Le 13 novembre à Paris, des victimes de guerre et non pas du terrorisme

par Bernard Dugué
vendredi 18 novembre 2016

Les médias nous interpellent régulièrement lorsque des civils sont tués intentionnellement par des individus qualifiés de terroristes. Mais est-ce que le mot terrorisme est signifiant ? L’étymologie associe ce mot à la terreur. Le but du terroriste est de semer la terreur mais est-ce pour le simple plaisir de terroriser les populations ? Certainement que non car sauf exception, les actes de terrorisme, surtout ceux qui sont revendiqués, visent en fait des objectifs politiques ou alors sont exécutés avec des motifs politiques. En ce cas, un attentat doit être considéré comme un acte de guerre et la notion de guerre doit être élargie pour l’appliquer aux faits de notre époque. La guerre ne se résume plus à des conflits décidés par des Etats comme en 14 ou en 39.

Dans un conflit conventionnel, des armées sont déployées sur le terrain. Elles visent à conquérir ou contrôler un territoire. Avec des soldats organisés et pourvu de matériel militaire très perfectionné. Depuis le 20 siècle, un troisième corps s’est ajouté à la marine et à l’armée de terre naguère désignée comme « fantassins », puis artillerie. L’armée de l’air joue un rôle déterminant dans les conflits contemporains. Seuls les Etats en disposent.

Le terrorisme constitue un quatrième corps sans qu’on puisse parler d’armée. Le terrorisme est un acte de guerre perpétré en dehors des conventions et règles régissant les conflits classiques dont le principe repose sur l’affrontement entre des soldats alors que les civils sont considérés en dehors, mais de plus en plus souvent victimes collatérales. Une armée qui tue non intentionnellement des civils fait des victimes collatérales. Une armée qui tue intentionnellement des civils commet des crimes de guerre. En ce sens, chaque attentat terroriste qui blesse ou tue est un crime de guerre mais aussi un acte de guerre dont la terreur est un moyen et qui au bout du compte, se conçoit comme l’action d’activistes dont le terrain d’action n’est ni le sol ferme, ni la mer, ni les airs, mais l’âme, le psychisme, le monde des émotions.

Une chose est certaine, les attentats terroristes sont des actes de guerre puisqu’ils visent des objectifs politiques, le plus souvent revendiqués. En matière de conflit politique, la règle reste la diplomatie, la négociation, la démocratie. Lorsque le droit et la négociation ne parviennent pas à solutionner des conflits, la guerre émerge entre les différentes parties. Le terrorisme est une arme non conventionnelle utilisée pour mener une guerre à des fins politiques. Guerre civile contre le capital du temps des brigades rouges et action directe, guerre des Palestiniens contre un Etat considéré comme occupant, guerre indépendantiste en Irlande ou au Pays Basque.

Les attentats récents en France sont aussi commis pour des raisons politiques dans le contexte d’une guerre qui a commencé on ne sait quand. Une guerre menée par les puissances occidentales contre des pays qui eux, ne nous ont pas déclaré la guerre. L’Irak de Hussein, la Libye de Kadhafi, la Syrie de Assad. Ces conflits ont favorisé le terreau pour que l’Etat islamique prenne position en Irak et en Syrie. Puis il est devenu impossible de ne rien faire pour les Occidentaux alors la guerre contre Daech a commencé et en retour, les terroristes sont venus à Paris pour perpétrer d’atroces crimes de guerre.

Considérer les morts du 13 novembre 2015 comme des victimes de guerre donne du sens à ces décès et d’ailleurs, les commémorations et les indemnisations abondent dans ce sens. Le ministère des victimes est un prolongement du ministère des anciens combattants. Mais ces victimes n’ont pas combattu. Elles sont mortes parce que la France a décrété la guerre en Orient avec d’autres puissances occidentales. Cette interprétation a le mérite de remettre les choses en place. Le débat sur la légitimité de l’intervention est tout autre. Fallait-il imposer la démocratie, appuyer le printemps arabe en soutenant des groupuscules obscurs de l’opposition dite démocratique en Syrie. Fallait-il buter Saddam puis Kadhafi ? Le débat reste ouvert.

Un autre débat s’est ouvert. Faut-il donner de la visibilité médiatique aux terroristes ? Informer est un devoir mais de là à passer en boucle les images sordides des secours au Bataclan, des tours du WTC en feu ou du camion de Nice ne sert pas forcément l’éthique de l’information citoyenne alors qu’elle donne un impact supplémentaire au tacticiens du terrorisme qui n’en demandent pas tant. Les débats sont ouverts. La philosophie pose des questions et c’est son rôle. Les crétins ont des réponses toutes faites sans réflexion et ce n’est pas drôle !


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