Le Munich fiscal de Macron et Trump

par Laurent Herblay
vendredi 29 décembre 2017

Depuis quarante ans, le sens de l’histoire économique est clair : comme l’a dit Warren Buffet, sa classe a gagné, propulsant les inégalités à des niveaux plus vus depuis près d’un siècle, et les profits des entreprises à des niveaux qui inquiètent même les partisans les plus extrêmes du capitalisme dérégulé. Pourtant, en 2017, la France et les Etats-Unis ont décidé d’aggraver ces déséquilibres.

 

A contre-sens complet de la justice et du sens de l’histoire
 
Bien sûr, dans un monde cumulant anarchie financière et parasites fiscaux, les multinationales et les plus riches peuvent à tout moment prendre en otage les Etats et réclamer des impôts plus bas. Après tout, des manœuvres tristement légales permettent à Apple, Google, Facebook ou Microsoft de comptabiliser environ 90% de leur chiffre d’affaire réalisé en France dans des pays à la fiscalité plus limitée. Et si des scandales réguliers révèlent l’étendue de la désertion fiscale des grandes entreprises ou des plus riches, cela ne se traduit par aucune mesure véritablement concrète, et la complainte d’une fiscalité punitive continue toujours de se faire entendre de leur part, entre deux révélations.
 
Pourtant, pour qui prend un peu de recul, difficile de ne pas être pris de vertige devant l’évolution de nos fiscalités. Il y a quarante ans, le taux d’impôt sur les sociétés était de 50% des deux côtés de l’Atlantique. Le taux marginal d’imposition des revenus était de 56,8% en France et dépassait 70% aux Etats-Unis, héritage de Roosevelt. Pourtant, le pays de Nixon n’était pas vraiment communiste. Et on ne peut pas dire que ces taux d’imposition aient pénalisé la croissance des Trente Glorieuses. La grande marche en arrière de la progressivité fiscale, au contraire, a accompagné une plus grande instabilité économique, une baisse de la croissance, et une envolée des inégalités. Il y a moins à partager et l’essentiel revient toujours aux mêmes. Et aux Etats-Unis, beaucoup se sont appauvris en 40 ans.
 
Comment ne pas penser à cette phrase de Tocqueville : « Préoccupés du seul soin de faire fortune, les hommes n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous  ». Tout devrait théoriquement pousser à augmenter l’imposition des entreprises, particulièrement les grandes, en leur imposant de domicilier leurs revenus là où ils sont réalisés, et à augmenter la progressivité de l’impôt sur les revenus du travail, et du capital. Un souci élémentaire de justice devrait pousser tous les politiques modérés vers un tel agenda. Seuls des ayatollahs anti-Etat et anti-sociaux devraient défendre de nouvelles baisses des impôts pour les riches et les entreprises.
 
Mais voilà, Donald Trump et les Républicains viennent de faire passer un projet de loi réduisant de 40% l’imposition des profits des entreprises, facilitant le rapatriement des profits stockés dans les parasites fiscaux et une baisse inique de la fiscalité des étasuniens les plus riches. Après être devenus plus inégalitaires que la Russie, les Etats-Unis souhaitent-ils vraiment atteindre les niveaux d’inégalités de l’Inde ou de l’Afrique ? Et la France de Macron prend le même chemin, réduisant de 30% l’IS, de plus de 75% l’ISF, et jusqu’à près de 50% l’imposition des revenus du capital, tout en ayant l’indécence de déjà baisser certaines prestations sociales, un robin des bois à l’envers !
 
Bien sûr, les deux présidents auront beau jeu de parler de compétitivité, mais cela est aussi superficiel qu’égoîste, pour ne pas dire inhumain. Aujourd’hui, ils ne peuvent pas dire qu’ils ne sont pas prévenus. De très nombreux intellectuels, au premier rang desquels Joseph Stiglitz aux Etats-Unis, ou Thomas Piketty en France ont prévenu du caractère profondément injuste et révoltant de la situation. Même les ayatollahs du monde des affaires commencent à s’inquiéter des déséquilibres de notre monde, même s’ils applaudissent les décisions fiscales récemment prises. Ce faisant, ils continuent à céder aux plus forts de notre monde, sans se soucier des conséquences pour tous les autres.
 

 

En donnant encore plus aux Goliaths de notre monde, Trump et Macron déshabillent plus encore l’immense majorité, pourtant de plus en plus appauvrie par la marche de ce monde qui ne tourne de plus en plus que pour les plus forts économiquement. Ce faisant, ils amplifient tous nos problèmes, par facilité, conformisme et manque complet d’empathie pour ceux qu’ils dirigent.

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