Le PS qui prend l’eau fait feu sur le Front de Gauche

par Xtf17
mardi 3 avril 2012

Inutile, je suppose, de dire de nouveau combien le traitement de la campagne peut être décevant : des mensonges de la presse (notamment écrite) aux mensonges du PS, le Front de Gauche subit un tir croisé nourri.

La preuve par la Police
 
Ainsi, pour l’humour (et la nouveauté de traitement) le meeting de Mélenchon à Lille, dans le fief même de Martine Aubry : à peine les organisateurs avaient ils donné le chiffre de la participation que le cosmos merdiatique parisien persiflait de tous côtés. Mais cette fois-ci la police a compté ! Il y a donc trois chiffres. Celui des organisateurs : 23 000. Celui de la police, reproduit par toute la presse locale : 20 000. Et le chiffre du journal « Le Monde » : 10 000 ! Ah les braves gens. Et, bien sûr, objectivité oblige, le « reportage » avance le chiffre des « organisateurs » pour mieux souligner l’absurde exagération. Manque de chance pour ce type de manipulation, le chiffre de la police (un ramassis de bolcheviks à la solde du Front de Gauche ?) souligne au contraire que la réalité de l’évènement. Mais cet amusant ridicule instruit.
Volonté de propagande manœuvrière ? Vous n’y pensez pas ! Si on prenait cela au sérieux il faudrait en conclure que quand la gauche grimpe cela profite à la droite… MDR !
Rassurez-vous, la logique est encore valable en ces temps où tout fout le camp : plus le Front de Gauche progresse, plus la gauche dans son ensemble progresse.
 
La preuve par les sondages
 
La preuve en partant des mêmes bases de départ que ces brillants analystes : les sondages ! Pour l’ensemble des sondeurs qui « voient » le Front de Gauche en progression, le total des intentions de vote de la gauche dans son ensemble augmente : +3 points pour CSA, +2 points en une semaine pour l’IFOP ou encore +1 point pour l’IPSOS. Et, pour être plus précis, la forte montée du Front de Gauche ne se traduit jamais par un effondrement des intentions de vote du PS :
La progression du Front de Gauche est donc avant tout la percée d’une force qui rassemble la gauche et qui conquiert l'adhésion de milliers de personnes désemparées qui ne savaient plus pour qui voter.
 
Confusion complète au PS : à droite toute ?
 
Car la percée du Front de Gauche effondre le beau plan stratégique de départ. Que faire, se demande-t-on dans le bureau du tout puissant Manuel Valls qui dirige tout ? Du coup, faute d’idées ou de programme à défendre c’est une suite ininterrompue d’agressions pleine de postures pontifiantes qui se succèdent. Plusieurs caciques du PS conseillent à Mélenchon de « réserver [s]es coups à Sarkozy ». Mais eux-mêmes font exactement le contraire dans des termes d’une violence incroyable.
 
D’où vient cette perte de sang froid ? En voici la raison : Hollande ne peut rompre l’ambivalence de sa stratégie politique (ni annoncer clairement qu’il veut moins de dépenses publiques pour le pays qu'il n'y en a aujourd'hui dans la France de Sarkozy, voir ci-dessous). Il comptait que le FdG serait quantité négligeable, obligés de voter sans discuter. Seule importait l’affection de François Bayrou. A cette heure, Bayrou est dans les choux et le FdG est une force incontournable. Et il n’a aucune stratégie de rechange. A qui la faute ? La droite, qui a vu la faille, presse là où ça fait mal. A qui la faute encore une fois ? Mélenchon n’avait-il pas prévenu qu’il en serait ainsi ? Qui a, dès décembre, publié tracts et brochures pour expliquer que l’idée d’unir sous un même joug, dans le même attelage, Bayrou et le Front de Gauche serait impossible ?
Comment sortir de cette situation pour le camp Hollande ? Plutôt que de s’interroger sur les moyens de se doter d’une nouvelle dynamique, l’état-major de campagne socialiste cherche à mettre en place un nouveau verrou de contrainte pour prendre le relais du désormais inutile « vote utile ». Trop d’abus n’abuse plus grand monde ! De plus voilà que Le Pen, est cantonnée à plus de dix points derrière le « prochain président »…
 
Les snipers du PS : Cahuzac au budget
 
Alors le PS envoie ses snippers et se donne l’air de regarder de haut la mêlée qu’il déclenche. Le premier à avoir dégainé est Jérôme Cahuzac, le conseiller budgétaire de François Hollande et son gardien du temple de l’orthodoxie financière.
Son idée est de verrouiller la situation en passant en force : Mardi 27 mars sur Public Sénat, il a affirmé que le programme de Hollande est « à prendre ou à laisser ». Pour soulager la violence de la charge il a bien sûr ajouté que le FdG serait déjà d’accord : « Jean-Luc Mélenchon et son parti ont passé un accord avec le PS pour que leurs candidats aient quelques circonscriptions avec quelque espérance de gains ».
Mélenchon a répondu très clairement dans son discours de Lille : "Soyez polis avec nous... C'est à prendre ou à laisser ? Très bien, on laisse !", "il n'y a aucune négociation et aucun accord ni avec Hollande ni avec le Parti Socialiste. Cahuzac ment donc avec aplomb". C'est d'ailleurs ce qu'a reconnu son propre camarade Christophe Borgel (responsable des élections au PS, et donc le premier informé) : « Jean-Luc Mélenchon a raison : il n'y en a pas eu ».
 
Les snipers du PS : Collomb aux Affaires etrangères
 
S’ensuit Gérard Collomb, le maire de Lyon, vieux complice de Hollande dans les grandes manœuvres d’appareil au PS. Dans Le Figaro du 29 mars, il explique avec des arguments de guerre froide : « Le modèle qu'il [Mélenchon] défend, on l'a essayé en URSS, au Cambodge, ça ne marche pas ». Jusqu'ici on n’entendait ces âneries que dans la bouche des soutiens de madame Le Pen. Désormais, le FN et le maire PS de la deuxième ville de France utilisent les mêmes mots contre le Front de Gauche. Mais comparer Mélenchon à Pol Pot est une nouveauté consternante dans l’infamie !
Et là, où sont les brillants socialistes qui inviterait Collomb à « réserver ses coups à l’extrême droite » ???
 
Les snipers du PS : Sapin au projet
 
La tactique suivante : demander avec prétention et arrogance que l'on « parle du projet » et pas seulement des « colères ». C'est ce qu'a réclamé Michel Sapin ce jeudi 30 mars sur Radio Classique et Public Sénat : « Il serait intéressant que chacun se détermine par rapport aux projets eux-mêmes et pas simplement par rapport à la sonorité de la voix ou par rapport à la couleur du discours ». Michel Sapin est le responsable du projet de François Hollande. Ce n'est pas n'importe qui au PS. Donc il sait qu’il pipeaute.
Pas de projet au Front de Gauche ? Pas de projet dans les discours de Mélenchon ? Leur programme est disponible depuis le mois de septembre. Il s'est vendu à plus de 300 000 exemplaires.
 
Les snipers du PS : Montebourg, l'arme secrète
 
Le plus fin pour la fin ? L'"ami" Montebourg, la caution de gauche de Hollande, qui déclare dans le JDD du 1er avril : "Mélenchon est le Georges Marchais des temps modernes [...] qui demand[ait] en 1978, le smic à 2 400 francs, aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon demande le smic à 1 700 euros, [...ce] serait très bien si on pouvait le faire, mais je crois que nous avons besoin, [...], d'aider les entreprises à se développer, et non pas à les déstabiliser. [...]si Georges Marchais avait été le candidat au deuxième tour face à Valéry Giscard d'Estaing en 1981, nous [Mitterrand] n'aurions pas gagné". 
C'est sûr ! Et Mitterrand n'aurait pas trahi toute la gauche dès 1982 ! Et le PS n'aurait pas libéralisé pendant 30 ans à tout va nos tous nos services publiques, nos transports, notre électricité, notre eau que nous avions pourtant payé de nos impôts !
 
Et le pire est que le PS a prévu de poursuivre sa trahison du peuple.
 
Feu sur les dépenses publiques
 
Mélenchon l’a exprimé à plusieurs reprises : les coupes massives dans les dépenses publiques qu’implique le projet de François Hollande sont très inquiétantes. Les fidèles gardes-chiourmes ont pourtant tout fait pour étouffer le sujet : le 1er février Mélenchon indique sur France Inter que François Hollande prévoyait de baisser les dépenses publiques de 50 milliards d'euros (tableaux présentés dans son programme aux pages 40 et 41 où Hollande y propose que la part des dépenses publiques dans la richesse du pays passe de 56,5% en 2012 à 53,9% en 2017). Cela signifie qu'il veut moins de dépenses publiques pour le pays qu'il n'y en a aujourd'hui dans la France de Sarkozy. Son projet représente une baisse des dépenses publiques de 2,6 points de PIB soit 50 milliards environ. L’animateur Patrick Cohen avait contesté ce chiffre, puis c'est Libération qui prétendait contrer « l'intox » de Mélenchon en qualifiant son analyse de « tordue ».
Et voilà pas que Jérôme Cahuzac, (toujours chargé du budget de l’équipe du PS) vient de confirmer très précisément l'ampleur de ces coupes dans Le Monde du 28 mars : Cahuzac donne malheureusement entièrement raison à Mélenchon.
Bien sûr, vous n'en lirez aucune mention dans Libération et n'en entendrez rien dans la matinale de France Inter. Voici donc la citation exacte de Jérôme Cahuzac dans Le Monde du 28 mars : « François Hollande a choisi, lui, de ramener le rythme de progression, en volume, de la dépense publique, de 1,7 % l'an ces dernières années, à 1,1 %. Avec des hypothèses de croissance assumées, cela diminuera la dépense publique de 2,6 points de PIB en 2017, soit une économie de 50 milliards d'euros. » C'est exactement les chiffres que Mélenchon a donnés, à la décimale près !
 
Feu sur les fonctionnaires
 
Chacun sait donc désormais à quoi s'en tenir quant au programme d’austérité du candidat socialiste. Et si vous n'avez pas bien compris, lisez encore Cahuzac : « Pour annuler le déficit public en 2017, il faut un effort de 4 à 5 points de PIB dans la mandature. Nous y sommes prêts. » « 4 à 5 points de PIB » représentent entre 80 et 100 milliards d'euros. Puis Cahuzac explique en quoi consiste l'austérité selon Hollande en prenant un exemple concret : « Clairement, cet objectif interdit la création nette de postes dans la fonction publique d'Etat pendant le prochain quinquennat ». Jérôme Cahuzac confirme ce que François Hollande a déjà reconnu : toutes les créations de postes seront compensées par des suppressions ailleurs. Dis autrement, pour créer 60 000 postes dans l'Education et 10 000 dans la sécurité publique, François Hollande va supprimer 70 000 postes de fonctionnaires supplémentaires. Je me permets donc de poser une question simple : où veut-t-il supprimer 70 000 postes de fonctionnaires supplémentaires dans les cinq prochaines années ? Où-juge-t-il que c'est possible ? Pourquoi ne le dit-il pas ?
 
Vive le Traité Sarko-Merkel !
 
Jérôme Cahuzac éclaire aussi dans cette interview un autre point épineux du projet de François Hollande. Je veux parler de l'avenir du Traité sur la stabilité budgétaire (TSCG) de Sarkozy et Merkel. Celui qui impose la « règle d'or » d'interdiction des déficits et prévoit des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants. François Hollande dit vouloir « renégocier » ce traité. Mais depuis quelques temps, ses soutiens emploient d'autres mots. Il ne serait plus question de « renégocier » mais de « compléter » le TSCG. C'est-à-dire de lui ajouter un protocole pour la croissance mais d'accepter son contenu actuel. Une solution déjà mentionnée dans les Echos début mars où des proches de Hollande affirmaient officieusement qu'il s'agirait d'un protocole sans valeur contraignante. Au même moment, le porte-parole de la campagne socialiste, Bernard Cazeneuve avait expliqué lui aussi sur France Culture qu'il n'était pas question de changer le contenu du traité déjà signé mais de « faire en sorte que l’on mette, à côté de ce Traité sur l’austérité, un pacte de croissance ». C'est cette solution cosmétique que Cahuzac vient de confirmer dans Le Monde : « La France, et d'autres pays, sauront convaincre de la nécessité de compléter le nouveau traité européen par des mesures de relance et de croissance dans une claire répartition des tâches : aux Etats d'ajuster, à l'Europe de relancer ; et de le faire autant qu'il le faudra ! ». Ou encore : il y a « la nécessité d'une coopération européenne accrue et d'un traité qui, à la demande de la France, serait complété de mesures de croissance. »
Cette ligne, qui annonce l'austérité et renonce à refuser le traité qui l'institutionnalise, forme un tout cohérent.
L’austérité comme promesse d’avenir ? Sans moi.
 
A mort le vote utile ! Ah, il est déjà mort ?
 
A quel moment tout cela se déclenche ? A l’instant où le Front de Gauche est en passe de hisser Mélenchon plus haut que Le Pen ! Complicité objective avec l’extrême-droite ? Oui bien sûr même si elle est inconsciente. Car le fond de l’affaire est le suivant. Tant que Le Pen est troisième, la chanson du vote utile peut être passée en boucle. L’univers politique des quinze dernières années continue à ronronner avec ses rentes de situation et ses positionnements convenus ! Dès qu’elle n’y est plus, le verrouillage des deux premières places saute. Et les suivants de la file sont mis au pied du mur tout aussi fortement ! Dans cette manœuvre, la première bénéficiaire, madame Le Pen, prend toute sa place et vocifère, et, incroyable, avec les mêmes arguments que nombre des détracteurs du FdG. Notamment lorsqu’ils utilisent le registre grossier d’un anticommunisme nostalgique de la guerre froide. Chavez, Cuba, le Dalaï Lama sont ainsi régulièrement convoqués à la barre des témoins, sans oublier Pierre Lambert et les trois ans de trotskisme actif de Mélenchon il y a quarante ans de cela !
 
Et votons
 
Nous voyons comment depuis quelques semaines les intentions de vote pour le Front de Gauche relevées par les sondages sont à la hausse. Cette fois-ci cela correspond à ce qui est observé de toute part dans le pays. La marche sur la Bastille et sa première réplique à Lille en attestent.
 
Depuis le 28 aout, cela fait donc 7 mois, le Front de Gauche a proposé une offre publique de débat aux autres candidats de gauche. 7 mois ! 214 jours ! A ce jour la réponse a consisté dans cette suite d’injures. Les donneurs de leçon médiatique finissent toujours par être confondus par la réalité. Ce n'est qu'une question de temps.
 
Bref, il n’y a plus de raison de ne pas voter Mélenchon.

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