Le jeune lion Montebourg s’assagit
par Henry Moreigne
mardi 10 juin 2008
Invité samedi 6 juin de « Parlons net » l’émission de France Info, Arnaud Montebourg député et président socialiste de Saône-et-Loire a fait preuve une nouvelle fois de tous ses talents, de pédagogue et orateur. L’ex-porte-parole de la candidate Ségolène Royal, désormais axe central du mouvement des « Reconstructeurs » s’est attaché à donner de la lisibilité tant à la position des socialistes sur le projet de réforme des institutions que sur le congrès de novembre.
Arnaud Montebourg l’a rappelé, l’accord politique qu’il avait passé avec Ségolène Royal pour les élections présidentielles reposait en grande partie sur un sujet qui lui tient à cœur : l’évolution vers la VIe république. Dans la nouvelle Constitution qu’il appelle de ses vœux, les pouvoirs du président de la République seraient limités à des pouvoirs d’arbitrage, les pouvoirs de décision revenant à un Premier ministre mieux contrôlé par un Parlement renforcé.
Autant dire que pour parler de la réforme des institutions portée par Nicolas Sarkozy, le député de la Bresse est un interlocuteur privilégié. Sans langue de bois, Arnaud Montebourg a reconnu les hésitations des socialistes sur le sujet. Elles ne sont toutefois à ses yeux que le résultat d’un texte ambigu qui contient certes des avancées, mais aussi des régressions inquiétantes. Une réforme entre gris clair et gris foncé qui s’inscrit dans un contexte qui n’est pas un climat de confiance. La faute à une hyperprésidence qui se traduit par un mépris des règles constitutionnelles, une caporalisation de la justice, le piétinement du Parlement, la colonisation des médias, la non-comptabilisation du temps de parole du chef de l’Etat…
Si le PS a des raisons de voter contre (l’atteinte au droit d’amendement, le contrôle des commissions d’enquête, l’encadrement trop restreignant des conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative populaire…), Arnaud Montebourg laisse la porte ouverte en reconnaissant que, d’ici juillet, les choses peuvent s’améliorer. Le député a néanmoins prévenu que si « le gouvernement a besoin de nos voix, qu’il vienne nous chercher. Qu’il nous convainque ». Officiellement, le PS se contente de mettre la barre plus haut en relevant que le projet manque d’ambition. Les socialistes demandent des choses simples : l’égalité du temps de parole à l’Assemblée nationale, la compensation du temps de parole du président de la République, la réforme du Sénat et regrettent au passage que la question du vote des étrangers ne soit pas abordée.
Celui qui se définissait encore il y a peu comme un jeune lion face aux éléphants du PS a pris quelques poils blancs. Arnaud Montebourg est partiellement rentré dans le rang. Sur la question du cumul des mandats d’abord. Lui qui en était un farouche opposant a fini par s’y plier en prenant la présidence du Conseil général de Saône-et-Loire. Une question de survie politique après une réélection à l’Assemblée nationale acquise d’extrême justesse. Arnaud Montebourg avoue que toute personne qui ne cumule pas est vouée à être exclue du système, « pendant dix ans je me suis battu sur cette affaire, ça n’a produit aucun effet », « je reste convaincu qu’il faut faire la réforme, mais ça ne sert à rien de se l’appliquer à soit tout seul ». Constatant que le système politique est incapable de s’autoréformer, la seule solution selon lui, ce serait un référendum d’initiative populaire pour l’imposer.
Autre signe qu’avec le temps les ardeurs se sont calmées, la gouvernance du Parti socialiste. La présidentialisation du parti serait suicidaire. Le député veut se débarrasser « du venin » des présidentiables en les renvoyant à des primaires ouvertes permettant d’avoir un leadership de remise au travail et non pas un leadership de candidature. Pour arriver à ses fins, Arnaud Montebourg reconnaît qu’il a besoin des anciens « Est-ce qu’on peut faire du neuf sans le vieux ? ». D’où cette alliance hétéroclite des Reconstructeurs dont il constitue le pivot avec les fabiusiens et les strauss-khaniens. Une alliance qu’il estime majoritaire dans le parti, celle de ceux qui veulent un congrès d’orientation et non de lutte. Le congrès de la dernière chance pour le renouvellement d’un PS resté figé alors que la société évoluait.
Si les choses ne sont pas encore faites, Arnaud Montebourg reconnaît que sa préférence va à Pierre Moscovici comme candidat au poste de premier secrétaire. Nous allons en discuter prévient-il en indiquant que ce n’est ni une salle, ni la presse qui va imposer un choix. Une allusion directe aux ambitions de Martine Aubry.