Le P.C.F. retour-vainqueur

par maltagliati
vendredi 30 mars 2012

A défaut d’être élu président, Jean-Luc Mélenchon restera plus que vraisemblablement le grand vainqueur de la présidentielle 2012. Qui eût cru au retour vainqueur du P.C.F. après trente ans de déclin… ?

Surprise
 
Personne ne voyait sérieusement Mélenchon au-dessus des 10%. Le voici qui frise les 15% et est en passe de s’emparer de la place de « troisième homme » au nez de François Bayrou, qui n’a pas su esquisser le profil d’un homme du refus, et à la barbe de Marine Le Pen, qui s’est refusée à utiliser l’arme favorite (la seule ?) de son père : le scandale. Il y a bien une grosse surprise, et je vous avoue que je n’y ai pas cru jusqu’à ce dimanche pluvieux.
 
En ratissant sur la droite de son électorat, François Sarkozy a élimé le Front National et ouvert grande la porte à une campagne de Nicolas Hollande au centre. C’est un boulevard qui s’est ainsi ouvert pour Jean-Luc Mélenchon, le boulevard de la Bastille ! La déconfiture des mini-trotskystes et la vente des verts pour quelques sièges parlementaires ont parachevé l’affaire et transformé Mélenchon en Lopposant radical au système. Passéisme franchouillard, certes, mais il faut avant tout reconnaître le phénomène, l’accepter et tenter de le comprendre.
 
Une précision d’abord : il n’y a AUCUN doute qu’au soir du premier tour M. Mélenchon invitera ses électeurs à se tourner vers le candidat de gauche. S’agirait-il d’un second tour Sarkozy – Le Pen, il n’hésiterait pas un instant à vous inviter à réélire le petit ! Là n’est pas la question.

Confirmation
 
Les élections françaises sont toujours un événement dans le cadre politique européen. Que révèlent-elles cette année ? Le retour des rouges  ? La contestation déferlante… avec à sa tête un courant à l’extrême du passéisme ? Cette mélenchonite aiguë ne révèle à mon sens rien d’autre que la grande défaite des Indignés  et autres Occupy Wall Street… Un mouvement de protestation qui, en la seule année 2011, s’est développé comme une baudruche, avec au centre rien que du vent, et s’est donc dégonflé aussitôt. La déconfiture des indignados de la Puerta del Sol à Madrid a été de ce point de vue déterminante, car ils avaient face à eux un gouvernement socialiste, ce qui ne les a pas empêchés – que du contraire – de manquer totalement leur structuration. Leur gourou Stéphane Hessel, fustigé dès le n°1 des lettres fantasques, n’a pas manqué d’appeler tout au début de la campagne à voter… Hollande ! Radical, comme manière de s’indigner de trente ans de participation au pouvoir.
 
Fausse opposition
 
Ce que la Gauche a réussi en 2011, c’est à se donner des allures d’opposition. Réussi à faire endosser les responsabilités de la crise aux riches et aux profiteurs du CAC40. Réussi à mettre la folie de ces trente dernières années (les trente dispendieuses) sur le dos des ultralibéraux et à faire passer le keynésianisme (fait d’investissements publics et de dopage de la consommation de masse) pour une doctrine honnie, alors même que nous vivons depuis 80 ans sous son inspiration.[1] Et cela malgré leur participation au pouvoir, les multiples cohabitations et la mise en place d’un système qui assure la continuité de l’État en maintenant l’apparence d’une alternative. Fallait le faire quand même !!! Mais y a-t-il plus crédule que le Français ? Apparemment non, car il vient de trouver en Mélenchon l’opposant choc ! cela aussi, il fallait le faire !
 
Tout comme l’issue – provisoire – du drame grec vient de nous montrer que les États vont vraisemblablement faire défaut les uns après les autres (à moins d’organiser un concert des États), de même l’issue prochaine des élections présidentielles françaises montre l’absence TOTALE et pour un bon moment encore d’une opposition structurée à la Crise. Or celle-ci est loin d’être close, car les Européens ne l’ont pas liquidée, mais liquéfiée… en entreprenant de combler le trou de la Dette par un Océan de liquidités. S’il ne se structure pas une Opposition, il faut bien reconnaître que les États également ne débordent pas en ce domaine… relancer la croissance reste leur dernier horizon, creuser la Dette leur unique moyen !
 
Aux tirs au but
 
Reste à voir qui va l’emporter au second tour, de François Sarkozy ou Nicolas Hollande. Mais que l’un ait à faire face à une opposition social-démocrate musclée, ou que l’autre ait à compter avec celle-ci comme une composante majeure de sa propre majorité,… le vainqueur restera le même : Mélenchon. Et que la France soit le mauvais élève de la cour du Nord-Europe ou le leader des pays du Sud-Europe… que préférez-vous au juste ?
 
Je ne crains pas l’erreur. Je la préfère même au triomphalisme qui, après les faits, vient indûment proclamer : « Je l’avais toujours dit ! ». Je m‘avance donc : quelque part, comme les choses se déroulent, il ne serait pas étonnant que Sarkozy l’emporte. Car rien (Hollande), c’est rien, mais avec deux fois rien (Sarkozy) le Français croit pouvoir faire quelque chose ! Comprenne qui pourra…
 
MALTAGLIATI


[1] Depuis un siècle (août 1914) les États sont le seul véritable moteur de la vie économique, quoique celle-ci continue à se réguler par les mécanismes de l’intérêt et la régulation de l’argent. Car dans ce système hybride, c’est l’action de l’État qui est déterminante, qui est le moteur final. Or c’est bien ce moteur qui est en panne !
 
Devant les premiers crachotements du moteur, les « libéraux » ont apporté il y a vingt ans une solution « miracle », dissoudre l’État ou du moins la plupart de ses fonctions ou « services » en sociétés commerciales soumises à la concurrence. Mais que l’État soit gestionnaire de ces services ou qu’il en devienne le simple client, quelle différence ? Ce mouvement de « libéralisation » n’a donc fait que contribuer à l’explosion du moteur. Et c’est en fonction de cela que les keynésiens viennent aujourd’hui nous dire : c’est parce qu’on a retiré cette gestion à l’État que tout va mal ! Et de nous proposer comme seul remède à un siècle d’économie centrée sur le moteur de l’État … encore plus d’État ! Or le mouvement de libéralisme exacerbé a bien permis aux États non de contrer mais de soutenir la politique keynésienne en les invitant à réaliser des actifs et à se débarrasser de faux frais inutiles et encombrants. Qu’on ne puisse plus voir d’autre remède à la crise que le remède dans le mal est bien le signe que nous traversons une crise historique que ne peuvent aborder ni la droite, qui propose de tuer le malade, ni la gauche, qui réclame l’extension de la maladie !

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