Le mystère des syndicats

par NewsofMarseille
lundi 16 janvier 2012

D’Air France à Sea France, l’actualité dite « sociale » semble s’épuiser dans la question syndicale. Beaucoup de Français se posent légitimement de lourdes questions sur la légitimité, la portée et l’efficacité de l’action syndicale en France. Afin de clarifier cette question, il est indispensable d’une part de faire un retour sur l’histoire et, d’autre part, de s’interroger sur la nature du syndicalisme. Ce sont les clefs indispensables pour décrypter le mystère des syndicats.

L’intérêt d’un court récit de l’histoire syndicale en France depuis la Révolution est de comprendre l’extraordinaire émiettement et balkanisation qui expliquent, pour partie, la faiblesse actuelle du syndicalisme français.

Quand moins de 8 % de la population active est syndiquée et, en outre, émiettée entre huit grandes centrales syndicales et plusieurs dizaines de plus petites, on comprend que la violence de certaines méthodes est la conséquence d’une faiblesse structurelle. Un doberman (le syndicalisme allemand ou anglais) a-t-il besoin de mordiller les mollets afin qu’on s’aperçoive de son existence ? Un caniche oui. On ne surprendra que ceux de nos internautes qui connaissent peu ce sujet en rappelant que l’interdiction des syndicats est l’œuvre de la Révolution. Après une longue période d’une gestation difficile, une loi de 1884 consacre l’existence des syndicats. La C.G.T. est créée en 1895. Mais, dès ce Congrès de Limoges, derrière une unité factice, trois tendances se font jour :

- d’une part les réformistes,


– d’autre part la fraction révolutionnaire,
– enfin les anarcho-syndicalistes.

De 1895 à nos jours, l’histoire du syndicalisme français est, pour l’essentiel, à peu de choses près, l’histoire du déchirement idéologique profond entre ceux pour qui l’action syndicale est, strictement syndicale et ceux pour qui l’action syndicale ne prend une signification et une portée que dans l’action politique.

En 1906, la Charte d’Amiens consacre la suprématie des réformistes. Mais la révolution bolchévique de 1917 bouleverse la donne et aboutit, en 1921 et 1922 à la première scission de la C.G.T.

C’est alors la naissance de la C.G.T.U. d’obédience communiste, aujourd’hui disparue. C’est l’actuelle C.G.T. qui a pris le relais et le drapeau de ce courant. Peu avant 1936, c’est la première réunification de la C.G.T. mais elle ne résiste pas au Pacte germano-soviétique. Les syndicalistes se divisent profondément devant le gouvernement de Vichy. Certains s’illustreront dans la Résistance. Tels les Français ils seront peu nombreux. D’autres choisiront Vichy. Tels les Français ils seront plus nombreux. La plupart choisiront d’attendre le sort des armes. Tels les Français ils seront innombrables. Sous l’impulsion du général de Gaulle, et dans l’unité superficielle d’une libération aux allures de guerre civile, les syndicats, dits de tendance ouvrière, vont se réunifier. Cette alliance contre-nature entre les courants révolutionnaires et réformistes durera, évidemment, l’espace d’une rose – ou presque –.

Les grandes grèves de 1947 sont l’occasion d’une nouvelle scission. Les minoritaires de la C.G.T. créent la C.G.T. – F.O. Le tableau pour arriver à aujourd’hui doit rappeler la naissance en 1919 de la Confédération française des travailleurs chrétiens. C’est de cette branche qu’à l’issue d’un grand processus d’entrisme, l’aboutissement en sera en 1964, la création de la Confédération française démocratique du travail. Le tableau prend forme lorsqu’on ajoute la création, en 1944, de la Confédération générale des cadres devenue depuis lors, par élargissements successifs, la Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres. Le refus du recentrage de la C.F.D.T. amorcé en 1979 a conduit la fraction « écolo-révolutionnaire » à créer Solidaires, Unis, Démocratiques. (S.U.D). Enfin, l’U.N.S.A. (Union nationale des syndicats autonomes) s’est beaucoup renforcée par le départ en vagues successives de nombreux militants anti-communistes de F.O désorientés du « gauchissement » de leur syndicat qui a suivi le chemin inverse de la C.F.D.T.

Le paysage serait fort incomplet si on passait intégralement sous silence l’existence de syndicats autonomes et corporatifs. Demandez, par exemple, aux voyageurs d’Air France leur opinion sur le S.N.P.L. (Syndicat national des pilotes de ligne). Je gage que vous serez bien reçus !!! Nous n’avons pas oublié dans cette trop rapide description ni le syndicalisme enseignant, ni le syndicalisme patronal. Mais le but était, dans ce premier article, de comprendre les raisons de l’émiettement suicidaire du syndicalisme français. Les causes du reste n’en sont pas médiocres puisqu’il s’agit, dans la mouvance syndicale, d’examiner la traduction spécifique d’une maladie bien française. Les Français aiment, par-dessus tout l’idéologie, accessoirement la division. Cet attrait sans limites pour la discussion politique entraîne par raffinements successifs la création de multiples chapelles à l’intérieur d’un même ensemble. Mais comme chez les Gaulois chacun veut être chef de tribu, jusqu’au risque du ridicule, séparations et scissions se multiplient à l’infini.

Mais en quoi consistent exactement les aspects de la demande de syndicats ? Comment l’offre y répond-elle ? Quelle est la vraie nature de l’entrepreneur du bien syndical ? Dans l’article de la semaine prochaine, nous tenterons d’apporter les réponses permettant d’éclairer le mystère des syndicats.

Serge Schweitzer - News of Marseille


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