Les démagogues eurolâtres

par Geneste
lundi 9 janvier 2012

Je n’étais pas couché le samedi 7 janvier lorsqu’en zappant j’ai intercepté François Bayrou interrogé par Natacha Poloni et Audrey Pulvar à l’émission de Laurent Ruquier. Je n’ai vu que la fin, lorsqu’il était interrogé sur l’euro. Ses paroles valent la peine d’être rapportées tant elles sont violentes pour un homme qui se dit du centre et donc dont le discours devrait a priori être à distance de positions extrêmes. Si nous sortons de l’euro, les français pleureront des larmes de sang a-t-il dit à peu près. Essayons d’analyser un tel positionnement qui est largement partagé dans la classe politique à l’exception des extrêmes.

Il est un fait que, tant le gouvernement actuel, qui fait tout pour que la France reste dans l’euro, que les politiques socialistes dans leur discours ou le centre quel qu’il soit, prônent une orthodoxie assez extraordinaire en matière monétaire. La phrase de François Bayrou ne fait que dire plus durement ce que disent aussi les autres. Mais est-ce bien vrai ? Le problème, c’est que la réalité est multiple. Prenons un exemple qui semblera évident à tout un chacun. Reprenons les propos de Louis Gallois, PDG d’EADS, qui a maintes fois déclaré que chaque fois que le dollar se déprécie de 10 centimes d’euros, Airbus perd un milliard d’euros de compétitivité. Clairement, si la France sortait de l’euro, sa monnaie dévaluerait probablement d’environ 30% par rapport au dollar et cela impliquerait un gain net pour Airbus. Pourquoi cet exemple n’est-il jamais repris par les politiques ? Mieux, la croissance continue d’Airbus (en termes d’emploi), pour cause d’euro cher, s’est faite ces dernières années hors Europe, si bien que même quand les entreprises sont européennes, les Européens eux-mêmes n’en profitent parfois guère.

Que conclure à partir de cet exemple ? Tout simplement que les discours politiques sont simplistes et qu’une étude profonde et détaillée devrait être faite pour voir l’impact réel que pourrait avoir une sortie de l’euro. Il y a assurément des points négatifs, mais il y a aussi des points positifs et il faudrait faire le tri, plutôt que d’avoir des formules à l’emporte pièce et qui ne sont fondées, objectivement, sur pas grand-chose.

Mais la phrase de François Bayrou a un sens plus profond et encore plus néfaste. En effet, pourquoi les Français devraient-ils pleurer des larmes de sang si nous sortions de l’euro ? Bien évidemment, parce que le franc dévaluerait de 30% et donc notre pouvoir d’achat d’autant. Cela n’est pas tout à fait vrai. En effet, un pouvoir d’achat, sur les marchés internationaux, diminué de 30%, signifie moins d’importations et donc, à consommation égale, plus de travail en France, plus de valeur ajoutée interne et, au final, moins de misère pour beaucoup de petites gens qui produisent de réelles richesses. Car nos politiques ont oublié une chose fondamentale à l’instar de ce qu’avaient fait Espagne et Portugal au temps des Grandes Découvertes. Ils confondent richesse et argent. Nous sommes donc aujourd’hui avec un euro surévalué qui, de fait, nous amène à vivre au-dessus de nos moyens comparé à nos capacités productives et à notre compétitivité. Le bon sens commun sait très bien que vivre au-dessus de ses moyens ne peut être qu’éphémère. Aussi, ce qui est surprenant de la part des politiques, qui sont censés être des gens responsables et qui aspirent aux responsabilités, c’est cette volonté de continuer à vivre au-dessus de nos moyens ce qui, chacun doit en avoir conscience, se terminera, pour le coup, dans un bain de sang inéluctable.

Il y a aussi un côté pathétique de type bégaiement de l’histoire dans l’incantation de l’euro par les politiques. L’euro protègerait les français comme la ligne Maginot était censée les protéger il y a plus de 70 ans. On sait comment cela finit ! Il y a aussi un vice profond dans la construction européenne qui était décrit par un de mes anciens patrons et dont je reproduis ici la trame. L’Europe, disait-il, c’est un grand jeu de Mistigri. Chaque pays assis à la table européenne arrive avec son propre Mistigri et n’a de cesse d’essayer de le « refiler » aux autres tout en essayant de ne pas récupérer le leur. Les exemples potentiels illustrant parfaitement cela sont légion, hélas !

Nous terminerons ce texte somme toute assez court par une remarque de fond. La France a vécu avec sa monnaie pendant des siècles. Que l’on sache, pendant toute cette durée, elle a été bien souvent le pays le plus prospère d’Europe. Aujourd’hui, alors que l’euro a à peine 10 ans, nous sommes loin d’être le pays le plus prospère d’Europe et nous sommes même tout simplement loin d’être prospère. Par ailleurs, il y a 10 ans, lorsque nous sommes passés à l’euro, ce n’était pas davantage la catastrophe pour le pays que la situation actuelle, tant s’en faut. Mieux, l’Euro naissait avec une parité à 1,16 et il chutait très rapidement jusqu’à 0,85 sans que cela fut en quoi que ce soit la catastrophe. Aussi, si aujourd’hui nous revenions au franc, en considérant un euro à 1,30 et une dévaluation de notre monnaie de 30%, soit une parité de 1, nous serions encore dans une situation parfaitement supportable puisque nous avons connu bien pis, si l’on suit les canons de ceux qui veulent une monnaie forte.

Tout cela nous amène à une conclusion assez irrémédiable. Le discours politique sur l’euro est aujourd’hui non fondé économiquement. Il ne sert que d’épouvantail politique pour convaincre les indécis à perpétuer un système qui est à bout de souffle et qui est le système économique et financier mondial avec sa technostructure qui n’a de cesse de vivre en prédateur sur les peuples. Les politiques font partie du système, car ils ne créent pas de valeur depuis bien longtemps maintenant et en détruise objectivement, en France, depuis 1974. C’est cela la réalité.


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