Le Parti de Gauche n’a pas encore ouvert les yeux

par Ecodemos
lundi 13 janvier 2014

18 mois après l’élection de François Hollande, le Front de Gauche est en plein marasme. Les tensions entre les 2 mastodontes du Front, le Parti de Gauche et le Parti Communiste, se sont multipliées ces derniers mois, le FdG stagne dans les sondages et Mélenchon semble avoir disparu des radars, malgré son retour de retraite sud-américaine et malgré un climat politique extrêmement chargé.

En réalité, le Front de Gauche est victime d’un délitement lié à son incapacité à voir la société telle qu’elle est et à remettre en cause certains de ses dogmes. C’est ce que nous démontrerons en 4 points.

 

Le Parti de Gauche considère toujours le PS comme un parti de Gauche et le PC comme un parti ami

La question : « Le PS est-il un parti de gauche ? » a de nombreuses fois été posé à Jean Luc Mélenchon. Bizarrement, malgré ses nombreuses diatribes acrimonieuses à l’égard de ceux qu’il appelle « les Solfériniens » sur son blog, Mélenchon répond toujours de la même manière : « le PS mène une politique de droite ». Si l’on poursuit sa lecture, on comprend rapidement que le PS est un parti fourre-tout ou il y a tout de même des gens de gauche ; que Mélenchon ne se situe pas dans l’opposition mais qu’il est en opposition à la politique du PS, et qu’il serait même prêt à gouverner le pays dans le cadre de sa ligne politique à lui.

Le parti de Gauche n’est pas dans le gouvernement comme EELV, alors pourquoi diable s’échine-t-il à avaler des couleuvres à l’instar des dirigeants d’EELV ?

Cette fois-ci, la réponse est plutôt à chercher du côté de son allié, le Parti Communiste, qui fut indispensable du fait de ses fonds et de ses réseaux militants lors de la campagne présidentielle mais qui est devenu un partenaire plus qu’encombrant aujourd’hui. Car le PC dépend des bonnes volontés du camarade socialiste dans l’obtention des strapontins parlementaires et locaux. Et le premier affront qu’a constitué la création du Front de Gauche s’est payé cash pour le PC : 9 députés de moins qu’en 2007 malgré la domination de la droite à l’époque. Le PC ne voulant pas réitérer cette Berezhina a donc été incité à montrer patte blanche au suzerain socialiste, notamment en sabordant le Front de Gauche et en détruisant Jean-Luc Mélenchon (rappelez-vous la trahison de l’alliance parisienne du PC avec le PS), qui le dit à demi-mot dans son blog et qui a enfin commencé à répliquer en suspendant la participation du PG au Parti de la Gauche Européenne suite à la reconduction de Pierre Laurent à sa tête.

On assiste d’ailleurs ici davantage à une lutte personnelle entre les deux cadors du FdG qu’à une opposition réelle entre les deux partis même s’il y a de sérieuses contradictions politiques (ex : nucléaire).

Il est clair que tant que le PG ne sera pas débarrassé du PC, il ne pourra afficher une franche opposition au PS maintenant son image dans une confusion mortifère. Le PS est considéré aujourd’hui par le peuple de gauche comme un parti de traîtres, par conséquent toute suspicion d’accointance avec le PS se paiera très cher lors des prochaines élections.

 

Le Parti de Gauche s’entête dans l’internationalisme

L’internationalisme est consubstantiel aux différentes mouvances de la gauche, qu’il s’agisse des courants marxiste ou socialiste réformiste. A l’origine, il s’agit de créer une solidarité internationale dans la classe ouvrière et d’entrer dans un second temps dans un processus révolutionnaire visant l’abolition des frontières et l’instauration d’un régime supranational dans l’intérêt du genre humain. Les mouvements internationalistes ont progressivement drainé les empreintes marxistes de leurs théories pour donner vie à des courants plus « light » tels que l’altermondialisme.

On pourrait penser que l’internationalisme a échoué. Ce n’est qu’à moitié vrai. L’internationalisme est un succès quasi-total dans sa mise en œuvre. Les états ne sont plus tout à fait souverains, une grande part de celle-ci appartient désormais à des organisations internationales telles que l’OMC pour l’édiction de normes d’échanges et de concurrence, l’OMI, l’OMS,l’IAS (pour les normes comptables) ,les regroupements supranationaux (UE…) ou encore les lobbys internationaux comme le groupe Bilderberg. Notons d’ailleurs que les négociations internationales n’auront jamais eu autant de succès dans toute l’histoire humaine que ce soit pour le climat (GIEC) , la diplomatie (ONU) ou encore la finance ( G20, UE…)

Mais en réalité cet internationalisme est un usurpateur : il a produit l’exact contraire de ce qu’il était censé promouvoir, un gouvernement ouvrier pour l’intérêt général et la fin du nationalisme et donc des guerres.

Il ne s’agit pas ici de dire qu’il y a une manipulation langagière pour agréger deux termes qui ont une signification inverse. L’internationalisme est forcément injuste, il produit nécessairement une oligarchie mondialisée, bref l’internationalisme signifie dans la réalité le Nouvel Ordre Mondial.

C’est ce que la gauche internationaliste n’a pas compris, elle croit qu’elle pourra changer les peuples, les pays, le monde entier, seulement parce qu’elle est arrivée au pouvoir dans un pays donné.

La solidarité internationale des ouvriers ne peut se produire car ceux-ci sont en concurrence dans le cadre de la mondialisation, car il est plus difficile que les représentants nationaux se mettent d’accord pour décider de règles justes au niveau international que l’inverse et ceci à cause de la nécessité de l’unanimité, de l’infiltration de lobbys puissants et riches ou encore de la corruption.

L’aveuglement internationaliste a laissé se produire le pillage de l’Afrique, les délocalisations, la libre circulation des capitaux et l’explosion des inégalités, ces deux dernières causes expliquent en grande partie la crise financière de 2008.

Sans le savoir, le parti de Gauche scie la branche sur laquelle il est posé et se et se complait dans une impuissance volontaire en refusant de rendre sa souveraineté à la France.

 

Le Parti de Gauche veut changer l’Europe

Dans la droite ligne de l’internationalisme, le Front de Gauche espère encore construire une Europe sociale sur le modèle français égalitariste en instaurant un SMIC européen, une solidarité budgétaire entre les Etats ou encore des « mécanismes d’harmonisation des politiques fiscales », des services publiques « à l’échelle continentale » (Point 7 du programme l’Humain d’abord), ou encore une renégociation de l’espace Schengen au profit de politiques nouvelles de codéveloppement.

Comment le Front de Gauche souhaite-t-il s’y prendre ? Réponse : en renégociant les traités européens : le traité de Lisbonne (la fameuse constitution de 2005 refusée par les Français mais passée en douce par le parlement en 2008), le Pacte pour l’Euro+ (accord de compétitivité signé en 2011 à l’initiative de Merkel et Sarkozy) ou encore le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) qui mené à la mise en place de la « règle d’or » ainsi que de l’obligation de baisse de la dette publique d’un vingtième par an.

Seulement, le Front de Gauche oublie de préciser que les modifications des traités se décident de 3 manières visant empêcher toute modification :

- la procédure ordinaire qui est une vrai usine à gaz : un gouvernement peut soumettre une proposition de modification qui passe d’abord par le conseil européen qui décide à la majorité simple si la proposition est pertinente, puis sous les fourches caudines d’une Convention européenne composé de membres du parlement européens, nationaux, chefs d’états mais aussi…de la Commission européenne qui publie une recommandation à une conférence des représentants des gouvernements qui décident d’ « un commun accord » des modifications à apporter. http://europa.eu/legislation_summaries/glossary/intergovernmental_conference_fr.htm

- la procédure simplifiée : dans ce cas, il suffit juste de convoquer le conseil européen qui décide…à l’unanimité. Le Front de Gauche parviendra-t-il à mettre 27 pays d’accord sur la nécessité de modifier le statut de la BCE ? On peut toujours rêver cela dit, l’utopie est nécessaire à l’action politique.

Passons enfin sur la 3ème procédure, la « clause passerelle » qui peut être utilisé dans lorsque l’acte ne conduit pas à une modification formelle du traité.

Enfin, croire un changement possible de l’Union européenne est un signe profond de naïveté par rapport la nature même de l’institution. Il faudrait alors passer sur les circonstances troubles de sa naissance sous l’égide de l’ACUE (American Committee for United Europe), oublier le rôle prépondérant des lobbies (entre 15 et 20000 personnes dont les 2/3 pour les entreprises et seulement 10% pour la société civile)

et le recours systématique à des agences d’experts issus des multinationales, le pantouflage dans les instances européennes, l’émergence d’une classe politique hors-sol composé de parlementaires européens profitant des primes journalières sans assister aux sessions du parlement qui vote à 97% dans le même sens pour 64% d’entre eux (PSE et PP qui équivalent à l’UMP et au PS), de l’absence plus ou moins volontaire de la plupart des médias dans cette zone ou se prend 80% des décisions concernant ses pays membres

Comment le Front de Gauche compte-t-il s’y prendre pour détruire cette zone grise intrinsèque à l’Union européenne coupé de tout contrôle démocratique ?

 

Le Parti de Gauche demeure sectaire

Nous l’avons vu précédemment, le PG a du mal à se départir totalement du PS. En revanche, comme d’autres partis de gauche ont souvent cette tendance à la condescendance envers les partis qui sont placés selon eux à droite. En premier lieu, il y a eu son obsession dans le combat contre le Front National qui a malheureusement trop donné l’impression de diaboliser (la rhétorique des « fascistes ») les électeurs du Front National. Cela a été très dommageable pour le PG et le FdG de manière général car les électeurs du Front national sont justement ceux qui pourraient voter Front de Gauche car ils partagent cette détestation de l’émasculation de notre souveraineté ou encore des effets de la mondialisation sur notre pays.

Il y a enfin cette attitude dédaigneuse du PG En témoigne cette vidéo, ou fait rarissime, un responsable du Parti de Gauche (Eric Coquerel) rencontre Nicolas Dupont-Aignan dans le cadre d’une projection-débat organisé par Politis. Dans cette vidéo NDA tend deux perches à Coquerel : à la vingtième minute lorsqu’il lui propose une union des patriotes républicains que Coquerel refuse, car engoncé dans son dogme de l’internationalisme et dans le mantra « changer l’Europe ». Il met une nouvelle fois le PG face à ses responsabilités lorsqu’il déclare : « vous laissez le monopole de la défense des Français au Front National ». Coquerel démontre encore une fois que l’immigration est un sujet tabou et que la moindre critique de celle-ci assigne son émetteur au front national et à une idéologie raciste. Cela est dommage car en refusant d’affronter le sujet et d’admettre que l’immigration sert aujourd’hui le capital, le Parti de Gauche se coupe totalement du monde ouvrier qui comprend qu’il y a ici un problème. En réalité, sur ces sujets (Europe, souveraineté et immigration), le Parti de Gauche refuse d’aller au bout de son raisonnement et par la même la cohérence ; et tout cela au nom de son vieux dogme internationaliste. Et ceci nous ramène au premier point de cet article.


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