Le scandale ce n’est pas l’écotaxe c’est Ecomouv

par Henry Moreigne
mardi 29 octobre 2013

L'écotaxe n'est pas en soi une mauvaise mesure. Il semble en effet logique d'appliquer le principe du pollueur-payeur à des myriades de camions qui dégradent les routes, polluent l'air et embouteillent nationales et départementales. En revanche, le choix de faire appel à un prestataire privé pour mettre en place, gérer et percevoir la taxe en prélevant une part substantielle au passage interpelle.

Considérée comme un projet phare du Grenelle de l’environnement, censé rapporter de l'ordre de 1,2 milliard d’euros par an à L'État, l'écotaxe est aujourd'hui dans la ligne de mire des contribuables exaspérés par la démultiplication des prélèvements ces derniers temps.

Même Jean-Louis Borloo, ministre de l'Environnement à l'époque de son adoption y est allé de sont flot de critiques lundi 28 octobre au micro d'Europe 1  : "Les modalités de l'écotaxe sont d'une complexité effrayante. Il faut la remettre à plat", "Il s'est passé six ans, la crise est passée par là, on a pris 60 milliards de taxes en plus et les modalités qui sont prévues sont incompréhensibles." 

L'ex-ministre et avocat d'affaires a la mémoire courte. Le dispositif d’écotaxe qu'il a présenté en son temps au parlement permet de calculer, percevoir et contrôler les taxes dues par les poids lourds français et étrangers de plus de 3,5 tonnes circulant sur les 15 000 km de routes nationales et départementales de France. A cet effet, chaque poids lourd doit disposer d’un équipement embarqué assurant sa géolocalisation satellitaire et la communication des données (kilométrage parcouru, classe du véhicule). C'est donc un dispositif à la fois complexe et onéreux qui pourtant a fait ses preuves dans d'autres pays de l'UE.

Dans le contexte d'un Etat déliquescent et désargenté, le choix très politique arrêté par l'ancien gouvernement Fillon a été de confier le déploiement et la gestion du système à une entreprise privée dans le cadre des PPP (partenariat public privé) très décriés par la Cour des Comptes.

Ainsi, à la suite d'un appel d'offres européen, l'Etat a retenu Ecomouv SAS, une filiale de la société d'autoroutes italienne Autostrade spécialement créée pour ce projet qui bénéficie du soutien de quatre partenaires français : Thales (11%), Steria (3%), SFR (6%) et la SNCF (10%). L'écotaxe collectée doit selon le ministère des Finances rapporter à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), environ 760 millions d'euros en année pleine. En revanche, on ne connaît pas officiellement le niveau de rémunération du prestataire. Le contrat a été signé en toute discrétion par Nathalie Kosciusko-Morizet qui avait succédé à Jean-Louis Borloo.

Autostrade per l’Italia, actionnaire d'Ecomouv' à hauteur de 70%, estime en revanche à 2,8 milliards d'euros la valeur de ce contrat d'une durée de 13 ans et 3 mois. C'est un contrat énorme car la société doit fournir "tous les ouvrages civils et métalliques", "l’infrastructure technique du réseau de distribution" et "le système de collecte", dont les équipements embarqués.

Autostrade per l'Italia est le concessionnaire européen de référence dans la construction et la gestion des autoroutes à péages et l'inventeur du Télépass, ainsi que dans les services de transport connexes. Ce groupe emploie plus de 10 000 personnes et a enregistré en 2010 un chiffre d'affaires de 3 750 millions d'euros, avec un résultat net avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissement de 2 285 millions d'euros.

Au niveau français, si on pose comme recettes prévisionnelles les 1,2 milliards d’euros estimés et un reversement à l’Etat de 760 millions d’euros, on peut en conclure que l'opérateur glane 440 millions au passage. Par an, bien entendu. Et comme chez Ecomouv on est près de ses bénéfices, la société s'est déjà illustrée par des méthodes de recrutement très décriées.

 


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