Le RSA sans détours (3) : le financement

par Voris : compte fermé
jeudi 18 septembre 2008

La commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté, le 17 septembre, un amendement instaurant "un plafonnement global des niches fiscales", qui va faire participer les riches au financement du RSA. Pas trop tôt ! Rappelons que la première mesure de financement décidée fut de puiser dans la prime pour l’emploi (mesure rejetée du fait de l’indignation générale) puis de créer une taxe d’1,1 % sur les revenus fonciers et du capital, ce qui revient à faire payer seulement les classes moyennes sans toucher au bouclier fiscal des riches.

 
Par cette mesure, il s’agit de ressouder la majorité autour de la question du financement, et de s’assurer du soutien du Nouveau Centre lors du vote du projet de loi sur le RSA. "Toute la majorité a voté cet amendement en commission", a déclaré le porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre, à l’agence Reuters. "C’est un geste politique fort qui revient à décider que les plus riches contribueront à l’effort de solidarité nécessaire en s’acquittant d’un impôt plancher", explique Marc-Philippe Daubresse, le rapporteur du projet de loi. Le texte a emporté le consensus au sein de l’UMP. Il a été signé par des députés UMP représentant toutes les sensibilités du parti majoritaire (libéraux, sociaux...). Il sera examiné jeudi par la commission des affaires sociales, qui devrait logiquement l’entériner. Puis il devra être adopté en séance publique (à partir du 23 septembre).

Mais au-delà de la question de l’unité de l’UMP, c’est l’unité des Français qui est recherchée, le président de la République semble avoir pris conscience que le fait de ne pas faire contribuer les riches à une réforme de solidarité nationale divisait profondément le pays. Le "président de tous les Français" avait mis son poids dans la balance une première fois en imposant la taxe d’1,1 %.

Concrètement, la mesure nouvelle de plafonnement des niches fiscales nécessite quelques explications :


Origine de l’idée :


Au sein de l’UMP dès le printemps 2008 : Frédéric Lefebvre a souligné que l’UMP réclamait le plafonnement global des niches fiscales depuis le printemps, notamment lors de la convention "Justice sociale" du parti majoritaire.

Lors de la discussion du projet de loi sur le RSA, cette source de financement avait aussi été évoquée en même temps que la suppression d’une partie des allègements de charges accordés aux entreprises. Le Medef s’était opposé à cette seconde idée qui aurait pénalisé la compétitivité des entreprises alors que celles-ci subissent déjà des pertes. C’est alors qu’a émergé l’idée d’une nouvelle taxe sur les revenus du capital, mesure qui, comme l’on sait, a été retenue. Mais l’opposition (gauche et MoDem) ainsi que les gaullistes sociaux et le Nouveau Centre ne s’en sont pas satisfaits et exigèrent une participation plus équitable, à savoir un financement par les riches également. D’où la remise au goût du jour de cette réforme des niches fiscales. En lâchant du lest sur ce point, le gouvernement veut aussi sans doute tenir bon sur le bouclier fiscal.


Du plafonnement individuel des niches fiscales...

On savait déjà que le projet de loi de finances de 2009 envisageait de plafonner individuellement trois des quatre niches fiscales qui ne l’étaient pas jusqu’à présent : le dispositif Malraux, le régime des loueurs en meublé professionnels, le dispositif en faveur de l’investissement outre-mer. Mais seul ce dernier pèse vraiment (880 millions d’euros) et permettrait de faire entrer des sommes conséquentes dans les caisses de l’État. Le budget 2009 contiendra donc en définitive deux mesures permettant de maîtriser l’ensemble des niches fiscales : ces niches seront à durée déterminée, réévaluées à termes fixés. Les parlementaires voteront aussi chaque année une norme d’évolution des niches.


- ... Au plafonnement global des niches fiscales pour financer le RSA :

L’impact de cette mesure est double : réduction de la taxe d’1,1 % sur les revenus du capital et de l’épargne instaurée par le gouvernement, rentrée fiscale d’environ 200 millions d’euros. Cela dit, la somme est modique en comparaison des 1,5 milliard d’euros engrangés grâce à la taxe d’1,1 % et au regard de ce que coûtent à l’Etat les niches fiscales (73 milliards d’euros en 2008). 

Le plafonnement global est un pas dans la bonne direction quand l’on sait que les 1 000 premiers bénéficiaires des niches peuvent déduire jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’euros de leur impôt sur le revenu, ce qui est "inacceptable en termes de justice fiscale" ainsi que le souligne Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, à La Tribune. Le plafonnement global présente l’avantage évident de limiter la ristourne fiscale totale que chaque contribuable peut tirer de tous les dispositifs. Il fera aussi rentrer plus d’argent dans les caisses de l’État. Entre 600 millions et 1 milliard, selon les estimations récentes.

Maintenant, quel sera le montant du plafond ? La question n’est pas encore réglée. Selon diverses sources (Le Monde, Méhaignerie), cela pourrait se situer entre 10 000 et 35 000 euros, voire 50 000 euros.

En conclusion, toute cette agitation autour du financement du RSA par l’Etat a fait oublier que le dispositif est cofinancé par les départements.

[ Le RSA est financé par un fonds national des solidarités actives qui est abondé par une contribution d’1,1 % aux contributions sociales sur les revenus du capital, contributions qui passent donc de 11 % à 12,1 % et qui concernent les revenus d’épargne (assurance-vie, dividendes, revenus fonciers, plus-values), mais pas le livret A ni le livret de l’ex-Codevi. ]

Or, les départements s’inquiètent de la prise en charge qui va peser sur eux. Il faut savoir que le RSA va remplacer à la fois le RMI (que les départements paient déjà) et l’API (allocation parent isolé), dont le coût est en évolution (+ 19 % en 2007) et que l’Etat payait (CAF). Les départements devront aussi assurer une partie de l’accompagnement personnalisé réservé aux bénéficiaires du RSA, et sans doute recruter de nouveaux personnels (les "référents"). Des discussions vont bientôt s’engager entre gouvernement et départements sur ces points. 
 


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