Le président sans peuple

par Sébastien Ticavet
lundi 6 avril 2009

On le sait, le pouvoir isole. Même les plus grands n’ont pu échapper à cette réalité consubstantielle à l’exercice de la fonction suprême.

Mais chez Nicolas Sarkozy, les événements des derniers jours nous montrent que nous sommes désormais un cran plus loin. Le président n’est pas simplement isolé. Il est sans peuple.
Au point qu’on peut remarquer qu’il est le premier "président virtuel", président qui agit en circuit fermé, sans le peuple, sans le voir, sans lui demander son avis, sans écouter ce qu’il dit, sans se soucier des conséquences sur lui de ses décisions.

Le récent déplacement du chef de l’Etat à Châtellerault a permis de se rendre compte physiquement de cette présidence virtuelle. Nicolas Sarkozy circulait dans une ville littéralement déserte, vidée de ses habitants, dont le peuple avait été remplacé par des militants UMP amenés en car dans une salle de réunion.
Châtellerault ressemblait ce jour-là aux villes de banlieue américaines désaffectées dans lesquelles l’armée testait en vue d’Hiroshima les effets grandeur nature de l’arme atomique, les figurants de l’UMP prenant la place des mannequins de cire...

Même chose quelques jours plus tôt à Saint-Quentin. Dès 6 heures du matin, la ville était bouclée, et comme à Châtellerault, Nicolas Sarkozy a fait une visite présidentielle virtuelle, se déplaçant dans des rues désertes, alors que la population était contenue de façon assez musclée au-delà d’un cordon de sécurité suffisamment éloigné pour permettre au président d’avoir le champ de vision totalement dégagé.


Pour l’avenir, pour lui épargner des transports inutiles, nous conseillons au président de se faire construire une ville-type de province en carton pâte dans les jardins de l’Elysée, qui pourra lui servir de lieu de "sortie sur le terrain".
Ou mieux, s’il parvient à se payer les services d’un studio suffisamment qualifié, Nicolas Sarkozy pourrait évoluer dans une ville totalement virtuelle, ce qui lui permettrait de le faire depuis son bureau, en l’agrémentant d’un fond bleu comparable à celui qu’utilise tous les soirs Evelyne Dhéliat pour présenter la météo sur TF1. Ville de province virtuelle pour président virtuel, voilà qui collerait bien. 

Mais le président sans peuple, ce ne sont pas simplement ces déplacements dans des villes vidées de leurs habitants. C’est d’abord un mode de fonctionnement, que ces visites illustrent à merveille.

Ce qui caractérise le président sans peuple, c’est qu’on ne sait plus très bien finalement ce qu’il préside.

Le président sans peuple, c’est celui qui a annoncé qu’il ne ferait aucun référendum pendant les cinq ans de son mandat et qui refuse la proportionnelle aux élections législatives.
Le président sans peuple, c’est celui qui, en février 2008, fit passer en force, et en catimini, la Constitution européenne rebaptisée Traité de Lisbonne, alors qu’elle avait été massivement rejetée par les suffrages populaires le 29 mai 2005.
Le président sans peuple, c’est celui qui décide unilatéralement de pousser la France dans le commandement intégré de l’OTAN, soumettant un peu plus notre politique étrangère aux desiderata de Washington.
Le président sans peuple, c’est celui qui prétend qu’on ne se rend plus compte qu’il y a des grèves en France.
Le président sans peuple, c’est celui qui a géré avec une légèreté indigne et un mépris incroyable les mouvements sociaux massifs qui ont agité la France d’outre-mer pendant plus d’un mois.
Le président sans peuple, c’est celui qui continue le bling bling et les vacances chez des milliardaires sulfureux alors que son pays traverse une crise économique et sociale d’une brutalité inouïe.

C’est tout cela le président sans peuple.
C’est un président qui ne gouverne plus un pays et son peuple, mais qui gère des tableaux statistiques, qui sans cesse se cherche des maîtres ailleurs, à Bruxelles, à Berlin ou Washington, sans s’intéresser aux attentes de la population dont il est censé défendre les intérêts.

Le cadre d’exercice de ses prérogatives est un circuit fermé constitué de quelques privilégiés souvent fortunés, et déconnecté comme jamais des réalités populaires.

Finalement, le Châtelleraudais prié de quitter un centre-ville bunkerisé le jour du déplacement du président et l’électeur floué par un Système qui décide sans lui, voire contre lui, ne sont qu’une seule et même personne. Cette personne appartient à un peuple dont le président a décidé qu’il ferait sans, et auquel il ne réserve que les artifices de sa propagande.

Le Vrai Débat


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