Le populisme cette année, c’est très tendance

par Clark Kent
jeudi 3 janvier 2019

 

Depuis 2016, les commentateurs politiques ont découvert un nouvel habit pour présenter tous les phénomènes qu’ils ne savent pas expliquer, même s’ils n’ont rien à voir les uns avec les autres. Le vote du Brexit en Grande-Bretagne, l’élection de Trump aux Etats-Unis et la montée des partis séparatistes et nationalistes en Europe ou ailleurs, tout ça c’est du populisme. On va vous mettre aussi dans votre panier un peu de « gilets jaunes et des manifs au Brésil, au Venezuela, au Mexique et aux Philippines. Enveloppez, c’est pesé, il vous fallait autre chose, Madame ?

Tous comme Macron lui-même, le populisme ne serait "ni de gauche ni de droite", ni progressiste ni conservateur mais simplement « anti-système », c’est-à-dire faisant valoir des exigences légitimes que le système en place est dans l’incapacité de fournir, de prendre en compte, ou même tout simplement de comprendre.

 

Sous le terme « populistes » on met aujourd’hui dans le même sac tous ceux qui résistent au statu quo, à la domination d'élites, à une caste de voyous installés aux manettes et qui gèrent leurs affaires sans prendre la peine de rendre des comptes au grand public auquel ils pensent ne rien devoir si ce n’est leur position qu’ils gèrent comme un produit de grande distribution.

Comme c’est le cas pour de nombreux concepts à la mode comme « mondialisation », « néo-libéralisme », « transition énergétique », le succès du mot « populisme » vient des Etats-Unis où les éditorialistes vedettes ont assuré le lancement de ce tube médiatique, en référence à leur propre histoire qu’ils connaissent mal. Les populistes américains du XIXe siècle ont bien existé, mais ils n’étaient ni démagogues ni antisystèmes. Ils étaient agriculteurs, artisans et l’entreprise privée était leur credo. Leur idéal était de posséder leur propre entreprise et non d’être salariés. Les populistes américains se sont battus pour que les entreprises privées restent réparties entre de nombreux petits producteurs indépendants, comme c'était encore le cas à l'époque, et pour résister à l'émergence de monopoles dominants qui menaçaient leur sécurité économique.

Aujourd'hui, dans les principaux médias américains, cette histoire est ignorée et le mot « populisme » est généralement un gros mot, presque une insulte. Les médias, comme le président de la république en France, décrivent les populistes comme une « foule haineuse », des gens mécontents en colère agissant par émotion et non par raison, victimes de manipulateurs qui jouent de leurs peurs plutôt que de leurs espoirs, sur leur insécurité économique et sociale pour faire des « responsables » élus des boucs émissaires.

Pourtant, il existe bien un point commun entre tous les mouvements sociaux ou gouvernements qualifiés de « populismes » par les journaleux asservis : ils se considèrent comme des laissés pour compte ou ne savent pas comment intégrer une partie de plus en plus importante de la population dans une économie qui n’a plus besoin d’eux.

L'automatisation et la robotique s’installent dans la plupart des secteurs économiques, et en particulier dans les secteurs déjà victimes du dumping social produit par les traités commerciaux internationaux ou l’ouverture des marchés qui traitent l'emploi humain comme une marchandise ayant de moins en moins de valeur.

Le problème pour « l'élite » est de savoir quoi faire de tous ceux qui restent sur le carreau, et qui pourraient finir par constituer la majeure partie de la population. Or, pour éviter un effondrement économique, quel que soit le système concerné, une population consommatrice nombreuse doit être maintenue en activité, même si elle ne contribue plus de manière significative à la production de biens et de services. Pour échapper au chaos, il va bien falloir que la richesse soit partagée d'une manière ou d'une autre. La principale option actuellement en vogue semble être une forme de revenu universel de base, assorti d'aides diverses.

Une telle réponse à la question se traduirait par l’apparition d’une vaste catégorie de consommateurs atomisés dépendants, redevables à l'autorité centrale qui dispenserait ses largesses dans un système circulaire stérile et médiocre, sans perspectives et sans ambition. Mais cela permettrait à un petit nombre de personnes de conserver l'essentiel de la richesse et du pouvoir dont ils disposent déjà.

Est-ce être « populiste » que d’exiger une justice sociale et une démocratie véritable allant de pair avec un contrôle des ressources productives ? Cette perspective semble de plus en plus éloignée, et quoi qu’en pensent les penseurs du « nouveau monde », la disparition des écrans radars des grandes familles politiques et organisations professionnelles n’est pas une bonne nouvelle.


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