Le Conseil constitutionnel au grand jour, la CGT dans le noir

par Jean-Michel Aphatie
vendredi 16 novembre 2007

Première. Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel, était l’invité de RTL, ce matin, à 7 h 50. Jamais, sur la planète Terre, sur Pluton, je n’en sais rien, un président de Conseil constitutionnel, institution créée en 1958, ne s’était exprimé sur un média au lendemain d’une de ses décisions. Depuis hier, dans les couloirs de la station, et aussi avec quelques autres journalistes qui se méfient de ces premières qui pourraient être des secondes, j’ai été informé de précédents qui, peut-être, ce n’est pas sûr, mais il me semble, je crois me souvenir quand même en 1912 ou 1922, réduiraient la portée de mon dialogue matinal avec Jean-Louis Debré. Pour clore le débat qui est au moins aussi important que la paralysie de la SNCF et que j’évoquerai dans le chapitre qui va suivre, ceci : coup de téléphone, tout à l’heure, de Robert Badinter, ancien président du même Conseil. Jamais, effectivement, m’a-t-il confirmé, un président de l’institution n’était intervenu pour commenter une décision. Lui-même, Robert Badinter, avait eu l’occasion, une fois, d’intervenir sur les ondes d’une radio que je ne nommerai pas et qui est sise pas loin de RTL, au micro d’un journaliste que je ne nommerai pas non plus et qui est le directeur de ladite station sise pas loin de RTL, mais c’était pour évoquer un problème général du droit. ’Un président du Conseil n’a pas à expliquer ses décisions, assure Robert Badinter. Il doit laisser cela au secrétaire général du Conseil.’ Le tout dit d’un ton aimable et pas fâché, car il cultive visiblement une certaine sympathie pour son lointain successeur. Personnellement, j’étais content de retrouver Jean-Louis Debré, sa bonhomie bourru et sa forme d’expression qui dit souvent le plaisir qu’il éprouve à faire, parfois, semblant de croire à ce qu’il dit.

ADN. Sur le fond, la décision est subtile. Le Conseil constitutionnel a validé les tests ADN contenus dans la loi sur l’immigration. ’Réserves sérieuses’ : le terme est dans le texte, tellement sérieuses qu’il y aura peut-être, l’année prochaine, deux tests ADN pratiqués auprès de ressortissants ADN auprès d’étrangers désireux de venir en France au nom du regroupement familial. Je dis deux, ce pourrait être zéro. Une telle perspective justifie-t-elle, a postériori, tout le zinzin déployé au Parlement ? Poser la question, c’est y répondre. En tout cas, le gouvernement est content, le député auteur de l’amendement est content, l’opposition est contente, Jean-Louis Debré est content, moi-même je suis content. Et vous ?

Grève. Ca continue, comme en 14, comme en 70, 1870 bien sûr, comme en 15, 1415, Azincourt, remarquez, on a pris une pâtée à Azincourt. Bref, ça bloque, ça grince et ce n’est pas fini. Personnellement, je suis perdu, noyé, enseveli. Récapitulons la situation. Mardi après-midi, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, demande au gouvernement d’organiser des négociations dans les entreprises publiques entre les directions concernées et les syndicats, en présence d’un représentant de l’État. Mercredi, le gouvernement accepte. Et depuis, les dirigeants de la CGT sont incapables de dire si c’est bien ou mal, les dirigeants de la CGT sont incapables de dire s’il faut suspendre ou pas la grève pendant la durée des négociations. Opacité totale, perdition absolue. Les dirigeants de la CGT ne dirigent plus rien, ils s’en remettent aux adhérents à la base. La CGT n’a plus de tête, la tête ne pense plus rien, la tête suit, la tête exécute. Drôle de drôle de situation.

Brumes. Dans cet épisode précis, je pense que la presse, le journalisme, est en dessous de tout, et en tout cas de sa mission. Que se passe-t-il, actuellement, à la CGT ? Au sommet de la CGT ? Comment une grande organisation comme celle-là, qui a une histoire, une culture du conflit, des modes de désignation qui confèrent une légitimité interne à ses dirigeants, peut-elle apparaître à ce point démunie et hésitante, incertaine et balbutiante ? Qu’est-ce qui cloche ? Entre qui et qui ? Quelles sont les lignes qui s’affrontent ? Juste une expression dans le papier publié à la une du Monde daté d’aujourd’hui : ’Après des débats internes houleux à la CGT ?’, etc. De quoi parle-t-on ? Qui a dit quoi ? D’une part, c’est vrai, la CGT est opaque et ses dirigeants peu causants sur le sujet. Me fait penser, je l’ai beaucoup suivi quand j’étais jeune, au PCF de Georges Marchais, une grosse maison brumeuse, où les mensonges et la langue de bois n’avaient pour fonction que celle de masquer les problèmes et camoufler la dévitalisation. Je me souviens même, tant que je s’y suis, d’un dirigeant de ce parti, malheureux, mal à l’aise, du coup mal dans sa peau, qui acceptait de me parler, un peu, davantage, mais je l’ai compris tard, pour tenter d’évacuer son stress que pour me donner des informations, et qui pour cela me donnait rendez-vous dans des cafétérias de supermarché de la banlieue parisienne pour être certain que ses ’camarades’ ne le verraient pas avec un journaliste de la presse bourgeoise, Le Parisien à l’époque. Cet homme-là avait la soixantaine et il vivait, dans la France de la fin des années 80 et du début des années 90, terrorisé par la logique de l’appareil politique qu’il avait contribué à forger. Inutile, après cela, de rechercher des explications très savantes au déclin du PCF et aux moins de 2 % de Marie-George Buffet. Même cause, mêmes effets ? Si ça continue comme ça, au boursicotage de la politique, je ne mettrais pas beaucoup d’euros sur l’avenir de la CGT. La base trouve la tête trop molle, l’extérieur ne comprend rien au discours de la centrale, et c’est ainsi que le bateau dérive au fil de l’eau qu’à la fin il heurte un banc de poissons scie qui lui troue la carlingue et lui fait boire la tasse.

Bon week-end et sortez couverts si vous pensez prendre le train.


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