Le Pen / Macron : l’impasse peut-elle se répéter ?
par Laurent Herblay
samedi 16 février 2019
Il y a quelques mois encore, Marine Le Pen ne s’était pas encore remise de son calamiteux débat d’entre deux tours et avait été éclipsé par Mélenchon comme première figure de l’opposition. Macron, lui, avait quitté sa bulle et était en pleine descente aux enfers sondagiers. Las, aujourd’hui, un sondage de Marianne révèle que les deux augmenteraient leur score au premier tour…
Résignation temporaire
Les chiffres sont tout bonnement stupéfiants : près de 30% des suffrages exprimés pour Macron (27% si le vote blanc était, enfin, reconnu) contre 27% des suffrages exprimés exprimés pour Marine Le Pen (24,5% des suffrages en comptant les votes blancs). Ceux qui étaient au trente-sixième dessous gagnent dans cette enquête plus de 5 points par rapport à 2017 à même type de décompte, et parviennent à en gagner plus de 3 en prenant en compte les votes blancs ! Dans le même temps, Mélenchon s’effondre, passant de 19,6% à 11/12%, mais moins que Wauquiez qui retrouve à peine 40% des votes de Fillon, à 7 ou 8%. Le PS recule encore, son premier secrétaire étant donné à 2,5 ou 3%.
En clair, Le Pen et Macron font le vide dans les sondages, passant de 45 à 57% des suffrages exprimés, et même 51,5% des suffrages avec reconnaissance du vote blanc. Tous les autres sont loin derrière alors que l’élection de 2017 avait été très serrée, avec quatre possibles finalistes. La situation est d’autant plus paradoxale que les deux larges favoris des sondages sont des rescapés. Le Pen bat des records malgré le passif de 2017 et sans avoir fait grand chose depuis, au point d’être donnée à 35% contre 45% au second tour (soit plus de 43% des suffrages exprimés). Et Macron, après avoir battu des records de défiance en fin d’année, est dans une bonne position pour un second mandat !
Mais la situation est plus complexe que cela. En effet, même s’ils sont en progrès, c’est probablement plus le fait de la faiblesse des oppositions, entre un Mélenchon qui s’est déconsidéré, un Wauquiez auquel Macron ne laisse aucun espace en poursuivant sa droitisant sur les sujets sécuritaires, et un PS proche de l’agonie. Bref, il ne faut pas sur-estimer la force des deux finalistes de 2017. D’ailleurs, un indice le montre : la part extravagante de vote blanc, 9% annoncé au premier tour, contre 1,78% en 2017, et pas moins de 19% au second tour contre déjà 8,5% en 2017. Bref, si Macron serait réélu dans ces circonstances, ce serait avec bien moins que 50% des suffrages, un choix par défaut.
En clair, il n’y a pas davantage d’adhésion aux deux finalistes d’il y a deux ans, mais bien plus une telle désillusion généralisée qu’ils coagulent l’électorat qui veut s’exprimer, Macron agrégeant le mieux les soutiens du système actuel, et Le Pen ceux qui le dénoncent, sans véritable enthousiasme, puisque près de 20% des Français déclarent qu’ils voteraient blanc, sans compter les abstentionnistes, ce qui signifie que ce remake de 2017, s’il semble s’imposer aujourd’hui, pourrait voir une majorité relative de Français préférer ne pas choisir entre le champion du système et son opposante préférée ! Au final, ce sondage, c’est un signe de plus de la grande désillusion politique des Français.
Au final, on peut trouver un motif d’espoir dans ce sondage. En effet, le succès de Macron et Le Pen est très relatif, et doit plus à l’évaporation du reste du paysage politique, mais ces bons chiffres ne sont qu’un château de cartes qui pourrait être balayé par l’envie de changement des Français. Car la principale conclusion, c’est cela : ils ne sont que des pis-aller, en attendant autre chose.