Le Pen à Argenteuil

par Johan Livernette
mardi 10 avril 2007

En se rendant à Argenteuil à moins de trois semaines du premier tour, le candidat du Front national a frappé un grand coup dans l’esprit des Français.

On le dit au bout du rouleau et usé. Même ici sur AgoraVox mais surtout chez ses adversaires politiques à court d’arguments. Un peu comme Jospin avait traité Chirac il y a cinq ans en fait. Celui-ci doit d’ailleurs s’en mordre les doigts encore aujourd’hui. On le dit fasciste et intrinsèquement raciste en raison de ses dérapages passés sauf qu’aujourd’hui, ses principaux concurrents lorgnent sur sa ligne éditoriale pour grappiller des voix. Pour grappiller lamentablement ses voix. Les mêmes qui lui ont craché à la gueule pour se maintenir au pouvoir durant des décennies. Et sans être de son bord, force est de reconnaître que les propos d’un De Villiers ou d’un Sarkozy sont en toute objectivité bien plus durs voire racistes que les siens.

Comme une partie des candidats, Jean-Marie Le Pen est allé en banlieue. Et comme une partie des candidats, il y est allé pour y draguer l’électorat sur place. Sauf que Jean-Marie Le Pen n’est pas un candidat comme les autres probablement par rapport à sa diabolisation médiatique durant maintenant depuis 30 ans et qui est due à ses peu glorieux dérapages incontrôlés autant qu’à son parcours atypique. On pardonnera aisément à Frèche et Grosdidier mais pas à Le Pen, allez savoir pourquoi ? Parce qu’il ne fait pas partie du même appareil politique, voilà la principale raison.

A son arrivée à Argenteuil, le boss du FN s’adressait avec enthousiasme aux Franciliens d’Argenteuil : « Vous êtes tous des Français à part entière. Si certains veulent vous kärchériser pour vous exclure, nous, nous voulons vous aider à sortir de ces ghettos de banlieue où les politiciens français vous ont parqués pour mieux vous traiter de racaille par la suite » déclarait-il.

Le fait que le boss du FN soit accueilli dans un calme relatif par les habitants des lieux précisément là où Nicolas Sarkozy avait asséné son historique phrasé mélangeant « Kärcher et racaille » m’incite grandement à la réflexion.

En effet, une chose est aujourd’hui incontestable. Contrairement à ce que disait Frantz-Olivier Giesbert récemment, dans les quartiers populaires tout du moins, ce qui est déjà beaucoup, Le Pen n’est pas le « facho » et Sarkozy un républicain. C’est plutôt l’inverse en fait. Il y a comme un décalage sur le sujet. Décalage entre ce que pensent bon nombre de journalistes télé et le point de vue du peuple plutôt « France d’en bas » en quelque sorte. Un peu le même décalage que l’on constate dans les sondages, d’où la surprise de 2002 qui n’en serait pas une cette fois-ci. La vraie surprise serait pour moi la présence de Bayrou au second tour car, pour rappel, celui-ci ne pesait que 7% il y a cinq ans. C’est un point de vue perso qui n’engage que moi.

Pour revenir à Le Pen, pourquoi a-t-il frappé un grand coup à Argenteuil ? Parce qu’il est venu prouver au pouvoir médiatico-politique made in UMPS ainsi qu’à la France entière que lui pouvait se rendre dans ces soi-disant quartiers de non-droit alors que le candidat du système s’était fait lyncher exactement au même endroit et que d’autres n’osent même pas y aller. Lui l’ennemi du peuple métissé, lui l’horrible fasciste est accueilli avec respect, très peu d’hostilité et pour certains à bras ouverts par des Arabes et Noirs des quartiers populaires. Incroyable il y a encore deux ans en arrière. C’est certainement ce qui fait le plus peur aujourd’hui aux tenants du pouvoir en France (UMP, PS, grande finance, médias nationaux). Ceux qui ont toujours su manipuler la clientèle électorale des lieux à grands coups d’antiracisme pour mieux la trahir prennent aujourd’hui cette réalité en pleine gueule. Et ce n’est pas une ou deux interviews orientées de jeunes électeurs socialistes qui changeront quoi que ce soit à ce constat.

Il y avait eu le précédent La Rumeur qui préférait dans ses textes la franchise de Le Pen à l’hypocrisie des autres partis. Et puis l’importantissime main tendue de Dieudonné et dernièrement le rappeur Rost qui disait les jeunes des quartiers populaires prêts à voter Le Pen pour faire la révolution derrière. Depuis, pris de trouille, les chaînes de télé ne cessent de l’inviter pour qu’il corrige le tir. Le jeune homme a alors nuancé en précisant qu’au premier tour, il ne fallait pas voter pour lui. C’est le prix à payer lorsqu’on veut exister médiatiquement. La subversion a un coût énorme débouchant le plus souvent sur le boycott voire la diabolisation. Demandez à Alain Soral, Dieudonné ou Marc-Edouard Nabe ce qu’ils en pensent. Mieux vaut être un électeur correct ou un penseur correct pour passer à la télé.

S’attaquer de manière frontale au pouvoir en place comporte de grands risques. Le candidat du FN en sait quelque chose. La diabolisation qui s’en suit est tellement manipulatrice qu’elle culpabilise l’électeur quand ce ne sont pas carrément les journalistes politiques qui le font. Malgré cela, Jean-Marie Le Pen fut présent au second tour en 2002. La situation s’aggravant en France, l’histoire pourrait très bien se répéter. A suivre...

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