Le virus de la prise de conscience ?
par Michel DROUET
vendredi 13 mars 2020
Trump et son nationalisme imbécile
« America first » que l’on peut traduire par « Trump first », tant les mesures prises depuis son entrée à la Maison Blanche visent avant tout à la réélection de l’intéressé. Après avoir nié la pandémie, joué les matamores devant des médias complaisants à défaut d’être objectifs, Trump semble se rendre compte qu’il ne suffit pas de vouloir (décréter le printemps comme fin de la pandémie, ou la sortie d’un vaccin dans le mois qui suit) pour que tout revienne en ordre.
Oubliant que le patient zero aux Etats Unis revenait d’un voyage en Chine, il interdit désormais l’accès à son territoire des européens, « qui n’ont pas su maîtrise l’épidémie chez eux », sauf la Grande Bretagne et l’Irlande (comprenne qui pourra). Bref, un discours de renvoi de la patate chaude destiné à son électorat et censé faire oublier les énormes carences en matière de santé du pays auxquelles Trump aura bien contribué depuis le début de son mandat.
C’est ainsi qu’une de ses premières mesures aura consisté à virer les responsables de l’administration chargé de suivre les pandémies, sans doute parce que sa politique nationaliste et de fermeture des frontières commerciales empêcherait toute intrusion de virus. Une autre de ses principales mesures aura été de supprimer l’Obama care.
On mesure aujourd’hui l’imbécilité de ces mesures sachant que, privés de couverture sociale, des millions d’américains ne vont pas voir le médecin et continuent de travailler même s’ils ont de la fièvre. Par ailleurs, ceux qui malgré tout souhaiteraient se faire dépister contre le coronavirus doivent débourser 3000 dollars non pris en charge.
Bref, toutes les conditions sont réunies pour que, malheureusement, les Etats Unis soient le pays qui paiera le plus lourd tribut en termes de mortalité, liée au virus, qui n’est pas, comme l’affirme Trump, une simple grippe.
Macron et « la rupture »
Au-delà des décisions factuelles prises pour endiguer l’épidémie et dont on mesurera plus tard les effets et plus que la décision de maintenir les élections municipales (dont le report aurait pu être interprété comme une manœuvre destinée à favoriser sa majorité en perdition), trois points méritent d’être analysés : l’hommage au service public de santé, l’importance signalé de notre système de protection sociale et la critique (mesurée) des lois du marché.
L’hommage appuyé au service public de santé et à la médecine libérale, en première ligne, ne peut pas constituer une fin en soi et des mesures fortes devront être prises pour que l’hôpital public, sur lequel une succession de mesures technocratiques imbéciles se sont abattues depuis de nombreuses années retrouve sa place et que ses personnels qui se dévouent au quotidien soient justement reconnus, et pas uniquement par un discours. Pour la médecine libérale, on rappellera en particulier l’imprévoyance des pouvoirs publics incapables de fournir aux médecins (ainsi qu’à leurs secrétariats) des masques et du gel hydro alcoolique un mois après le début de l’épidémie.
Un oubli est à noter dans ce discours : la participation à la lutte contre l’épidémie des hôpitaux et cliniques du secteur privé, pourtant financés par la sécurité sociale. Si nous devions être confrontés à une situation à l’italienne de burn-out de notre personnel de santé public et à un manque de matériel de réanimation, laisserait-on le système privé continuer ses petites affaires tranquillement ? Ce serait indécent ! Dans ce domaine, la « rupture » doit aller plus loin et des exigences de participation du privé liée à la situation mises sur la table rapidement.
L’hommage de Macron à notre système de sécurité sociale protecteur, pour les plus faibles, en particulier, marque-t-il un tournant dans les politiques anti sociales ou relève-t-il du simple discours de circonstance ? Il faudra attendre un peu pour mesurer les effets de ces déclarations, voir si le désengagement de la sécurité sociale ou les mesures gouvernementales qui impactent les cotisations de mutuelles cesseront et si les objectifs de dépenses de santé de l’hôpital public (l’ONDAM) seront revus, afin de consacrer pleinement le rôle de notre système de protection sociale à la française, héritage du CNR.
On se prend à penser que la réforme des retraites pourrait aussi être revue, peut-être parce que la crise financière qui accompagne la crise sanitaire a pour effet de mettre en difficulté le système par capitalisation qui fonctionne essentiellement avec l’économie virtuelle, c’est à dire la bourse.
Dernier volet de cette « rupture » annoncée, celle des « biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché ». On pense d’abord au fait que le paracétamol et autre pénicilline, sans parler des principes actifs pour de maladies graves sont produits en majorité à l’étranger et que les laboratoires pharmaceutiques font la loi en matière de prix. Concrètement, certains patients atteints de cancers n’ont pas accès à certains médicaments en raison de leur prix exorbitant. Cette spéculation sur la mort est inadmissible.
Pour autant, nos gouvernants sont-ils disposés à mettre fin à cette dépendance aux intérêts privés en créant un service public de recherche et de production de médicaments ? Là également, l’avenir nous le dira. La tendance à ne pas tirer de leçons une fois la crise passée est malheureusement une pratique courante, la mise en place d’un « contrôle » du système bancaire après la crise de 2008 étant là pour nous le rappeler.
Enfin, la notion de biens et services à placer en dehors du marché ne devrait-elle pas concerner d’autres secteurs clés de notre activité économique comme les aéroports ou les autoroutes par exemple ou l’informatique, le net ou bien encore la téléphonie avec la 5G ?
Le coronavirus marquerait-il la fin de la « mondialisation heureuse » chère à nos économistes béats obnubilés par les cours de la bourse mais qui ferment les yeux sur notre dépendance économique et médicale ? On peut rêver. Une fois de plus, il est à craindre que le réveil soit dur.