La stratégie du Béarnais

par Denis Szalkowski
samedi 31 janvier 2009

Un homme qui a réussi à éradiquer son propre bégaiement peut-il, à lui seul, parvenir à faire bégayer un système politique marqué su sceau du bipartisme ?

François Bayrou est un homme ambitieux. C’est aussi un homme très habile dont l’aura ne cesse de croître auprès des agnostiques de la politique. Pour que les Français puissent croire en lui, il devra rompre avec la stratégie du service minimum. Croire en son destin ne suffit pas à le faire !

Mon ami Gérasime ne l’aimait pas. Il m’en parlait comme étant potentiellement le futur président de la République Française. Nous étions dans les années 1990. Maniant la chèvre et le chou, sachant retourner sa veste du bon côté, François Bayrou, en dehors de son ambition personnelle, n’a pas toujours brillé par sa constance. Force est de constater que, depuis l’élection présidentielle de 2007, le bonhomme semble appliquer une stratégie dont la constance est, cette fois, la principale marque de fabrique.

Ménager les susceptibilités

Le 27 janvier, soit deux jours avant la grande manif du 29, il vote la motion de censure. Mais là où le Parti Socialiste provoque l’ire de François Chérèque, l’un de ses soutiens en 2007, François Bayrou donne consigne à ses militants de se fondre aux manifestants sans arborer les bannières du Modem afin de ne pas repousser l’électorat de centre droit dans les bras de Sarkozy. François Chérèque, en bon missi dominici du Béarnais, a expliqué tout le mal qu’il pensait de la présence du Parti Socialiste à une manifestation syndicale en opposition totale avec les principes de la Charte d’Amiens de 1906. Avec Chérèque, une grande partie de la CFDT vient de quitter les rivages de la gauche politique.

Être le candidat du centre et de la gauche

Lors de la présidentielle de 2007, la deuxième gauche, avec les Gracques, Chérèque et les autres, a voté Bayrou. A ces voix, se sont ajoutées celles des socialistes à gauche de la gauche qui prônait le vote révolutionnaire pour mieux faire imploser le PS. La candidature de Royal était la pire pour Bayrou qui aurait préféré tout autre candidat socialiste afin de faire le plein des voix du côté des catholiques de gauche. Pour battre Sarkozy, il fallait voter Bayrou au premier tour. C’est aujourd’hui une certitude. Certains bruits non vérifiés par ailleurs ont fait part que Martine Aubry l’aurait compris mieux que quiconque.

En refusant de participer aux manifestations, François Bayrou a donc refusé de faire un pas à gauche. En revanche, son positionnement le rend chaque jour davantage compatible avec un vote de la gauche en sa faveur au cas où il resterait au second tour face au candidat de la droite en 2012.

Éviter de parler pour ne rien dire

Ne pas participer aux manifestations lui aura aussi évité de se faire huer à l’image des socialistes, qui, sous l’égide de Martine Aubry, sont allés manifester en ce jeudi 29 janvier. Était-ce leur place quand François Hollande reconnaît la piètre qualité du plan de relance concoctée par la direction actuelle du Parti Socialiste ? Malek Boutih qui a rejoint Royal dit qu’il s’agit d’une régression qui reprend les recettes usées. Usés, les socialistes ?

De son côté, le Béarnais s’est évertué à ne pas trop communiquer sur son plan de relance dont Marielle de Sarnez nous assure qu’il s’articule autour d’un emprunt européen afin de financer de grands travaux et une aide aux plus modestes. Le bon sens confine hélas à la forme la plus crasse de la bêtise affligeante. Le seul problème, c’est que, malgré mes recherches avancées sur le site du Modem, sur les moteurs de recherche et d’actualités Internet, je n’ai trouvé aucune référence explicite au plan de relance du Modem. De plan de relance, le Modem n’en a point !

Concilier l’inconciliable

François Bayrou, en raillant et la gauche et la droite, en oublie l’essentiel : construire un projet crédible... et cohérent. Compte tenu de la nature du Modem composé de militants du centre droit, de transfuges des Verts et du PS, je crains qu’il ne faille attendre 2011 pour voir émerger l’once de la moindre idée digne de ce nom. Difficile en effet de synthétiser la pensée de Corinne Lepage, Jean-Luc Bennahmias et Jean Peyrelevade. Compte tenu des forces dont dispose aujourd’hui le Modem, les objectifs personnels de son Président me semblent peu compatibles avec la nécessité de produire.

Crédit photos : le Jdd, la Procure, Philippe Remacle


Lire l'article complet, et les commentaires