Le désarroi de la « gauche de progrès »

par Fergus
lundi 30 mars 2015

Les résultats électoraux du scrutin départemental des 22 et 29 mars ont pris la forme d’une gifle magistrale pour le Parti Socialiste et ses alliés. Malheureusement, ces résultats sont également une calamité pour la « gauche de progrès » dans l’optique des élections de 2017...

Que le Parti Socialiste et ses proches alliés aient subi une claque monumentale dans les urnes, c’est une évidence : en un seul scrutin départemental, ce sont effet les gains de plusieurs décennies de conquête des anciens territoires de droite qui ont été effacés. La faute à une politique gouvernementale qui, sous la houlette du tandem Hollande-Valls, tourne le dos aux engagements électoraux de 2012. Et cela au mépris des électeurs, principalement de ceux qui, issus des classes populaires, ont le sentiment d’être des laissés-pour-compte, abandonnés à leurs difficultés économiques, à leurs galères sociales, à leur précarité croissante. Abandonnés à l’angoisse de lendemains qui déchantent.

Pour autant, il ne faut pas se leurrer : Hollande et Valls vont poursuivre dans la même voie, sur cette ligne politique qui ravit les financiers – ces prétendus « ennemis » dénoncés par le candidat socialiste en janvier 2012 ! –, et qui éloigne toujours plus les Français des classes populaires d’un camp politique auquel ils adhéraient naguère massivement, conquis par la vision socioéconomique de leaders altruistes. Pauvre Jaurès ! Lui et ceux qui ont soutenu son action sont aujourd’hui odieusement trahis par des lointains successeurs cyniques et opportunistes, avant tout motivés par leur propre carrière politique et le service des intérêts d’une caste composée d’élites autoproclamées et très largement consanguines.

Hollande, très probablement candidat à sa propre reconduction à la tête de l’État en 2017, est-il d’ores-et-déjà hors-jeu ? D’ores-et-déjà condamné à une piteuse élimination dès les le 1er tour de la Présidentielle ? Rien n’est moins sûr, et beaucoup dépendra de la conjoncture économique des deux prochaines années, et notamment de cette « embellie » annoncée qui pourrait, à terme, déboucher sur une baisse – fût-elle modeste – du chômage. Mais surtout, pour que le candidat du PS puisse espérer se qualifier lors du 1er tour, il lui faudra impérativement s’appuyer sur un large rassemblement des « forces de gauche ». Et c’est là que se situe le piège pour la « gauche de progrès ». Un piège qui sera mis en place dès les Régionales de l’automne.

Car il est évident que les caciques socialistes vont faire le forcing pour obtenir le plus large rassemblement possible afin de limiter les pertes de régions et, par cet exemple, démontrer que c’est résolument dans cette voie stratégique d’union autour de leur leadership qu’il convient d’aller vers 2017. Or, ce rassemblement passe par l’attitude conciliante des responsables politiques d’EELV. Avec ce parti comme allié, le PS peut en effet espérer garder le contrôle de la moitié des régions. Dans le cas contraire, il connaîtra sans nul doute une nouvelle Bérézina électorale. Dès lors, la question qui se pose est la suivante : que feront les caciques écologistes ?

Échaudés par leur expérience des Départementales où, dans la dispersion, ils se sont engagés – avec des résultats médiocres – sur des tactiques différentes, les responsables politiques d’EELV auront le choix entre trois attitudes en vue des Régionales : 1) Ils cèdent aux sirènes socialistes, moyennant quelques maroquins lors du prochain remaniement, mais s’interdisent du même coup de repartir à leur compte en 2017 sous peine d’apparaître comme d’incorrigibles girouettes. 2) Ils jouent leur propre carte, mais se coupent durablement, d’un côté, du Parti Socialiste, de l’autre, du Front de Gauche. 3) Ils refusent toute alliance avec le PS et jouent la carte de l’union des forces de progrès dès les Régionales, ce scrutin devenant de facto un laboratoire du renouvellement politique en vue de la Présidentielle de 2017.

Où se situe le piège pour la « gauche de progrès » ? Tout simplement dans la réponse qui sera apportée par EELV au PS. Si le parti écologiste s’engage dans une alliance avec les socialistes, le Front de Gauche restera marginalisé et ne pourra guère espérer, en 2017, améliorer ses scores de 2012 sur ses seules forces. Si EELV joue sa partition en solo, tout le monde à gauche sera perdant. Reste la troisième voie : une « Union des forces de progrès » regroupant le Front de Gauche (PC, PG et leurs alliés), EELV (diminué des supplétifs du PS) et Nouvelle Donne. Mais, pour réussir à convaincre les électeurs et se donner les chances de dépasser le Parti Socialiste en 2017, cette union doit se mettre en place dès cet été dans l’optique des Régionales en définissant un leadership clair et en engageant un nécessaire travail de pédagogie dans l’électorat en vue des échéances nationales.

Or là, rien n’est acquis, entre les dissensions qui perdurent au sein du Front de Gauche, et la tentation présidentielle d’une Duflot qui a compris qu’elle n’avait quasiment aucune chance de préempter le leadership d’une éventuelle union, mais n’en garde pas moins des ambitions personnelles acérées. Cela dit sans même connaître le point de vue des caciques de Nouvelle Donne. Il y a pourtant urgence à mettre sur pied une véritable force politique de gauche, unie sur des objectifs sociaux, économiques et environnementaux compatibles avec les valeurs traditionnelles du socialisme. Une force capable de damer le pion du PS et de repousser ce qu’il en reste vers sa famille naturelle : le centre-droit.

Dans de telles conditions, l’on comprend le désarroi qui prédomine chez les militants progressistes. Mais peut-être est-ce un mal pour un bien ? C’est en effet très souvent dans l’adversité que l’Homme découvre en lui-même les forces de son rebond.


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