Le 10 juin, on se réveille ou on tend l’autre joue ?

par Alexandre88
jeudi 7 juin 2007

La moitié de la France s’est pris une grande claque le 6 mai dernier. Si c’était à refaire, beaucoups auraient voté Bayrou pour éviter le pire. Et si, aux législatives, on en tirait les conséquences ? Dans un scrutin majoritaire, on ne vote pas pour ses opinions, on vote pour empêcher celles d’en face de gagner.

Présidentielle

En principe, le but d’une élection démocratique est de permettre au peuple de choisir le chef qu’il préfère pour le diriger. Or, pour la première fois, on voit que le mode de scrutin n’a pas permis d’élire le chef préféré par le peuple. Les très nombreux sondages de cette élection sont là pour en témoigner : "Sarkozy : 45% contre Bayrou : 55%" ou bien "Sarkozy : 40% contre Bayrou : 60%". Depuis ce mois de février Bayrou s’est placé ainsi en première position de tous les sondages de deuxième tour. S’il est préféré à Sarkozy par les Français, est-il normal que Sarkozy soit élu à sa place ? Pourquoi les Français ne sont-ils pas descendus dans la rue au soir du 6 mai pour réclamer cet autre chef qu’ils préfèrent à Sarkozy ? Je fus surpris parmi mon entourage, par le nombre de personnes ignorantes des chiffres ci-dessus, qui s’étonnaient : "Ah bon, vraiment, Bayrou 60% ?" ou qui semblaient se demander qui de Bayrou ou Royal avait plus de chance face à Sarkozy... alors que Royal ne naviguait qu’entre 45% et 49%... Un scrutin de deuxième tour avec trois candidats à mettre par ordre de préférence (ce qui est équivalent à choisir son candidat préféré dans chaque paire), aurait pesé-emballé cette élection dès le mois de février avec un Bayrou élu président sans aucune chance pour Royal ni Sarkozy. Le vote utile, c’est le cas de le dire, n’a pas fonctionné. De nombreux médias (sarkozistes ?) ont appelé Royal "le vote utile", alors que tous savaient que Bayrou avait plus de chances qu’elle.

Scrutin majoritaire, un bien étrange système

Pour les électeurs qui n’auraient pas encore compris : dans un scrutin majoritaire, on ne vote pas pour ses opinions, on vote pour empêcher les opinions qu’on juge les pires de gagner. Si vous voulez montrer vos opinions, descendez dans la rue ! C’est beaucoup plus efficace que de donner 5% à Besancenot dans un scrutin majoritaire !

Donc voilà, tous ceux qui ont voté Royal au premier tour, et à qui j’ai demandé après l’élection, si c’était à refaire, si on remontait et rejouait le temps, à partir du 22 avril, vous voteriez quoi ? Tous m’ont avoué, gêné, que OK, ils testeraient Bayrou, naturellement...

Législatives

Voilà donc la perversité de notre système électoral. Je n’ai pas aimé le discours de Bayrou du 25 avril nous en tartiner un coup sur "nous sommes un pays en manque de croissance", je ne sais pas d’où il a sorti ça, lui, qui n’avait parlé que de sobriété pendant la campagne. Et pourtant, je voterai à nouveau pour son parti le 10 juin. Moi, j’aurais bien voulu voter pour "La France en action", quasiment le seul parti objecteur de croissance dans ces législatives, ou j’aurais bien voulu voter pour un écologiste.

Mais il faut arrêter de rêver. Ici encore nous sommes dans un scrutin majoritaire. Les mêmes équations de la présidentielle se répètent 577 fois, à petite échelle, dans chaque circonscription. Dans chaque circonscription où un candidat Modem va affronter un candidat UMP, il aura - la plupart du temps - plus de chances qu’un candidat PS affrontant le même candidat UMP. Si l’on ajoute à ça les alliances possibles entre le PS et le Modem au deuxième tour, en fait, chaque lot d’électeurs de gauche votant Modem qui fera perdre un député PS... fera gagner deux députés Modem. Simplement parce que la moitié des centristes ne voteront jamais PS. C’est ce qui s’est passé le 6 mai.

Au vu des derniers sondages de ces législatives, dans un scrutin à la proportionnelle, L’UMP n’aurait peut-être pas tout à fait la majorité à l’Assemblée, et ce, malgré le fameux "état de grâce". Dans un scrutin "de deuxième tour avec trois candidats à mettre par ordre de préférence", comme pour la presidentielle, L’UMP n’aurait pas plus de majorité à l’Assemblée. Si une alliance Modem-Verts-PS-PC-etc., bref, "le tout sauf Sarkozy", présentait un seul candidat dans chaque circonscription, (en se répartissant les sièges selon le poids estimé des différents partis dans l’opinion), L’UMP n’aurait certainement pas de majorité à l’Assemblée. Enfin si, malgré les choses telles qu’elles sont maintenant, une bonne pelletée d’électeurs de gauche, voulait bien relire et comprendre cet article, L’UMP n’aurait peut-être pas tout à fait la majorité à l’Assemblée dans 10 jours...

Dans ce scrutin majoritaire, ne votez pas pour vos opinions, votez pour contrer les opinions que vous jugez les pires, et qui risquent de gagner. Si vous êtes électeur PS, votez pour empêcher un maximum de centristes de voter à droite au deuxième tour, donc donnez-leur le choix de voter au centre à ce deuxième tour, donc, votez Modem (et vous savez que de nombreux électeurs PS ne liront pas cet article, ou n’auront pas ce raisonnement, donc que le PS aura quand même des députés...).

Clivage

L’élection présidentielle a révélé un pays très clivé. Pleins de commentateurs ont exprimé que des slogans tels que "travailler plus pour gagner plus", "exonération des heures supplémentaires", etc., avaient été plébiscités par les Français au vu des 53% de Nicolas Sarkozy. Mais ceci est, au pire, un mensonge, au mieux une bêtise, car toutes les études de sondages convergent pour montrer que Sarkozy n’aurait pas été élu sans les retraités... Le groupe des étudiants, des actifs et des chômeurs ont préféré Royal à Sarkozy (entre 51% et 53% pour Royal selon les études). Les retraités ont, eux, voté à 65% pour Sarkozy, plus massivement encore, pour les plus âgés. Donc, ces slogans qui concernant les actifs n’ont pas été plébiscités par ceux-ci mais par les retraités !

La moitié de la France s’est pris une grande claque le 6 mai dernier. Alors, voter pareil aux législatives, c’est tendre l’autre joue. Réveillez-vous !


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