Les avantages en nature des ex Présidents de la République sont-ils contraires à la Constitution ?

par elisabeth
mercredi 7 avril 2010

Peu de citoyens le savent, mais à l’issue de leur mandat, les ex Présidents de la République ne redeviennent pas réellement des citoyens comme les autres.

Ceux ci bénéficient d’avantages en nature impressionnants (non soumis à l’impôt). En effet, le contribuable fournit à chacun de ses ex Présidents de la République, à vie :

-un bureau-appartement (les charges et le téléphone sont au frais du contribuable)

-deux employés de maison

-deux gardiens de la paix devant leur domicile

-une voiture avec deux chauffeurs

-deux gardes du corps

-un directeur de cabinet

-deux secrétaires particuliers

-un employé des archives nationales

-trois secrétaires sténo dactylo
 

Ce même contribuable finance aussi :

-le gardiennage, par des gendarmes, des propriétés des ex Présidents

-un service de sécurité : deux gendarmes en tenue de combat, deux gardiens de la paix, deux gendarmes sur les toits de la résidence de l’ex Président de la République

-une place de parking pour la voiture de fonction
 

Tout ceci a bien sûr un coût. D’autant plus redoutable que ce privilège – il s’agit bien là d’une loi privée puisqu’elle concerne exclusivement les ex Présidents de la République – commence à l’expiration du mandat de chaque Président et ne se termine qu’à leur dernier souffle.

Si entretenir un Président vieillissant, voire à l’article de la mort, pouvait encore se concevoir...On peut douter que les Français aient le souhait infime de supporter le coût d’un train de vie fastueux, sur de longues années. VGE avait 58 ans lorsqu’il commença à bénéficier de cette rente. Il en a maintenant 83. J. CHIRAC est entretenu par les Français depuis trois ans maintenant. Il a 77 ans. N. SARKOZY en aura 57 en 2012. Il bénéficiera donc d’un entretien, d’au moins 20 ans, par le contribuable. Poids d’autant plus désagréable – voire insupportable – que jusqu’à récemment, seul VGE était en situation de revendiquer ce privilège. Dès 2012, trois ex Présidents seront en situation – si M. SARKOZY ne se représente pas – de se faire entretenir. (De l’assistanat à grande échelle donc)

Mais...Au fait, ces avantages sont ils bien légaux ? Et constitutionnels ?

Rien n’est moins sûr.

Car...De quand datent ces avantages – à vie – en nature, réservés exclusivement aux anciens Présidents de la République ? De 1985. Très précisément du 8 janvier 1985. Et sous quelle forme se présentent ils ? Une lettre discrétionnaire, signée par le Premier Ministre de l’époque : un certain L. FABIUS.

Dans cette lettre sont fixés tous les privilèges mentionnés ci-dessus. Sont-ils légaux pour autant ? Et plus encore constitutionnels ?

Pour pouvoir utiliser le pouvoir discrétionnaire, les membres du Gouvernement doivent être face à une situation que ni la loi ordinaire ni la Loi Fondamentale n’ont prévu.

La justification – officielle – de L. FABIUS, en 1985, pour faire usage de ce pouvoir, était la longévité de VGE à l’issue de son mandat présidentiel. La vraie raison – l’officieuse – étant sans doute de permettre à F. MITTERRAND de continuer à bénéficier d’un traitement royal en prévision d’un échec électoral en 1988. (« Dieu » pouvait-il avoir moins ?)

Force est de constater que cette « justification » n’a aucun fondement. Car en 1985, ni la loi, ni la Constitution, ne sont muettes sur le destin des « anciens Présidents de la République ».

En effet, depuis la loi n° 55-366 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des finances et des affaires économiques pour 1955, publiée au JO le 6 avril 1955, les anciens présidents de la République bénéficient d’une pension de retraite pour les fonctions occupées en tant que Président de la République.

Cette pension n’est soumise à aucune condition d’âge, ni de durée de services. Elle ne dépend pas non plus de la durée ni du nombre de mandats.

L’article 19 de la loi de 1955 précitée prévoit que les anciens Présidents de la République française perçoivent une dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’État en service ordinaire.

 Ce montant ne dépend ni de la durée ni du nombre de mandats. Le montant de la pension est égal aujourd’hui à 63.000,00 euros brut par an.

L’attribution de la pension n’est soumise à aucun plafond de ressources. Par conséquent elle est cumulable avec d’autres pensions, salaires ou traitements, sous réserve que ces derniers revenus ne soient pas eux-mêmes soumis à des plafonds. Il peut ainsi cumuler notamment le montant de cette pension avec celui du traitement reçu en tant que membre de droit du Conseil constitutionnel.

Une pension de réversion est également prévue en cas de décès de l’ancien Président de la République. En effet, le conjoint survivant a droit à la moitié du montant auquel l’ancien Président avait droit. En cas de décès, cette fraction revient aux enfants du Président jusqu’à leur majorité.

Contrairement à ce que sous entend la fameuse lettre discrétionnaire, il n’y a pas de « vide juridique » sur la situation des ex Présidents de la République. Non seulement ceux ci ont un statut, reconnu par la loi. Mais plus encore, le fait que le Législateur ne prévoit le décès qu’en dernier lieu, montre bien qu’il considère que le trépas des ex Présidents de la République n’est pas envisageable à court terme.

La Constitution ne dit pas autre chose. En faisant des anciens Présidents de la République des membres de droit du Conseil Constitutionnel, il est clair que le constituant n’envisage pas le trépas – plus ou moins rapide – des anciens Présidents de la République. C’est la mort brutale – un an après sa démission – du Général De Gaulle, le trépas imprévu de M. POMPIDOU et la cancer rapide de F. MITTERRAND qui ne seront pas envisagés !

En attribuant des privilèges aux anciens Présidents de la République – comme si ces derniers n’avaient jamais été pris en compte par la Constitution et par la loi – M. FABIUS a donc violé un principe inscrit dans la DDHC de 1789, un texte à la valeur juridique incontestable depuis 1970 (reconnaissance officiel de sa valeur par le Conseil Constitutionnel) : la séparation des pouvoirs.

En méconnaissant l’existence d’un statut « d’ancien Président de la République » reconnu tant par la Constitution que par la loi, lequel statut ne donnait pas de privilèges aux dits « anciens » – sans que cela ait posé un quelconque problème – et en répondant à une question non posée – M. VGE n’ayant pas posé de recours auprès du juge administratif – M. FABIUS a porté atteinte au principe de légalité, lequel s’impose en matière de pouvoir discrétionnaire.

On notera au passage que l’ancien Premier Ministre, et Ministre des Finances, par cette lettre discrétionnaire, a ignoré – sciemment ?– l’article 13 de la DDHC de 1789.

« Art. 13. Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »

Dans quelle catégorie faut il donc classer l’entretien – à vie qui plus est – des anciens Présidents de la République ? « Entretien de la force publique »...Ou bien « dépenses d’administration » ?


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