Lapix vs Le Pen : match nul ?

par L’appartement collectif
mercredi 18 janvier 2012

D'après l'ultra-célèbre citation de Gary Lineker, "le football est un sport qui se joue à 22, et à la fin, ce sont les allemands qui gagnent." Et bien en 2012, on pourrait presque dire que les débats politiques à la télé se jouent à 2 et qu'à la fin, c'est toujours Marine Le Pen qui gagne. Ce qui nous promet une belle année de merde.

Tout le monde ne parle que de ça sur Facebook et compagnie : Anne-Sophie Lapix a collé une branlée médiatique à Marine le Pen dimanche dernier sur Canal Plus. Peut-être même la première petite pichenette à laquelle la Jeanne d'Arc 2.0 n'a pas su répondre correctement. En cela, grand bravo à ASL, qui quitte d'ailleurs en un week-end le costume de la nobode du dimanche pour endosser celui de journaliste.

Malheureusement, quels qu'aient été ses efforts, il y a fort à parier que toute cette pseudo-agitation fasse finalement le jeu du FN. Ma première question est la suivante : qui regarde "Dimanche Plus" ? J'ai peut-être tort, mais ma géniale intuition me souffle que les militants FN ne sont pas forcément les téléspectateurs les plus assidus des émissions médias/people/politiques de Canal+. Je rappelle qu'à la même heure, il y a Chabada sur France 3. Ce qui me fait croire que l'émission a surtout permis à un public hostile au FN de se satisfaire, à juste titre d'ailleurs, de l'embarras de MLP, et non à des sympathisants de revoir leur jugement sur leur leader de guerre. Mais bon, il y a eu ensuite assez de diffusion de la vidéo sur Internet pour qu'un max de gens y ait accès, donc passons là-dessus.

En fait, le plus important dans cette affaire me semble être de souligner que si Lapix joue ici l'héroïne courageuse -à juste titre là aussi-, Marine Le pen, quant à elle, reprendra d'ici quelques jours son rôle préféré : celui du martyre, la pauvre citoyenne qui aimerait dire au monde entier qu'elle est leur meilleure copine, mais que les médias font systématiquement taire. Complètement démago bien sûr, mais efficace. Et pour en revenir aux sympathisants FN ou aux indécis qui pencheraient petit à petit vers le bleu marine, parce qu'ils se sentent oubliés par la classe politique, c'est exactement le type de message qui peut leur plaire : "Regardez-moi, j'essaie de parler, mais les "bobos de Canal Plus" - dans le vocabulaire cliché du FN- veulent à tout prix m'empêcher de m'exprimer et me rabaisser." Je me mets à leur place : si un journaliste déglinguait Eric Cantona en live - qui n'est d'autre que la réincarnation de Jean Jaurès à mes yeux- ça ne me donnerait qu'une plus forte envie de voter pour lui. Il y a tellement de passion pour la personnalité des candidats que les voir en difficulté suscite autant la pitié de leurs sympathisants que la cruauté de leurs adversaires. Et les indécis, auraient plutôt tendance, eux aussi, à ressentir une certaine pitié, qui me semble être un sentiment humain plus immédiat que la cruauté. Non ? Dans cette histoire, c'est finalement la personnalité de Le Pen qui est en jeu, et c'est son domaine favori. Dommage pour nous.

Par ailleurs, l'attaque qui a mis MLP en difficulté touche un domaine assez peu représentatif des idées dégueus du FN : certes la taxe sur l'importation de produits étrangers suit une logique protectionniste au travers de laquelle on peut déceler une franche xénophobie, mais ce n'est pas la critique la plus directe que l'on peut adresser à Le Pen. D'autant plus que Lapix a insisté sur les chiffres et l'incohérence des montants annoncés, ce qui est vrai, mais que l'on pourrait certainement reprocher, sur d'autres projets à Hollande, Bayrou, Sarkozy, Mélenchon, etc... Les effets d'annonce en période de campagne électorale ne sont pas le fait du FN, mais de bien de tous les partis. Sauf d'Eric Cantona, bien sûr. Cela rend cette déstabilisation moins puissante que ce qu'elle paraît être : Lapix a fustigé la classe politique dans son ensemble plus que le parti extrémiste et raciste dont elle avait le leader à sa table. Ainsi, ce qui ressort de cet échange, c'est que Marine le Pen a été bousculée, mais pas qu'elle a des projets antidémocratiques. Alors c'est déjà ça de pris, bien sûr. Mais la grande blonde devrait assez facilement contre-attaquer dans les jours qui viennent, forte de ses idées toujours d'actualité et absolument pas remises en cause lors de cet échange.

Pour conclure, Lapix a fait le job, elle a réussi là où des dizaines d'autres avaient échoué, il ne s'agit pas de remettre cela en cause. Anne-So, t'as assuré. Promis, on ne dira plus que tu es le sosie raté de Mélissa Theuriau. Mais le verdict fait quand même flipper : dans les débats, qu'on l'encense ou qu'on la secoue, Marine Le Pen gagne à tous les coups. Reste à espérer que cet adage, qui m'a donné l'occasion de placer une subtile rime riche, ne s'applique pas aux prochaines élections.

publié dans l'Appartement Collectif

mes courent après un ballon pendant 90 minutes et, à la fin, les allemands gagnent toujours.


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