Législatives 2017 : le fantasme des électeurs du FN

par Fergus
jeudi 11 août 2016

« Et si Marine Le Pen devenait présidente de la République en 2017 ?  » À l’approche de l’élection présidentielle, cette question récurrente* relance périodiquement les spéculations des électeurs du Front National. Parmi elles, la certitude que la candidate frontiste disposerait d’une majorité parlementaire en cas de victoire...

Tous les instituts de sondage donnent Marine Le Pen au 2e tour de la présidentielle de 2017, et sauf colossale surprise sous la forme d’un scandale majeur, il devrait en être ainsi. Il est vrai que la conjoncture sert les intérêts de la candidate du Front National : entre les difficultés socioéconomiques persistantes et un climat sécuritaire plombé par la menace de nouveaux attentats sur le territoire français, le FN apparaît aux yeux d’un nombre élevé d’électeurs comme le seul recours possible.

Comment pourrait-il en être autrement ? Les partis de gouvernement traditionnels issus des rangs du PS et de l’UMP (rebaptisé LR pour masquer ses échecs) ont en effet démontré au cours des derniers mandats leur impuissance politique et fait preuve d’une coupable incurie sur des dossiers fondamentaux comme l’emploi et le pouvoir d’achat. Pire : en portant de manière irresponsable le fer et le feu sur des théâtres extérieurs où la France n’avait strictement rien à faire, ils ont exposé notre pays à des représailles sanglantes.

Après l’inconsistant Chirac, les Français ont, à l’évidence, eu à subir les deux pires mandats de la Ve République : l’un sous la férule de Nicolas Sarkozy, matamore vulgaire, inefficace et va-t-en-guerre qui a dévalorisé comme personne avant lui la fonction présidentielle ; l’autre sous la houlette de François Hollande, tout aussi inefficace et tout aussi va-t-en-guerre malgré ses allures débonnaires de sous-chef de bureau de la Caisse des dépôts et consignations. Deux terribles erreurs de casting directement imputables à un système politique subclaquant.

Comment, dans ces conditions, ne pas regarder du côté de celle qui n’a jamais été aux affaires et qui, fort habilement, tient un langage suffisamment offensif pour séduire en dépit de cruelles insuffisances économiques et environnementales ? Marine Le Pen est, de manière évidente, devenue un espoir pour des pans entiers de la population française, notamment là où nos compatriotes souffrent le plus : dans les classes populaires et la France rurale. Et cela, il faut bien le reconnaître, de moins en moins par défaut, et de plus en plus en plus par adhésion aux idées frontistes.

Où trouve-t-on les électeurs potentiels de Marine Le Pen ? D’une part, dans une population essorée par les politiques de régression sociale, conduites avec un mépris patent des élites envers les classes modestes. D’autre part, dans une population confrontée dans les cités à la montée des communautarismes, trop souvent induite par des pratiques clientélistes. Enfin, dans une population déboussolée par la consanguinité des politiques qui se sont succédé depuis des décennies, qu’elles aient été mises en œuvre par une droite cynique et arrogante ou par une prétendue gauche qui a depuis longtemps tourné le dos aux valeurs historiques du socialisme et perdu, de ce fait, son socle électoral ouvrier.

En réalité, malgré le rejet croissant de LR et plus encore du PS, victime de l’accumulation des griefs accumulés au cours des derniers mandats, Marine Le Pen n’a quasiment aucune chance d’être élue présidente en 2017. Et cela en dépit d’un glissement progressif de l’électorat vers la droite de l’échiquier politique. Seule en effet une qualification de François Hollande pour le 2e tour pourrait permettre à la présidente du FN de rêver de l’Élysée. Une hypothèse d’autant plus improbable que le président sortant reste plongé dans des abysses d’impopularité et qu’il n’aura guère d’éléments positifs à faire valoir pour soutenir sa candidature à un deuxième mandat.

Une présidente de la République en cohabitation

En dehors de cette hypothèse, Marine Le Pen sait qu’elle sera battue – plus ou moins largement – par le candidat LR qui, logiquement, devrait lui être opposé dans le contexte de déconfiture annoncée du PS. Admettons pourtant que, bénéficiant de circonstances exceptionnelles, la présidente du FN sorte gagnante de l’affrontement et devienne le 9e chef d’État de la Cinquième République...

Sitôt endossé le costume de présidente de la République, Marine Le Pen formerait le premier gouvernement frontiste de l’Histoire en faisant appel aux caciques de son parti. Moyennant quoi ce gouvernement FN serait immédiatement renversé par une motion de censure dès l’ouverture de la session parlementaire, faute de disposer d’une majorité à l’Assemblée Nationale. Il s’ensuivrait donc la mise en place d’un gouvernement de droite LR-UDI, au grand dam de la nouvelle présidente de la République, condamnée à la cohabitation pendant au moins un an – du fait de l’impossibilité de dissoudre l’Assemblée durant ce laps de temps –, et sans doute toute la durée de son mandat.

Un tel scénario, les militants et les électeurs du FN se refusent évidemment à l’envisager, en s’appuyant notamment sur le fait que les Français se montrent en général légitimistes et donnent au nouvel arrivant à l’Élysée les moyens parlementaires de conduire sa politique. Mais ce qui est vrai dans le cadre d’une alternance des « partis de gouvernement » risque fort de ne pas fonctionner dans l’hypothèse d’une présidence frontiste. La faute à un système de scrutin législatif uninominal par circonscription qui ne facilite pas l’élection de députés frontistes en grand nombre. Le FN est en effet très loin de disposer dans les 577 circonscriptions d’une structure militante capable de contrer les appareils LR et PS implantés là depuis des décennies. Sans compter le manque criant de moyens financiers dont souffre ce parti. Des constats qui expliquent très largement l’absence quasi-totale de députés frontistes dans l’actuelle Assemblée Nationale – ils sont trois – en dépit de scores nationaux élevés lors des dernières consultations électorales.

Cette réalité, les partisans du FN refusent de la voir en face. D’aucuns vont même jusqu’à établir un parallèle entre Marine Le Pen et François Mitterrand, celui-ci ayant attendu de longues années et subi deux échecs (1965 et 1974) avant d’entrer à l’Élysée. Selon eux, le tour de Marine Le Pen est venu comme était venu celui de François Mitterrand en 1981. Avec à la clé une confortable majorité parlementaire. Or, n’en déplaise aux militants et aux électeurs du FN, ce scénario relève bel et bien du fantasme. 

Aucune parallèle n’est en effet possible entre Le Pen 2017 et Mitterrand 1981 tant le contexte est différent : en 2017, c’est un FN isolé qui ira à la bataille en ne pouvant compter que sur ses seules forces ; en 1981, ce sont deux grands partis politiques de gauche, le PS et le PCF – eux-mêmes assis sur de puissantes fédérations régionales et un nombre très élevé d’élus locaux et de forces militantes –, qui avaient uni leurs forces. Or, trois ans avant la présidentielle de 1981, le PS et le PCF étaient grosso modo à égalité aux législatives de 1978 avec l’ensemble RPR-UDF : 43,43 % contre 43,89 %. En créant le Programme commun d’union de la gauche, Mitterrand partait donc, en incluant les voix du MRG, sur une base de... 45,58 % d’électeurs, non compris les 5,25 % de votes de la gauche radicale et des écologistes.

À comparer avec les... 13,60 % du FN aux législatives de 2012 !!!

Certes, une victoire de Marine Le Pen en mai 2017 induirait une dynamique aux législatives de juin. Mais très insuffisante pour permettre au Font National de décrocher une majorité parlementaire. Au mieux, l’on peut même raisonnablement estimer que le parti de la présidente décrocherait 150 sièges, soit 50 fois plus de députés que dans la chambre actuelle. Une progression spectaculaire mais qui ne pourrait empêcher une cohabitation de Marine Le Pen.

Récurrente, cette question l’est en effet sur le web. Elle a même été récemment posée sur AgoraVox dans un article de Sacharbit.


Lire l'article complet, et les commentaires