Le PS a la possibilité de redynamiser la vie politique en scissionnant

par ddacoudre
lundi 21 janvier 2008

Rocard pose une question simple : il demande au PS s’il veut être un parti politique porteur d’un projet de société (la sienne s’entend) ou s’il veut demeurer une écurie présidentielle.

Dans le second cas, il fera du « sarkosysme », c’est-à-dire il surfera durant les quatre années qui le sépare de 2012 sur les vagues porteuses de thématiques qui conditionnent le raisonnement des citoyens et qu’ils reformulent dans leur quotidien et dans les instances où ils participent et que les politiques reprennent dans leurs programmes, bref vous ferez du populisme, et vous musèlerez toutes expressions divergentes trouvant le débat d’idées et la revendication idéologique dépassés.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je pense qu’une scission du PS serait un électrochoc salutaire à la vie politique française qui s’est installée dans la sclérose de l’unicité qui l’emporte tout droit vers le totalitarisme « entreprenarial », c’est-à-dire la société d’entreprise.

L’action de Bayrou qui va dans ce sens n’est pas de nature à représenter une force politique puissante avant longtemps, malgré son bon résultat à la présidentielle. Pourtant ce qui sépare les sociaux démocrates du PS des centristes du Modem n’est pas fondamental au point de ne pouvoir fusionner. Le socialisme se caractérisait par la lutte contre le capitalisme, ce qui à moins d’être un nihiliste n’est plus la caractéristique du PS aujourd’hui, et qui en est sa source de dissension.

Il ne s’agit pas de dénigrer les actions de ceux qui l’ont représenté dans les fonctions gouvernementales, car la nécessité de donner des repères nominatifs ne rend pas responsable les susnommés des échecs ou des succès dont on les accable ou les honore, et dont ils sont indéniablement des acteurs, mais pas des acteurs tout-puissants sur le déroulement de l’existence comme l’espéreraient tous ceux qui les élisent, se montrant en cela plus totalitaristes que démocrates, ce qui permet au passage de comprendre pourquoi les organisations très autoritaristes reçoivent tant d’échos.

Ainsi Bayrou ne serait plus seul pour entreprendre une rénovation de la politique de la loi du marché puisque c’est la même prétention que partagent les « sociaux démocrates » du PS.

Quant aux autres, il leur resterait à refondre la gauche composite et innover pour redonner la démocratie au citoyen pour faire court.

Car justement le caractère présidentiel qui s’affirme et se consolide comme irréversible nous sortira de la démocratie puisque sa référence d’organisation sociétale devient l’entreprise, et que l’entreprise n’est pas une organisation démocratique (nous l’avons vu avec la notation des ministres et secrétaire d’Etat, je pense même qu’ils devraient désigner des représentants du personnel puisqu’ils sont plus de dix).

Tout le monde peut comprendre que nous ne pouvons tout à la fois vivre durant la plus grande partie du temps dans une organisation totalitaire faite de rationalité comptable et de rythme mécanique sans que les hommes n’en soient influencés dans leurs comportements, dans leurs raisonnements et psychologiquement.

Cette situation n’est une nouveauté puisque nous vivons sous le joug du fait du prince depuis 1805. Sauf qu’avec l’avènement de l’idéologie socialiste, c’est-à-dire en opposition au libéralisme capitalistique, s’est développée l’espérance d’une autre existence.

En l’espèce, il ne s’agit pas de discuter de ses nuances politiques, dont on n’oublie pas les formes totalitaires qu’elle a revêtues, mais de dire qu’il existait une autre manière de penser l’existence et, de fait, une opposition à l’influence du totalitarisme entreprenariale.

La transformation du capitalisme qui s’est opérée depuis la fin des Trente Glorieuses n’est qu’un lifting de façade lié au développement des nouvelles technologies, tandis que ses fondements demeurent les mêmes et se sont accrus et même démocratisés dans une partie de la population par la fructification du capital de rente, jusqu’à celui salarial.

Or, le Parti socialiste, en reconnaissant la loi du marché dans le droit fil du déroulement de la victoire du capitalisme, a coupé la population socialiste de référence politique idéologique (conséquence des modifications des structures sociologiques, tertiarisation).

Le vote des alternances en est la plus claire illustration, comme certains commentaires sur Agoravox qui qualifient le PS de socialiste et parfois même de gauchiste, de quoi se tordre de rire.

La chute du mur de Berlin, qui a précédé l’effondrement du totalitarisme communiste, a laissé un vide idéologique que n’a pas pu remplir le PS passé dans la loi du marché (la question intéressante est de savoir où sont passés les votes communistes, puisque l’on ne les retrouve pas dans les partis dits d’extrême gauche).

Nous savons que la nature a horreur du vide, et je crois que l’on peut admettre que cet espace a été occupé par l’entreprise et la finance et que ce qui s’est développé est l’idéologie économique que j’appelle « l’économicologie », tandis que les politiques se sont occupés des faits divers qu’elle développait par ses injustices sociales et de thèmes hédonistes.

Aujourd’hui l’on peut constater que les Français élisent des dirigeants politiques auxquels l’entreprise « dicte » la conduite du pays, à l’opposé même de ce que furent les convictions socialisantes, l’émancipation par l’éducation et le progrès social.

La volonté du PS se prononce favorable à la loi du marché (Rocard, Delors), comme si cela constituait une fin en soi, alors que ce n’est qu’une tarte à la crème, car même quand le marché est libre il s’organise en des ententes pour fixer des prix.

Cet axiome n’est que de l’intégrisme car le marché est codifié et encadré par des montagnes de réglementation. C’est un attrape-nigaud ou mouche au choix, tout juste fait pour exclure ceux qui ne disposent pas de la propriété économique de prétendre vouloir se poser en acteur économique par l’intermédiaire de leur souveraineté (Etat et non monarchie).

J’ai toujours soutenu que l’acceptation par le PS de la loi du marché était la reconnaissance du capitalisme moderne (je reconnais l’image réductrice, c’est un peu plus compliqué), alors que le PS s’est construit dans sa lutte contre l’exploitation humaine par ce capitalisme.

Je ne veux pas dire que les choses sont figées et que l’on ne peut pas changer d’orientation, ni abandonner celles que l’on avait, mais la malhonnêteté du PS a été d’entraîner dans le tout marchand des milliers de personnes qui ne se référaient qu’à son sigle historique comme la griffe d’une marque (marché oblige) et qui n’avaient pas compris que la modernisation du parti était l’abandon de ses sources dans la lutte contre le capitalisme (la mise à l’écart des éléphants du PS symbolise cette rupture). Et beaucoup de militants dans leurs sections ont suivi en toute confiance leur leader ou leur secrétaire de section.

Il faudra bien qu’un jour le PS affronte ce paradoxe qui s’est encore manifesté aux élections européennes.

Même si le PS revenait au pouvoir, il n’arrêterait pas la régression en cours, car c’est toujours à cela que conduit le capitalisme sans une forte opposition. Or, le PS ne constitue pas une opposition forte puisqu’il ne s’oppose plus au capitalisme, si ce n’est de disputer la place de chef présidentiable.

Le PS pourrait donc laisser NS poursuivre le déclin qu’il n’est pas en mesure de contrecarrer puisqu’une partie de ses militants ou de ceux qui lui accordent leurs suffrages ne sont pas des socialistes historiques et poser les bases d’un renouveau (il ne s’agit pas de revenir à l’étatisme) face aux échéances mondiales prévisibles.

Le PS ne constitue plus le rempart qui donne la force de s’opposer à l’hégémonie capitalistique (car dans les entreprises c’est le « trouillomètre » qui est de rigueur), même si le capitalisme a changé d’enseigne (comme le CNPF) pour se vendre le vocable de société du marketing.

Je pense donc que le PS a laissé ceux qui avaient besoin de références politiques de classe dans la difficulté et même certainement les a conduits vers le populisme dont Sarkozy a tiré bénéfice, en continuant de leur laisser penser que le parti a constitué une opposition à l’exploitation humaine, alors que des citoyens mesuraient l’inverse.

Ceci dit, je ne mets en cause personne et je comprends d’ailleurs encore moins cet auto-lynchage livresque comme si l’on pouvait reprocher à SR son échec, alors que les citoyens sont économiquement « lobotomisés » et que certains voulaient trouver en SR les concepts de NS.

La conséquence en est (en dehors du fait qu’il soit normal que des hommes politiques aient de l’ambition et de la personnalité, je ne dis pas du charisme car c’est la caractéristique de tous les dictateurs) que le PS fait de la politique marketing ; il n’a plus d’idéal sociétal à défendre, donc rien qui le distingue de FB ou NS sur les options fondamentales et, de fait, il se fait manipuler par des médias qui organisent la surenchère entre les uns et les autres ou il se donne (comme d’autres) en spectacle piteux dans des émissions politiques où seuls les commentateurs en tirent gloire en organisant des débats où ils jouent des politiques comme avec des marionnettes (l’exemple de l’exclusion de G. Frêche est typique), un comble en démocratie. La peur de mourir si les médias ne parlent pas d’eux ; les politiques vont exposer le fondement de leurs actions dans des émissions de divertissement, comme si se prédestiner à l’administration du pays était un jeu.

Peut-on en conclure que le marketing politique pervertit la fonction ?

Mais ce n’est pas un reproche que de retrouver sa nature comme le dit ce dicton chinois : « mettez au dos d’une carte à jouer ce dont vous voulez instruire les hommes ».

Je pense qu’une clarification de l’orientation du PS serait de nature à redynamiser la vie politique et redonner à la politique la place que l’entreprise lui ravit, non que l’entreprise n’ait pas une place incontournable dans l’économie libérale, mais, en démocratie, ce sont les hommes qui sont souverains, pas les machines ou ceux qui en sont les propriétaires, et la loi du marché intègre aussi l’action politique qui l’oriente en tant qu’acteur et elle ne peut être un prétexte pour laisser les commandes au capitalisme, quelle qu’en soit sa représentation.


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