La trahison de Moscovici sur la taxe Tobin

par Laurent Herblay
mardi 16 juillet 2013

C’est une volte-face absolument sidérante. Alors que le très timide projet de 11 pays de l’Union Européenne avançait, avec la Commission Européenne, le ministre de l’économie vient de doucher les espoirs les plus modestes en le jugeant « excessif  ». La probabilité d’une vraie mesure s’éloigne.

 
Le Parti Social-traître
 
Comment ne pas voir le parti qui se dit « socialiste » autrement ? En effet, la crise que nous traversons et l’exposition de tous les travers du monde financier font que le moment est idéal pour enfin faire passer ce projet. Déjà, en 2009, le G20 l’avait oublié, démontrant que les lobbys financiers gardaient un pouvoir de nuisance certain. Néanmoins, le projet a pu avancer à l’échelle européenne, par l’alliance d’une majorité des parlementaires européens et des dirigeants de onze pays qui ne sont pas de grandes places financières (mais réunissant Paris, Berlin, Rome et Madrid).
 
Le projet, modeste, prévoyait de taxer à 0,1% les actions et les obligations et à 0,01% les produits dérivés. Néanmoins, il comportait quelques modalités techniques pour augmenter son rendement, comme l’explique très bien cette tribune d’Attac dans le Monde. Avec le principe d’émission, une action Renault échangé en Asie par une banque asiatique serait concernée. Le principe d’origine imposerait une taxation pour toutes les banques des pays participant au projet. De même étaient concernés acheteur et vendeur, les transactions au sein d’un même groupe ou les opérations de prise en pension.
 
Attac révèle que la France remet en cause une multitude de détails qui dénature totalement un projet pourtant pas bien méchant. Pire, Pierre Moscovici a déclaré que la « mise en œuvre (de la TTF) rencontre de nombreux obstacles : pour y parvenir, il nous faut être pragmatiques et réalistes. La proposition de la Commission paraît en effet excessive et risque d’aboutir au résultat inverse de ce qui est souhaité par le gouvernement, en agissant comme repoussoir pour une vraie taxe européenne généralisable à l’Union  », comme le rapporte Hervé Nathan sur son blog de Marianne.
 
Ce qu’il faudrait faire
 
Bien sûr, les lobbys financiers disent qu’une telle mesure risque de nuire à la compétitivité de la place de Paris, que les capitaux vont fuir ailleurs (ce qui n’est pas faux, au regard de l’expérience suédoise), mais cela peut aussi pousser à mettre en place un projet autrement plus radical. Tout d’abord, au regard des dégâts faits par la finance, du coût colossal que leurs excès ont coûté à la collectivité, le tout, parallèlement à des rémunérations exorbitantes, on peut penser, comme le « prix Nobel d’économie » Joseph Stiglitz, qu’il faut aller beaucoup plus loin dans la taxation des transactions financières.
 
Non seulement, il convient de traiter de la même manière absolument tous les produits financiers (en réintégrant le gré à gré ou les dark pools), mais il convient d’imposer un taux a minima de 0,1% et pouvant aller jusqu’à 1%. De la sorte, nous pourrions rééquilibrer notre fiscalité, en faisant davantage contribuer le monde financier avec cette taxe. Ensuite, si elle est suffisamment importante, elle aurait l’immense avantage de fortement réduire la spéculation. Est-il vraiment sain que les transactions financières représentent 50 fois le montant du PIB mondial ? Poser la question, c’est y répondre.
 
En revanche il est bien évident que la mise en place d’une telle taxe ne peut se faire dans le cadre d’une libre-circulation des capitaux car les transactions fuiront alors les pays qui taxent pour aller se réfugier dans d’autres pays. Le seul moyen pour mettre en place une telle taxe est de restaurer un contrôle sur les mouvements de capitaux de manière à s’assurer que l’épargne nationale reste essentiellement dans notre pays et ne cherche pas à profiter du moins-disant fiscal. Sans cela, il est bien évident qu’un tel projet ne fera que renforcer la prééminence de la place de Londres en Europe.
 
Non Monsieur Moscovici, le projet de la Commission n’est pas excessif. En fait, il est largement insuffisant. Il faut taxer davantage et mettre moins d’exceptions. Malheureusement, que peut-on espérer du ministre d’un gouvernement qui a déjà mené une réforme aussi dérisoire de notre système bancaire.

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