Le quinquennat diplomatique de Sarkozy : le règne du mépris

par menou69
vendredi 13 avril 2012

Lorsque le bilan du quinquennat au niveau international de Nicolas Sarkozy est évoqué, nous voyons s'établir un consensus entre l'opinion publique et les médias, pour dire que le président a été efficace et qu'il a réussi à faire bouger les lignes.

Or pour ma part la pipolisation de la politique étrangère de Nicolas Sarkozy, pendant ces 5 années, a été brouillonne, inefficace, contreproductive et surtout dangereuse pour la réputation diplomatique de la France.

Gilles Delafon, chroniqueur quotidien sur "La Matinale" de Canal+ et ancien grand reporter, a publié le 29 février 2012 un livre chez Toucan dont le titre est : "Le règne du mépris ; Nicolas Sarkozy et les diplomates de 2007 à 2011" qui fait le bilan diplomatique de notre président.

Gilles Delafon a rencontré ambassadeurs et conseillers pour savoir comment ils avaient finalement travaillé avec ce président manifestement doté d´un caractère épouvantable mais au volontarisme énergique. Leurs confessions "off" et on comprend bien pourquoi, sont réunies dans ce livre . Elles dressent un bilan sans concessions des errements de sa politique étrangère et dessinent un portrait au vitriol, d´un président ancré dans sa religion du tout médiatique et qui a créé une véritable fracture avec ses diplomates, une fracture en réalité révélatrice des tensions de son quinquennat. D'ailleurs dès 2007, Nicolas Sarkozy avait déclaré la guerre aux diplomates : "J´ai un mépris profond pour tous ces types, ce sont des lâches." confiait-il à l´écrivain Yasmina Reza.

Quand on lit ces pages on est effaré par la grossièreté du personnage dans sa fonction officielle et dans ses prestations internationales. On y découvre un profond mépris à l'encontre du Quai d'Orsay, du corps diplomatique et des ambassadeurs. Un mépris qui a incité un groupe de diplomates anonymes "certains actifs, d'autres à la retraite et d'obédience politiques var !ées" à rédiger une tribune dans Le Monde le 22 février 2011 dénonçant les déboires de la politique extérieure française.

Dans ce livre est relaté l'hallucinante affaire de la libération des infirmières bulgares, avec en prime la promotion familiale incarnée dans Cécilia la négociatrice, ce qui avait permis au président d'autoriser, en signe de reconnaissance, le colonel Kadhafi a planter sa tente à deux pas des Champs Elysées.

Les relations entre Sarkozy et Poutine est un exemple de sa versatilité en politique étrangère. Quand il était candidat, Sarkozy le vouait aux gémonies. Quand il fut élu, c'était devenu son meilleur allié, presque un ami. En aout 2008, alors que le dictateur russe envahissait le soir même la Géorgie voisine, Nicolas Sarkozy le faisait embrasser son fils Louis. Quelques jours plus tard, la Russie reconnaissait l'indépendance de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, les deux anciennes provinces géorgiennes qu'elle avait envahies. Sarkozy avait été désavoué. Pourtant il affirme à qui veut l'entendre que son action en Géorgie a été déterminante et que c'est une réussite à mettre à son actif.

La gestion pitoyable de l'affaire Florence Cassez qui nous a mis le Mexique à dos, et qui a nui à la libération de la jeune femme, le gouvernement mexicain en réaction en a fait une affaire d'état.

Sa rencontre avec le Dalaï Lama qui a déclenché la colère de la Chine et qui n'a servi en rien la cause du peuple tibétain. Nous avons été en froid avec le gouvernement chinois pendant au moins une année.

Le fiasco de l'Union pour la Méditerranée (UPM), une création sarkozyste qui a déjà coûté à la France 25 millions d'euros, dont 16 millions d'euros pour son inauguration au Grand Palais. De plus chaque année l'État débourse chaque année 2,35 millions d'euros pour entretenir son siège de Barcelone et un conseil culturel à l'Elysée. Depuis le "Printemps arabe", l'UPM n'est plus qu'une coquille vide.

Et puis il y a eu l'aventure libyenne, avec la victoire des rebelles et de la diplomatie française sur Kadhafi. Une victoire à la Pyrrhus avec l'installation au pouvoir d'une équipe adoubée par Nicolas Sarkozy, composée essentiellement de tortionnaires des infirmières bulgares et de salafistes intégristes qui se sont empressés d'instaurer "la charia". Actuellement les tribus libyennes s'écharpent. Les combattants Touaregs qui soutenaient Kadhafi ont regagnés le nord du Mali avec beaucoup d'armes et avec l'aide des membres d'Al Quaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont attaqué l'armée libyenne et ont déclaré l'indépendance du nord du Mali. La chute du régime de Kadhafi a destabilisé l'Afrique. La France s’est engagée dans la guerre en Libye sans réfléchir aux conséquences.

Citons également le rendez-vous manqué avec la révolution tunisienne. Les Tunisiens n'oublieront pas que la France n'était pas à leurs côtés au moment crucial du combat pour la liberté, la justice et la démocratie. De plus Nicolas Sarkozy a nommé un ambassadeur à Tunis qui a le même style que lui, un fonceur ambitieux du nom de Boris Boiillon. Malheureusement il accumule les gaffes et à peine arrivé il est obligé de faire ses bagages.

L'auteur reconnait le volontarisme et l'énergie de Nicolas Sarkozy qui a souvent donné l'impulsion nécessaire à une vraie mobilisation notamment dans l'Union Européenne. Mais selon lui cela ne suffit pas à constituer une vraie stratégie diplomatique. Il cite les paroles d'un diplomate qu'il a interviewé : "Nicolas Sarkozy est un un homme de reflexes, pas de réflexion"
 
Comme il dit, cela donne une politique de "coups", montés dans l'instant, à la va vite, sans tenir compte du passé et en se fichant de l'avenir. Cela produit une politique étrangère sans réelle cohérence, dont le but premer est d'agir sur l'émotion de l'électeur pour exister et engranger des gains électoraux.
 
 Et là, d’après lui, les dommages risquent d’être irrémédiables. On veut bien, hélas, le croire.
 
 
"Le règne du mépris - Nicolas Sarkozy et les diplomates 2007 - 2011"
 de Gilles Delafon
 Édition Toucan paru en mars 2012

 
 Sources : Le Monde, Sarkofrance, L'Express, L'Express, Politique.net, L'Express, France 24, Afrik.com, Rue 89


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