Le véritable enjeu politique de 2012

par Daniel Roux
mercredi 3 novembre 2010

Tous les 5 ans et seulement tous les 5 ans, le peuple est appelé à choisir l’orientation politique de la nation en élisant le Président de la République au suffrage universel, ensuite viendra le tour des députés. Les résultats de la seconde élection sont directement issus de la première, le peuple donnant logiquement au Président, les moyens législatifs de son programme.

Nous savons que les dés sont pipés puisque le mandat donné au Président n’est pas impératif. Cela entraîne les candidats à des excès démagogiques regrettables. On ne compte plus les engagements irréalistes et les promesses contradictoires de la campagne 2007. Quoiqu’il soit promis nous savons tous que cela n’engage que ceux qui y croient ainsi que l’a démontré Pasqua à propos lors de la campagne de 2002.

Depuis le peu glorieux épisode de la ratification du Traité de Lisbonne par le Congrès de Versailles, le 14 février 2008, nous avons pris acte que même une décision exprimée par référendum n’avait pas de valeur contraignante pour le pouvoir pour peu que l’opposition en soit complice. "Le Traité de Lisbonne redonne corps au rêve français d’une Europe agissante et efficace", déclarait à l’occasion Fillon. 2 ans plus tard, les déficits explosent, le pouvoir d’achat stagne, les emplois disparaissent, les riches se gobergent à notre santé.

La vie démocratique de notre pays est réduite à cette élection, par conséquent, les Français ont intérêt à bien réfléchir avant de choisir leur candidat. Toute protestation, toute contestation pour les 5 années suivantes est considérée comme illégitime et toutes les lois votées par le parlement, quelle que soit la manière, sont applicables après avoir été promulguées par le Président de la République.

Le cadre étant décrit, venons-en au fond. Le principal souci des Français est le chômage dont le taux officiel est de 9,3% des 26 millions d’actifs. Ce chômage de masse a de lourdes conséquences sur les comptes de la nation et sur l’économie en général. Les ressources de la Sécurité Sociale, en particulier, proviennent principalement d’un pourcentage prélevé sur les salaires. Son budget en 2010 est 410 milliards d’euro avec un déficit de 23 milliards, soit 6% environ. Le chômage officiel, représente à lui seul 94 milliards d’euro de manque à gagner.

Les pertes d’emplois proviennent directement des délocalisations massives vers des pays à bas coûts salariaux, fiscaux et écologiques. Ces délocalisations concernent l’industrie mais aussi les services et la recherche. Les conséquences sont redoutables pour notre pays, à court terme sur les budgets sociaux et à long terme sur la capacité de notre nation à conserver les sources de sa richesse et de sa puissance économique. Que restera t-il de notre économie quand la maximalisation des profits entraînera le transfert de tout ce qui est possible en matière de production matérielle et intellectuelle ?

Il est inévitable que les Chinois ou les Indiens, comme les Japonais et les Coréens en leur temps, ne se contenteront pas de n’être que des sous-traitants. Ils seront et sont déjà dans certains domaines, tout aussi performant que leurs prédécesseurs. Savez-vous par exemple, que le plus puissant des calculateurs est Chinois depuis quelques semaines ?

Ceux qui ont initié notre déclin économique en toute connaissance de cause sont ceux là même à qui nous avions accordé notre confiance en 1981. La mondialisation telle que la voulaient les américains nécessitait 2 outils :

- Des accords de libre échange conclus dans l’enceinte de l’OMC, réalisés en plusieurs étapes par Lamy, membre du comité directeur du PS de 1985 à 1994, conseiller du ministre de l’économie et des finances, Jacques Delors, directeur adjoint du cabinet du Premier ministre, Pierre Mauroy et ex commissaire européen.


- La dérégulation financière, faites par Mitterrand et Bérégovoy en 1986. Voici le texte contenu dans l’introduction de cette réforme : « Les réformes financières qui se sont succédées à un rythme ininterrompu de l’automne 1984 au début de 1986, s’inscrivent dans une perspective générale de modernisation du financement de l’économie française. Leur but a été la constitution d’un grand marché unifié des capitaux, allant du très court au très long terme, au comptant et à terme, ouvert à tous les agents économiques qui peuvent désormais procéder à l’ensemble des arbitrages répondant à leurs besoins. »

Quel est l’avenir économique de la France à long terme ? Toutes les avancées et tous les succès technologiques initiés dans les années 1960/1970, en aéronautique, trains grande vitesse, télécommunication, biologique, nucléaire même, deviennent obsolètes face à la concurrence internationale telle qu’elle se présente aujourd’hui. Ce n’est pas notre modèle social qui est archaïque comme essaient de le faire croire des hommes politiques au mieux dépassés, au pire vendus à ceux qui tirent les marrons du feu de la mondialisation, c’est la mise en concurrence avec des pays dont le développement socio-économique est minimum et dans lesquels les salariés sont traités comme des quasi-esclaves à peu de frais. 

Ceux qui tirent les marrons du feu, sont les actionnaires des multinationales, grands promoteurs de la mondialisation, utilisateurs roublards de paradis fiscaux et sponsors des hommes politiques au pouvoir. La plus grande partie des bénéfices tirés des délocalisation des productions et des ré-importations en France sont effectués dans des paradis fiscaux et ne participent plus au financement des structures sociales complexes de notre pays.

Quel avenir peut avoir un pays qui n’a plus d’industrie, plus de services, plus de recherche. Quels emplois occuperont nos enfants lorsque le déménagement des usines, des bureaux, et des laboratoires en Chine ou en Inde sera achevé. Il n’y a aucun mystère à notre déclin et à l’appauvrissement général que nous constatons, nous sommes dépouillés de nos richesses par ce qu’il est convenu d’appeler l’oligarchie ou pour être plus clair, la mafia financière.

Les électeurs doivent prendre conscience de la trahison de ceux à qui nous avons confié le gouvernement de la nation, les hommes politiques. Non seulement ces derniers ont instauré le libre échange et la dérégulation financière mais ils interdisent tout débat sur ce sujet et présentent la mondialisation comme un processus naturel et irréversible. C’est par ce dogme qu’ils justifient la destruction systématique de notre modèle social. De nombreux économistes dénoncent comme ils peuvent, avec peu d’échos, l’aberration du modèle imposé. Leur voix est systématiquement étouffée et la plupart des citoyens n’ont pas accès à leurs démonstrations.
 
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2956

La propagande ne connaît plus de limite. Qui est autorisé à apparaître à la télévision, à écrire dans les journaux, à parler à la radio ? Une poignée d’individus auto proclamés experts, soutenant tous la mondialisation, en utilisant les mêmes termes et répétant comme des perroquets : « Le modèle Français est dépassé. Des sacrifices sont inévitables. »

La convergence entre les politiques socio-économiques menées en France et aux USA ne devrait échapper à personne. Interrogez-vous sur l’obstination des gouvernements à remplacer la retraite par répartition par la retraite par capitalisation. Cette mutation a été initiée par le gouvernement Balladur-Sarkozy en 1993 et poursuivie par Chirac-Fillon en 2003. Ce système serait déjà en place, si des cracks boursiers à répétition ne venaient rappeler aux Français la fragilité de la Bourse. L’unique intérêt de la retraite par capitalisation est de transférer aux financiers privés la gestion très juteuse de cet énorme capital sans se poser la question primordiale de sa sécurité.

Les électeurs conscients des véritables enjeux de l’élection de 2012, devront choisir entre les candidats soutenant la mondialisation, le libre échange et la dérégulation financière, et ceux qui les combattent. De ce choix va dépendre le déclin général ou le renouveau de notre pays et rien ne devrait être plus important pour les électeurs.

Ceux qui sont pour la mondialisation, l’Union Européenne, le remplacement du modèle Français par un modèle type américain sont reconnaissables dans leur façon plus ou moins adroites d’éviter tout débat sur le sujet de la mondialisation, du libre échange et de la dérégulation financière. Ce sont eux qui occupent tous les médias avec les petites phrases, les leurres en tout genre, les faux débats sur le pouvoir d’achat, la fiscalité, le chômage qu’ils ont tous en commun de ne jamais traiter au fond. Tout est fait pour vous persuader qu’eux seuls sont sérieux, qu’eux seuls peuvent résoudre les problèmes, qu’eux seuls méritent vos suffrages et que les autres, tous les autres, sont des rigolos, extrémistes, révolutionnaires, ignorants, incompétents et tutti quanti.

A l’inverse, les candidats qui sont contre la mondialisation, pour la mise en place d’un modèle social mettant l’homme au centre de la politique et non les profits d’une poignée de privilégiés, sont marginalisés par les médias. Lorsque par nécessité de maintenir une apparence démocratique, ils bénéficient de quelque minutes d’antenne, leur parole sera constamment interrompue par des questions – affirmations destinées à neutraliser leur temps de parole. Leurs propositions ne seront pas reprises ou alors tronquées et même ridiculisées par des éditorialistes salariés et sévèrement sélectionnés.

Une évidence à ne pas oublier, les partis politiques détiennent le monopole de la désignation des candidats. Cette désignation n’a rien de démocratique. Les investitures sont décidés en petits comités et c’est encore pire pour les investitures aux élections législatives. C’est pour cette raison que les députés ne votent pas dans l’intérêt de leurs électeurs mais suivant les ordres qu’ils reçoivent du chef du parti. Tout a été organisé pour que le Président de la République, contrôle le pouvoir législatif. Quant au judiciaire, son contrôle par le Président est inscrit dans la Constitution.

Les chefs de partis ne représentent pas les intérêts des Français mais uniquement les intérêts particuliers et étroits de ceux qui les soutiennent financièrement, souvent depuis plusieurs années. Il peut s’agit d’individus, mais aussi de groupes d’individus, de multinationales et même de nations étrangères. Il est donc primordial pour l’électeur de connaître les réseaux de soutien des candidats et les sources de financement de leur parti et de leur candidature.

La France a une position stratégique dans les centres de décisions mondiaux dans la mesure où elle est une nation influente dans l’Union Européenne, première économie du monde. C’est parce que le modèle français représente une alternative séduisante à celui des anglo-saxons que la classe dominante anglo-saxonne tente de le détruire depuis tant d’années, de le marginaliser et de le dénigrer avec la complicité d’alliés intéressés et de collaborateurs félons. Les électeurs français détiennent les clés de leur avenir. Leur responsabilité est engagée vis-à-vis de leurs enfants.

De votre choix de 2012 dépend la réussite ou l’échec du processus de marchandisation générale des activités humaines. Ne votez plus pour vos ennemis.


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