Le professeur Royal veut remettre debout la Maison France

par Henry Moreigne
mardi 20 février 2007

Mission accomplie. Ségolène Royal a passé avec succès, sans un faux pas, son grand oral, lundi 19 février à 20h50 sur TF1. La candidate très à l’aise tout au long de l’émission face au panel de Français sélectionné par TNS-Sofres pour l’émission « J’ai une question à vous poser » s’est déclarée « prête, sereine et solide ».

Soulagement et déception. Les partisans de Ségolène Royal ont éteint leur TV avec soulagement hier soir. A défaut d’avoir crucifié ses adversaires, Nicolas Sarkozy et François Bayrou, le leader de la gauche ne s’est pas pris les pieds dans le tapis comme on l’espérait du côté de l’UMP. Non, la madone n’est pas morte, et la méfiance, à droite, à l’égard de cet ovni de la politique, doit rester intacte.

Un homme contre une femme. La gauche contre la droite. Deux styles que tout oppose. A l’inverse d’un Nicolas Sarkozy percutant et directif, Ségolène Royal a usé voire abusé d’un style compassionnel et personnel. Multipliant tout au long de l’émission les "Je", la candidate est restée fidèle à elle-même. Pas de feuille de route déclamée à la virgule et au chiffre près, mais un volontarisme omniprésent allié à une réelle capacité d’empathie qui a atteint son apogée avec la question soulevée par un handicapé présent sur le plateau. Il existe bien une marque de fabrique "Royal".

Au-delà des généralités qui ne la troublent pas, Ségolène Royal a cette capacité rare pour un politique d’arriver à libérer les émotions de son auditoire. Une qualité qui lui permet d’humaniser une fonction, la présidence de la République, considérée à juste titre comme ne pouvant être occupée que par de grands squales de la politique, des killers.

Très professorale, la présidente de la région Poitou-Charentes n’hésite pas à rabâcher les termes et les idées comme pour mieux les faire pénétrer, dans un style oratoire dénudé très éloigné des envolées lyriques des orateurs classiques. Si vous ne le saviez pas, son programme, c’est son pacte et ses cent mesures.

Ses adversaires ont beau jeu de déclarer que Mme Royal excelle dans les incantations,"je veux", "je ferai", la candidate a la qualité de ses défauts. Un style direct, aisément compréhensible. Simple pour les uns, simpliste pour les autres. Une méthode qui pour fonctionner nécessite toutefois une confiance préalable. Parce qu’après tout, ce que demande Ségolène royal, c’est une sorte de blanc-seing. L’expérience, les qualités pour assurer le pouvoir, elle a rappelé qu’elle les avait. Celle qui se déclare porter les valeurs de la gauche, veut dans le même temps être moderne et réaliste, réconcilier la France et ses entreprises, réhabiliter l’esprit d’entreprise. Elle n’hésite pas à appeler de ses voeux une société de la responsabilité et pas de l’assistanat. En clair, du blairisme.

Bien débutée, l’émission s’est toutefois terminée sur un signal inquiétant. Le populisme et la "lepenisation" ambiants de la société ont été à plusieurs reprises exprimés sans détour par des participants et, semble-t-il, approuvés par l’auditoire. Une défiance très marquée à l’égard de la classe politique dans le registre du "tous pourris" tout d’abord, mais aussi, une nouvelle fois, l’immigration et les immigrés considérés comme responsables de tous les maux. Des clichés contre lesquels la candidate s’est trouvée bien démunie et quelque peu déstabilisée, sauf à prôner une présidence humble.

La question de l’immigration, n’en déplaise à la gauche, comme le fut celle de la sécurité en 2002, sera bien au cœur de la présidentielle de 2007. Avec ou sans Jean-Marie Le Pen.


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