Le NPA au rythme des dissidences et des scissions

par Alan C.
vendredi 23 mars 2012

Lancé en fanfare en février 2009, le NPA a finalement totalement échoué à refonder et à rassembler la gauche radicale. D'année en année, il est peu à peu lâché par ses adhérents, ses courants unitaires et ses cadres politiques les plus importants, à tel point qu'on puisse désormais se poser la question du poids de ce parti comparativement à celui de l'ex-LCR dans le paysage politique français... Et, ce faisant, de son utilité concrète.

La nouvelle est tombé aujourd'hui-même. Pierre-François Grond, ancien cadre éminent de la direction du NPA, Myriam Martin, co-porte parole du parti qui a donné dans la foulée sa démission et Hélène Adam, une historique de la LCR, appellent à voter directement pour Jean-Luc Mélenchon alors même que le candidat soutenu par le NPA, Phillippe Poutou, a officialisé sa candidature.

Les défections, le NPA ne connaît pratiquement que ça depuis sa fondation. En février 2009, le parti construit sur les bases de l'ancienne LCR menée tambours battants par un Olivier Besnancenot au sommet de sa popularité brandit fièrement le chiffre de 9123 adhérents. Bien qu'il se défie d'accorder un quelconque intérêt à la compétition électorale, le NPA a en ligne de mire les élections européennes. Un succès électoral est toujours porteur pour un parti qui aspire à peser sur la vie politique. Désireux de se compter, le NPA refuse alors de rejoindre le Front de gauche initié par le Parti communiste et le Parti de gauche nouvellement créé par Jean-Luc Mélenchon.

Une première scission intervient alors : le 8 mars 2009, la minorité unitaire, conduite par Christian Picquet, oppositionnel historique de la LCR, quitte le NPA et fonde la Gauche unitaire (GU) qui rejoindra immédiatement le Front de gauche. Cette première scission provoque la dissolution de l'association Unir qui fédérait l'ancienne minorité unitaire de la LCR : certains de ses membres souhaitent demeurer au NPA et fondent le courant Convergences et Alternative, qui accède au statut de fraction officielle du NPA et dispose d'une tribune libre dans le journal hebdomadaire du parti. Dans un premier temps, le départ des picquetistes ne fait pas grand cas. La direction du NPA espère en effet devancer le Front de gauche lors des européennes, se fondant sur des sondages flateurs (9 % d'intentions de vote le 14 mars d'après Ipsos).

Las, "le parti d'Olivier" finit par s'effondrer dans les enquêtes d'opinion et devra se contenter d'un médiocre 4,9 %, contre 6,5 % pour le Front de gauche, et surtout aucun élu au Parlement européen. La direction minimise l'échec mais la grogne monte à la base. On dénonce des effectifs en baisse, et une certaine propension des ex-LCR à truster les têtes de liste. 4 membres du Conseil politique national (CPN) du NPA décident de tirer leur révérence.

Alors que la direction nationale du parti reprochait au Front de gauche le côté opportuniste de sa stratégie, vouée selon lui à n'être limitée qu'aux seules élections européennes, le PCF, le PG et la GU décident de reconduire leur alliance en vue des élections régionales de 2010. Les discussions patinent, et le NPA décide de consulter ses adhérents pour trancher dans un sens ou dans l'autre. Seuls 4500 d'entre eux prendront part au vote, écartelant le parti en trois tendances de poids équivalent : la direction qui prône la présentation de liste autonome moyennant quelques exceptions locales, un courant sectaire voulant couper court à toute discussion, et un courant unitaire souhaitant poursuivre les discussions avec le Front de gauche. Le NPA se présentera finalement en alliance avec le FdG dans trois régions, avec le PG dans deux des quatre régions dans lesquelle le PCF a décidé de faire alliance avec le PS, et seul partout ailleurs. Les résultats sont calimiteux. Le NPA obtient ses deux seuls conseillers régionaux dans le Limousin, à la faveur d'une liste commune avec le FdG particulièrement performante (20 % au deuxième tour).

Ce nouvel échec laisse augurer quelques complications en vue du congrès fondateur du parti, organisé du 11 au 13 février 2011. Le NPA se divise à nouveau sur les questions stratégiques. Invités à se pronocer sur 4 motions différentes, les adhérents du parti ne sont plus que 3500 à prendre part au vote, donnant 41 % des suffrages à la direction sortante encore menée par Besancenot, 32 % aux deux motions les plus sectaires, et 27 % à la motion unitaire. La synthèse acouche dans des conditions qui n'ont rien à envier aux congrès les plus houleux du PS et une nouvelle série de scissions et de départ se font jour. Le courant Convergences et Alternative décide de prendre son automine et intégère le Front de gauche en juin. Raoul-Marc Jennar, tête de liste NPA dans l'eurorégion Sud-est aux européennes et symbole de l'ouverture de la LCR à des militants venus d'horizons divers, tire sa révérence, dénonçant un parti "sectaire". Quant aux animateurs du collectif de jeunes précaires L'Appel et la pioche, ils s'en vont eux aussi et son animatrice la plus connue, Leila Chaïbi, adhère au Parti de gauche. Le NPA tend alors de plus en plus à se recroqueviller sur les fondations de l'ancienne LCR et voit ses élements unitaires partir au compte-goutte.

Arrive enfin l'épisode fatidique de l'élection présidentielle. Olivier Besancenot donne alors le coup de grâce à son parti en renonçant à se porter à nouveau candidat, faisant sauter le dernier consensus stratégique unissant la direction nationale. Refusant catégoriquement de soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon qui semble pourtant mettre tout le monde d'accord, du PCF à la FASE en passant par Les Alternatifs, le NPA décide de présenter envers et contre tous un candidat issu de ses rangs. Redoutant d'être désavoué une nouvelle fois, ce qui reste de la direction se résoud à ne pas consulter les adhérents.

C'est finalement le CPN qui procède à l'investiture du candidat. Philippe Poutou est désigné par à peine 53 % des délégués, 40 % se prononçant au contraire pour la poursuite des discussions avec le Front de gauche. Faisant fi de ce manque de légitimité, Poutou, soutenu activement par Besnancenot, Alain Krivine et les élements les plus orthodoxes de l'ex-LCR, se lance en campagne et parvient à réunir les 500 signatures nécessaires pour valider sa candidature à la fonction suprême. Entre temps, les 40 % de minoritaires du CPN se sont constitués en fraction officielle, baptisée Gauche anticapitaliste, qui tire à boulets rouges sur la campagne Poutou et appelle ce dernier à se retirer. Aucun vote n'ayant lieu entre la datte de son investiture et celle du dépôt des 500 signatures au Conseil constitutionnel, Poutou sera finalement candidat. La GA ne lâche pas l'affaire pour autant et continue à publier des tribunes appelant à ré-orienter le NPA. Bien que le courant se soit mis d'accord pour ne pas donner de consigne de vote, ses représentants les plus éminents (Pierre-François Grond, Myriam Martin et Hélène Adam) appellent publiquement à voter pour Jean-Luc Mélenchon. Martin renonce dans le même temps à son mandat de co-porte-parole.

Eternellement en crise, plombé par une guerre fratricide sans fin, le NPA se sera finalement sabordé lui-même. Scotché à 1 % d'intentions de vote, Philippe Poutou espère profiter de l'équité de temps de parole pour se refaire. Mais il ne peut malheureusement pas compter sur les dons d'orateur et la formidable aisance de Besancenot face aux caméras. Et il doit surtout faire face à un Jean-Luc Mélenchon en pleine ascenssion, qui culmine jusqu'à 13 % dans les sondages et rassemble jusqu'à 120.000 auditeurs en un seul meeting, ce qui représente un record non-seulement pour la gauche radicale, mais aussi pour tout candidat de gauche non-socialiste depuis 1981 ! Inutile et inaudible, Philippe Poutou, qui s'égare dans une campagne populiste le présentant comme le vrai gars du peuple confronté à des professionnels de la politique forcément corrompus du fait de leur statut social, ne suscitera probalement aucun enthousiasme. Son échec signera celui d'un parti, le NPA, dont le succès aura été aussi éphémère qu'anecdotique et dont l'utilité pour ceux qu'il prétend défendre commence à être sérieusement remise en question.


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