Le PS pourra-t-il « récoler » les morceaux ?

par LM
lundi 24 novembre 2008

Le grand parti démocratique de gauche s’est révélé grande organisation clanique à tendance mafieuse, avec ses électeurs fantômes, ses bourrages d’urne, ses faux en écriture et ses menaces en tout genre. Une régalade pour l’UMP, qui n’en attendait pas tant, et une bonne partie de plaisir à venir pour Hollande, qui devra trancher.

L’opposition attendait le nom de la nouvelle cheftaine du grand parti qui allait devoir chercher les poux sur la tête des Sarkozy’s boys, et voilà qu’en guise de couronnement on assista l’autre nuit à l’avènement d’un délicat bordel, une chienlit comme on en espérait pas tant, un micmac digne du PC de la grande époque, ou de n’importe quelle élection dans nombre de pays d’Afrique qui ne se respectent pas. Et tout cela n’est finalement pas très étonnant, comme dirait Manuel Valls, lieutenant vexé de Royal, qui assure qu’on revient là à des méthodes d’un autre âge, expression reprise par Royal et d’autres de ses lieutenants. Mais de quel « autre âge » parlent-ils tous ? Et s’ils le connaissent si bien, est-ce à dire qu’ils ont déjà trempé, dans leur jeunesse, dans quelques pratiques de ce genre ? Si les langues viennent à se délier, autant qu’elles avouent tout, du passé comme du présent, de ces étranges coutumes qui semblent monnaie courante chez les socialistes. On sous entend clairement depuis quelques jours que le PS est vérolé depuis des lustres par des combines douteuses, ou tenu par quelques éléphants et leurs « familles », comme toute organisation mafieuse est tenue par certaines familles, qui veillent scrupuleusement à ce que rien ne leur échappe. Si cela est vrai, c’est très embêtant pour la future première secrétaire, qui devra d’abord faire un grand ménage pour assainir la maison. Si cela n’est pas vrai, les accusateurs à tort doivent être poursuivis pour diffamation.


A l’origine de tout ce déballage cocasse, les 42 voix d’avance accordées à Martine Aubry au bout d’une nuit de comptes et de mécomptes, samedi dernier au petit matin. Vendredi soir, dès 23 heures, des « rumeurs » relayées notamment par l’agence Reuters et émanant selon l’agence de « proches de Ségolène Royal » faisaient état d’une « large victoire » de la dame du Poitou, citant même dès cette heure là des pourcentages aux alentours de 52 à 53%. Ces chiffres furent presque immédiatement contestés, avant minuit, par « des proches de Martine Aubry », qui évoquaient un « score très serré ». La suite fut une bataille de communiqués entre les deux camps avant donc l’annonce « officielle » d’une victoire d’un poil d’éléphant de Martine Aubry avec 42 petites voix d’avance sur sa rivale poitevine. « Une seule voix suffit » pour l’emporter, avouera Royal sur TF1 le lendemain soir, « une seule voix » mais pas ces 42 là. Pas question pour la dame people d’accepter sa défaite. Elle préfère parler de « victoire volée », et répète à l’envie, par l’intermédiaire de son perroquet Valls que « tout le monde sait » qu’elle « a gagné ». Tout le monde sauf, donc, Martine Aubry, qui propose de calmer les choses, de s’asseoir à sa table, et de commencer à discuter avec elle, tous ensemble. D’un côté une bonne gagnante, sauvée de justesse, de l’autre une mauvaise perdante, écartée de justesse. La première veut se mettre au boulot, l’autre veut un nouveau vote. Au milieu coule le Parti.


Ce pauvre François Hollande, malhabile parfois mais sympathique souvent, méritait sans doute une meilleure sortie. Le voilà contraint à mettre en place à la va vite une « commission de récolement », puis de convoquer un conseil spécial chargé de proclamer le cas échéants le nom de la nouvelle première secrétaire du parti. La faute aux éléphants, sans doute, qui n’ont pas voulu disparaître aussi facilement et ont tout fait, peut-être même un peu trop, pour rester en vie encore un peu, eux qui se sont vus toute la nuit de vendredi à samedi mourir à petit feu, avant de ressusciter miraculeusement au petit matin, mais aux prix de quels efforts douteux, ou de quelles mises en scène discutables ? La faute aussi à Martine Aubry, terne, si terne dans sa campagne de l’entre deux tours, aussi convaincante qu’un bouclier fiscal, aussi emballante qu’un derby du nord, la créatrice des 35 heures ne sera pas parvenu, malgré le soutien aigri de Delanoë, malgré toute la bonne volonté du plutôt bon Hamon, à récupérer ne serait-ce que les trois quarts de ces voix qu’on lui servait sur un plateau. La faute aussi, à Royal, évidemment, finaliste à la dernière présidentielle, elle qui s’est toujours proclamée si « populaire » auprès des militants mais qui n’a manifestement pas su faire fructifier son crédit gagné en mai 2007, qui n’a pas su profiter de cet « élan » qui s’était soi disant levé à cette époque. Ses timides 50% sont un échec pour elle, qui ne convainc plus, au maximum, qu’une moitié d’un Parti qui affiche aujourd’hui moitié moins de militants que l’UMP. Entre une ex candidate détestée, des vieux schnoks qui s’accrochent à leurs fauteuils et des plus jeunes pas encore prêts, Hollande se disait bien que les choses pourraient être compliquées, mais il ne devait pas s’attendre à tel capharnaüm. Ce n’est pas de divisions qu’il s’agit, mais d’une multiplication des ego, de haines recuites et de rancunes tenaces qui rendent ingouvernable ce parti désormais secondaire, cocasse mais secondaire, qui aura quoiqu’il arrive du mal à redevenir crédible avant 2012.


Alors, quelle est la meilleure solution pour sortir de cette crise ? Recompter, d’abord, ou faire comme si. Valider ensuite l’élection de Martine Aubry. Passer à autre chose. Revoter serait la pire des solutions, ce serait transformer la crise en farce. On sait déjà, avec les révélations de chaque camp, qu’on a « triché » ou « commis des erreurs » des deux côtés. Que chaque camp a utilisé la même arme, plus ou moins intelligemment, plus ou moins discrètement. Si la manière est contestable, étant donné que c’est manifestement, « une façon de faire » au PS, il faut en prendre acte, faire avec, et confirmer le résultat annoncé samedi matin. Et à ceux qui crieront à « l’immoralité », on rappellera que la morale n’a rien en faire en politique, ne s’en servent que ceux, ou celles, qui après avoir profité d’un système en sont soudain victime.


En sortant du frigidaire ses ambitions, Ségolène savait dans quel panier de crabe elle se jetait, qu’elle ne joue pas aujourd’hui la vierge effarouchée, personne n’est dupe. Elle a joué et perdu, mais elle ne doit pas se montrer déçue : ce n’est vraiment pas un cadeau qu’elle laisse à Martine Aubry.


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