Le FN, meilleur ennemi du PS
par Laurent Herblay
jeudi 10 décembre 2015
Déjà, dans les années 1980, François Mitterrand avait sciemment utilisé le FN pour affaiblir l’opposition de droite. Il semble que plus de 30 ans après, celui qui était son conseiller à l’Elysée ait bien retenu la leçon et l’applique consciencieusement, en vue de préparer les élections de 2017.
Billard à trois bandes politiques
Le moins que l’on puisse dire, c’est que la majorité instrumentalise le FN. Avant même le premier tour, de manière totalement incongrue pour un parti qui a la majorité à l’Assemblée, le Premier ministre avait évoqué publiquement la possibilité d’un retrait ou d’une fusion des listes socialistes dans les régions où le parti de la famille Le Pen est le plus fort. De telles déclarations contribuent à polariser le débat autour du FN, et aussi à décourager les électeurs de son propre camp, qui savaient avant même le 6 décembre qu’ils pourraient ne pas avoir de bulletin socialiste à mettre dans l’urne au second tour. Bien sûr, on peut y voir un moyen pour mobiliser son électorat, en leur faisant miroiter les conséquences de leur absence de vote, mais on peut aussi y voir une volonté de pousser les scores du FN.
En effet, le PS peut voir un intérêt à ce que le FN soit très haut. D’abord, Hollande pourrait alors affronter Marine Le Pen en 2017 au second tour, une candidate plus facile à battre que ceux de droite. Ensuite, le fort score du FN pourrait pousser les Républicains à préférer le plus droitier Nicolas Sarkozy au plus modéré Alain Juppé, sans doute plus dangereux pour le président sortant. Ensuite, les résultats de dimanche dernier pourraient bien pousser les autres partis de gauche à s’allier plus tôt avec le PS plutôt que de prendre le risque de devoir choisir entre la droite et l’extrême-droite. Enfin, en sacrifiant des régions entières, le PS parvient à la fois à polariser le débat sur le FN tout en se positionnant comme son premier opposant, un autre outil pour marginaliser les Républicains dans le débat.
La machine politique infernale
Finalement, non seulement le PS a suivi la recommendation de Terra Nova, en oubliant complètement des classes populaires déclassées économiquement et trop conservatrices culturelles, mais il semble être en voie de réussir à instrumentaliser leur malheur et leur colère, exprimés logiquement par le vote FN, en outil à gagner des élections. Déjà, au printemps, cela avait permis de limiter la casse, comme cela pourrait le faire dimanche avec des triangulaires où le PS ne part pas si mal, malgré sa troisième place. Ensuite, il utilise le FN pour affaiblir l’opposition traditonnelle, en lui déniant tout espace politique par une droitisation forcenée sur les questions économiques, qui repoussent les différences sur le plan sociétal, où le FN est un meilleur opposant que les Républicains, qui manquent d’espace.
En fait, le PS façonne notre paysage politique à son avantage en promouvant un tripartisme PS-exUMP-FN. D’abord, il complique l’émergence de toute autre alternative puisque le parti de la famille Le Pen est promu alternative officielle à l’UMPS. Et son fort rejet au second tour, encore illustré aux départementales, en fait une assurance vie pour les deux autres partis. C’est plus commode qu’une oppostion de gauche ou patriote modérée pour des socialistes. Ensuite, le PS déstabilise l’ancienne majorité, qui peine à trouver sa place dans le débat politique tel qu’il se construit aujourd’hui. Bien sûr, François Hollande joue un peu avec les allumettes, mais les résultats de dimanche seront un bon baromètre pour mesurer la pertinence de son calcul politicien. Malheureusement, il n’est pas malhabile.
Paradoxalement, même si le FN gagne une ou plusieurs régions, le PS pourrait en profiter. D’abord, cela divisera l’opposition et réduira le bilan des Républicains. Ensuite, cela poussera le reste de la gauche à l’unité. Mais quels drôles de « socialistes » que ceux qui jouent avec l’extrême-droite !