Le bras d’honneur hollandais

par olivier cabanel
jeudi 28 août 2014

L’espoir aura été de courte durée, et celui qui avait su convaincre un moment une majorité de français, a cru que l’on pouvait inconsidérément trahir ceux qui lui avaient fait confiance sans la moindre conséquence.

Le nouveau gouvernement continue de se « droitiser », et il est probable que le président risque de payer cher le prix de son imposture, entraînant dans son échec celui de son parti.

Montebourg est-il en train de relancer le commerce de la savonnette ?

C’est ce que de nombreux politologues pensent à demi mot, car en glissant une savonnette sous les pieds du premier ministre, qu’il déteste cordialement, il a mis dans l’embarras François Hollande, qui a été obligé de choisir, et de se débarrasser de l’agitateur bourguignon, mais en choisissant Emmanuel Macron à sa place, il va voir le nombre des frondeurs du PS augmenter sensiblement, fragilisant encore un peu plus son pouvoir.

Pas sur que le défi lancé par Montebourg soit payant pour lui même, car il se retrouve marginalisé, privé de parole, et il est à craindre qu’il n’aura guère de supporters à la gauche du PS, ou chez les Verts d’EELV, lui qui croyait aux gaz de schiste, au nucléaire et que l’on rapprochait de Margareth Thatcher (lien) mais Arnaud Montebourg n’est pas pour autant un frondeur. lien

Cette ligne jaune qu’on lui reproche d’avoir franchi est-elle plus importante que la ligne rouge franchie par Hollande au début de l’année 2014 en reniant tous ces engagements, dont le fameux « son ennemi, le monde de la finance » ?

L’histoire bégaye donc, car elle n’est pas sans rappeler l’épisode « Mitterrand/Chevènement » épisode qui a provoqué le départ du souverainiste du PS pour divergence d’opinion, et on se souvient des conséquences que ce limogeage a eu pour le « Che » qui, à l’époque, il protestait contre la « parenthèse libérale » de Delors. lien

Hollande à répondu à la provocation par un bras d’honneur, s’enferrant un peu plus dans la défense des patrons, convaincu que c’est en aidant les entreprises que des emplois pourraient être créés, au lieu de distribuer des dividendes aux actionnaires, ce qui demande à être prouvé, d’autant qu’il n’y a dans le pacte de solidarité aucune mesure qui permette d’obliger les patrons à créer réellement des emplois.

La provocation a bien été perçue par les frondeurs, comme Marc Germain, ou Laurent Baumel,, (lien) et elle est double, car après avoir choisi Valls comme premier ministre, Hollande prend comme ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, un banquier, qui de plus est celui qui à provoqué le revirement hollandais du début de l’année, celui-ci se déclarant ouvertement « libéral socialiste », bien loin des promesses électorales encore dans les mémoires.

Mais qui est donc Emmanuel Macron ?

C’est un banquier qui a murmuré à l’oreille hollandaise les conseils que l’on sait, qui se dit socialiste depuis l’âge de 12 ans, mais à cet âge là, quelle perception peut-on avoir de « l’idéologie socialiste » ?

Résumons sa courte carrière : de mai 2012 à juin 2014, il a donc été le secrétaire général adjoint du cabinet de François Hollande, supervisant tous les grands dossiers économiques et industriels, et par ses fonctions, il était en principe « en fusion » avec Arnaud Montebourg, avec qui il partageait un « volontarisme industriel », même s’il ne partageait pas sa critique de l’austérité.

Jean-Marc Ayrault vivait assez mal l’influence de Macron avait sur Hollande, à preuve la déclaration d’un ancien de Matignon : « c’est François Hollande, tout seul avec Macron, et quelques patrons, qui en décide. Le premier ministre n’est prévenu que quelques heures avant  » et un autre affirme : « l’équilibre politique s’est rompu avec le pacte de responsabilité ». lien

Christian Eckert s’agaçait même de la prépondérance du conseiller spécial hollandais, rappelant : « il n’est pas sain que des choses aussi précises, comme la fiscalité des ménages, soient annoncées par un conseiller du président de la République, quelles que soient ses qualités  ».

Auparavant Macron s’était intéressé à la philosophie, bifurquant ensuite vers Sciences-Po, puis vers l’ENA, devenant finalement Inspecteur des finances.

Tenté par l’expérience politique, il avait tenté sans succès une carrière du coté du Pas de Calais, mais le courant ne passait pas, et il déclara avec amertume : « ils n’ont jamais considéré que je pouvais leur apporter quelque chose  ».

Lors de l’accession au pouvoir de Nicolas Sarközy, Emmanuel Macron avait refusé de se mettre au service d’Eric Woerth, par conviction politique dit-il, mais accepta tout de même d’être nommé chargé de mission au Quai d’Orsay.

Jacques Attali, à qui Sarközy avait confié l’animation d’une commission pour la croissance, le nommera rapporteur général, mais le rapport d’Attali terminant sa carrière dans un tiroir, Macron se tournera finalement en 2008 vers le monde de la finance, devenant, en septembre de la même année, directeur de la Banque Rothschild. lien

Son passage dans cette banque va lui assurer la fortune, lors d’un deal de 9 milliards d’euros, en pilotant le rachat par Nestlé d’une filiale de l’américain Pfizer.  lien

En même temps, il travaillera discrètement avec des proches de François Hollande sur ce qui allait devenir le programme économique que l’on connait aujourd’hui.

Clin d’œil de l’histoire, un autre homme politique a eu un parcours similaire, un certain Georges Pompidou, lequel fut aussi directeur général de la Banque Rothschild, avant de devenir 1er ministre de Charles De Gaulle, puis président.

Mais revenons à ce nouveau gouvernement : a peine nommé, il découvre que notre pays hérite ce mois-ci de 26 100 chômeurs supplémentaires, (lien) malgré les 50 000 radiations par mois de ceux qui, par négligence, n’ont pas fait leurs démarches administratives à temps. lien

Il va devoir compter avec les « frondeurs » dont le nombre devrait logiquement augmenter, lesquels n’ayant pas encore décidé de se positionner vis-à-vis de ce nouveau tour de vis libéral, (lien) mais il sait qu’à droite, il peut compter sur quelques soutiens.

En effet, Bernard Accoyer est prêt à voter en faveur des décisions économiques choisies par Hollande, et il n’est pas le seul.

Récemment Dominique Dord, l’ex trésorier de l’UMP a déclaré : « enfin un type à l’économie qui sait comment ça marche ! ».

Pierre Gattaz, le patron du Medef, en a rajouté une couche déclarant : « il connait l’entreprise, l’économie de marché, et la mondialisation  », et Guillaume Cairou, le président du Club des Entrepreneurs, conclut : « cette nomination (…) est de nature à rassurer ». lien

Valls s’est décidé à poser la question de confiance, comme il l’avait fait lors de sa nomination, à la demande entre autres de l’UMP et du FN, (lien) mais la situation a changé, et la grogne continuant dans les rangs des élus de la majorité, que se passerait-il si la confiance au gouvernement n’était pas votée ?

Une dissolution qui fait autant peur à gauche qu’à droite, laquelle est encore en pleine décomposition, pas vraiment prête à reprendre les rênes du pouvoir, rongée par des divisions internes, chacun se souvenant d’une précédente dissolution qui avait couté sa place à un certain Jacques Chirac.

Scénario catastrophe aussi pour Hollande, car vu sa popularité actuelle qui touche le fond, en atteignant paradoxalement des sommets, une nouvelle élection pourrait bien faire passer le PS à la 3ème position, amenant l’émergence du FN…et Sarközy finalement débarrassé peut-être de ses casseroles juridiques, pourrait reprendre la place qu’il avait perdu en 2012.

D’autres prêtent à Hollande des stratégies très machiavéliques, le soupçonnant d’avoir mis Valls à la pire place afin de discréditer celui qu’il considèrerait comme un dangereux concurrent pour 2017, au vu de sa popularité actuelle, même si elle connait un fléchissement.

Mais l’urgence n’est-elle pas ailleurs ?

Alors que les énarques bon teint sont convaincus que la solution passe par une politique de l’offre, favorisant l’entreprise, en opposition avec une politique de la demande, c'est-à-dire de la consommation, afin de faire repartir l’économie, (lien) d’autres ont compris qu’il y aurait de moins en moins de travail, ne voyant d’autre solution que le partage de celui-ci…pendant que d’autres évoquent le fameux « Revenu Universel », dans la droite ligne du chemin préconisé par Jeremy Rifkin, avec une logique de partage, sous le signe d’une 3ème révolution industrielle. lien

Beaucoup d’économistes et de politologues sont convaincus que la politique menée actuellement en France ne permettra pas de relancer la croissance, et que le pays va continuer à s’enfoncer dans la misère, et le chômage.

Les plus acerbes et impertinents affirment : « François Hollande n’a menti qu’une fois, c’était au Bourget ». lien

L’avenir nous dira s’ils ont raison.

Comme dit mon vieil ami africain : « l’œuf ne danse pas avec la pierre  ».

L’image illustrant l’article vient de « www.atlantico.fr&raquo ;

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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