Les Bordelais n’ont plus de maire, mais qui en a un ?

par Lapetiteboite
lundi 22 novembre 2010

Au lendemain de la nomination d’Alain Juppé maire de Bordeaux au ministère de la défense, ses administrés étaient fiers mais exprimaient une pointe d’inquiétude « J’espère qu’il aura encore le temps de s’occuper de nous » lâchait un bordelais. Cette inquiétude, légitime, est due à une profonde anomalie de notre système politique : le cumul des mandats. Ainsi certains députés comme Francois Sauvadet (Député NC) de Cote d’Or peuvent cumuler jusqu’à 4 mandats. Selon le constitutionnaliste Guy Carcassonne le cumul est le virus de notre république, ses conséquences sont néfaste et ses justifications non valables.

D’abord faisons un petit tour du coté des défenseur du cumul. Leur argument central est qu’un mandat local permettrait au député d’être sur le terrain et donc plus efficace car au fait de la réalité de la vie quotidienne des français,. D’abord cet argument est une insulte au parlement des autres pays démocratiques. En effet au Royaume Uni, en Allemagne, en Italie, le cumul des mandats est une pratique qui ne touche qu’un peu moins de 20% des parlementaires contre 85% des députés français. Si l’argument de l’efficacité par la proximité était recevable, le parlement français serait donc immensément plus responsable et efficace que les autres assemblés d’Europe, or ce n’est pas le cas, et le parlement français n’apparait pas spécialement plus "proche du peuple" que ses homologues européens. Par ailleurs le député n’est pas condamné a rester cloitré à Paris, mais sa mission comporte des missions de terrains, comme la tenue de permanence ou le dialogue avec les maires. Le député n’a donc pas besoin d’être à la tête d’un exécutif local pour être au contact des réalités du terrain. 

Ensuite les défenseurs du cumul mettent en avant la liberté de choix des électeurs comme principe au dessus de tout. Mais le choix d’un candidat n’es pas le choix des électeurs, c’est celui d’un parti, ainsi un électeur avec une sensibilité politique déterminée votera pour le candidat représentant sa sensibilité. Ainsi le seul choix de l’électeur de résume a voté pour le candidat qu’on lui présente ou de voter contre sa sensibilité politique. Par ailleurs lorsqu’on vote Pierre Cohen en Haute Garonne ou Ayrault en Loire Atlantique,choisissons nous vraiment ces personnalités ? Ne mettons nous pas plutôt effectivement au pouvoir leurs délégués que personne à par les candidats eux même ont choisi. Car il est évident que le système de cumul s’appuie sur la délégation. Le choix n’est donc pas un argument pertinent.


Maintenant pourquoi le cumul est dangereux pour la république ? D’abord il à tendance a transformer les missions des députés qui contrairement aux sénateurs, ne sont pas censés représenter un territoire en particulier mais toute la France. Or on assiste à des prises de positions de plus en plus "localisantes" des députés qui ne remplissent des lors plus correctement leur fonctions. Ce n’est en revanche pas dérangeant pour les sénateurs dont la représentation des collectivités locales est la raison d’être, dans leur cas le cumul se justifie alors. Ensuite s’occuper d’une grande ville ou représenter les français à l’assemblée nationale est une mission qui nécessite un plein temps. Finalement en ayant un député maire, on a ni députés, ni maire. Il est d’ailleurs intéressant de voir que le taux d’absentéisme des députés français est un des plus élevé au monde, alors même que le taux de cumul se situe également dans la stratosphère des classements mondiaux. Il est donc aisée d’établir une relation de causalité. Les députés ne sont pas capable d’assumer 2 mandats en même temps, ils ne doivent donc pas cumuler. Le fait d’avoir un hémicycle dégarnie pose d’évident problèmes démocratiques de représentativité et d’équilibre des pouvoirs. Toujours selon Carcassonne on peut donner autant de pouvoir que l’on veut à l’assemblée encore faut-il des parlementaires présents pour les exercer. Au lieu de critiquer l’hyperprésidence Sarkozy les députés PS feraient mieux donc d’être plus présents à l’assemblée afin de contrer effectivement ce dernier. De plus le cumul des mandats peut générer des conflits d’intérêts dangereux pour l’efficacité et la crédibilité des politiques publiques.

Le cumul des mandats favorise la gérontocratie, puisqu’en cumulant, ce sont toujours les mêmes qui occupent les responsabilités politique d’une certaine importance. Le résultat est le non renouvellement de la classe politique, très peu de jeunes dans des postes à responsabilité ou alors pour faire joli. En 1981 une bonne centaines d’élus avaient moins de 40 ans contre 28 aujourd’hui. Même constat dans les mairies des villes d’importance. Ce non renouvellement des élites politiques posent d’évident problème d’immobilisme, mais aussi de perspectives. Quels classe politique lorsque les actuels sexagénaires se retireront ? Elle sera en tout cas inexpérimentée dans son ensemble faute d’avoir eu accès aux responsabilités.

Cependant aujourd’hui le cumul parait très difficile à faire sauter. En effet il apparait impossible que les députés, très attachés au cumul vote en faveur d’une loi d’interdiction. La seule possibilité est une initiative des partis dans leur politique d’investiture, cette manoeuvre est cependant très risqués, le cumul permettant au parti de présenter leur têtes d’affiches au plus d’élection possible, et ainsi de maximiser leur chances de gagner. Le premier parti à prendre l’initiative sera donc très fortement désavantagé, leur "star" qui par définition mobilisent plus que les autres ne pouvant jouer sur qu’un seul tableau. La récente proposition de Martine Aubry est en revanche à coté, puisqu’au Sénat le cumul est justifié par la fonction de cette assemblée qui est de représenter les collectivités locales. 

Cependant la fin du cumul doit s’accompagner d’une revalorisation du statut de l’élu. Le maire ou l’élu local doit avoir plus de visibilité, de poids, et surtout devrait jouir d’une certaine protection dont il ne dispose pas aujourd’hui. La rémunération des élus devrait également être revu à la hausse, dire cela n’est pas en vogue mais c’est pourtant inévitable. Le cumul des mandats est souvent motivé par l’aspect monétaire, si l’on veut stopper le cumul ainsi qu’attirer les talents dans la sphère politique au dépens du privé, la hausse des indemnités est inévitable. Un président d’agglomération par exemple gagne une somme très inférieure à ce qu’il pourrait gagner dans le privé, des lors la limitation du cumul des mandats non accompagné d’une revalorisation d’un statut de l’élu ramènerait un certains nombre de responsable politique dans le giron du privé.

Certes Juppé n’est pas député, mais ce qui est vrai pour un député maire l’est encore plus pour un ministre maire. Le cumul des mandats est dévastateur pour notre démocratie et l’inquiétude des habitants de Bordeaux devraient être celle de tout les français.

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