution des gisements de recettes inexploités, à commencer par la finance internationale et les transactions financières. Car un modèle social en déficit structurel, n'est plus un modèle.

 

Crédit photo : Wikipédia


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