Les élections européennes ont-elles une utilité ? Si ce n’est faire approuver aux nations la conception de cette Union Européenne

par Maître Jonas
mardi 8 avril 2014

Ce 25 mai, nous devrons élire nos 74 députés français au Parlement européen. La France représente donc un peu moins de 10% de l'ensemble des élus des états membres (le Parlement européen est composé de 751 députés). 10%, ce n'est pas lourd pour se faire entendre... Doit-on ainsi considérer l'élection européenne comme fantoche ? Quelques éléments de réponse...

LE PARLEMENT EUROPEEN, UN SEMBLANT DE DEMOCRATIE ?

Au sein de la politique européenne, les citoyens peuvent uniquement élire au suffrage universel direct les députés européens. Ainsi, toutes les autres institutions européennes (à l'exception peut-être du Conseil européen puisqu'il s'agit du sommet des exécutifs nationaux1) qui ont un poids législatif et décisionnaire se font sans l'approbation directe des peuples et des nations présentes au sein de l'Union Européenne (par exemple : la Commission européenne, la Cour de justice de l'UE ou la Banque Centrale européenne). Par conséquent, il est intéressant de savoir, pour nous citoyens, si le Parlement européen peut influer sur la politique européenne générale ? Question qui peut paraitre simple mais qui est finalement tellement complexe si on rentre dans l'enchevêtrement des textes européens et des processus de décisions. Par exemple, si les Français votent à majorité pour des partis eurosceptiques, comme le Front National, le Parlement européen peut-il abroger le traité de Lisbonne (traité simplifié du traité constitutionnel européen refusé à 54,67% par les Français en 2005) signé en 2007 ?

Si on regarde précisément les textes, non. Et là est bien la limite du Parlement européen. En réalité, c'est la Commission Européenne, qui détient le monopole de la compétence législative. Ainsi, à la différence des Parlements nationaux, le Parlement de Strasbourg ne peut être à l'initiative de lois, ce pouvoir étant réservé à la Commission (article 17-2 du Traité de l'Union européenne). 

Il y a tout de même quelques exceptions, (comme dans le dans les domaines de la coopération judiciaire en matière pénale et de la coopération policière) mais la Commission européenne dispose donc du monopole de l’initiative dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

Egalement, le Parlement peut demander à la Commission de soumettre les propositions de textes qui lui semblent nécessaires. Autant dire que son utilité est limitée dans la mesure où, si le Parlement est eurosceptique, la Commission ne fera pas suite à la demande.

 

LE PARLEMENT EUROPEEN PEUT-IL FAIRE EXPLOSER TOUTE L'UNION EUROPEENNE ?

A ce moment de lecture, le citoyen doit se sentir léser. En effet, le Parlement semble être un organe qui valide les choix d'une Commission européenne dont les représentants ne sont pas élus au suffrage universel. Il faut toutefois apporter des limites à ce raisonnement qui peut donner des boutons aux plus démocrates d'entre nous. En effet, dans l'hypothèse, encore une fois, que les peuples européens décident en grande majorité de voter pour des représentants eurosceptiques, le Parlement ne peut-il rien faire pour réorienter l'Europe ?

En fait, si. Les textes européens sont clairs (et c'est assez rare pour le préciser). Le Parlement européen peut forcer à faire démissionner la Commission européenne par une motion de censure. Lors de la désignation d'une nouvelle Commission, ses 28 membres (un par pays de l'UE) ne peuvent prendre leurs fonctions sans l'accord du Parlement (comme en 2004, lors du rejet de la nomination du commissaire Rocco Butiglione). Si les députés européens désapprouvent le choix d'un commissaire, ils peuvent rejeter le collège tout entier.

 

 

Conclusion : ne pas se faire d'illusion sur le changement de cap européen

Cette hypothèse n'est pas vraisemblable dans l'état actuel des choses. En effet, même si les Français votent en majorité pour des partis qui veulent refonder l'Europe comme le Front de Gauche, Debout La République ou le Front National, ils n'auront qu'un poids de 10% sur l'ensemble du Parlement. Les autres pays voteront peut-être dans le même sens que la France ? Certains oui, là où la crise se fait ressentir et où l'euroscepticisme grimpe (come la Grande-Bretagne, la République Tchèque ou l'Italie). En revanche, les nouveaux pays (dont les adhésions se sont faites à partir des années 2000, comme la Pologne ou la Roumanie) devraient approuver le système européen. Enfin, sans jouer les Nostradamus, l'Allemagne qui représente, avec ses 96 députés, près de 13% du Parlement aura une large majorité pro-européenne.

Quoi qu'il en soit, même si les partis eurosceptiques auront une influence peut-être plus importante à l'issue de ces élections, l'Europe n'est pas prête de changer. D'ailleurs, les députés eurosceptiques ont des origines tellement diverses (extrême gauche, gaulliste et défenseurs d'une Europe intergouvernementale, extrême droite) qu'ils ne pourront se fédérer au sein d'un même groupe politique. Egalement, les textes européens peuvent permettre au Conseil Européen (qui définissent les grands axes de la politique de l'Union, essentiellement en matière de politique étrangère) et à la Commission Européenne (dont la connivence avec les lobbies des entreprises privées n'est plus à prouver) de décider de l'intégralité de la politique législative européenne. Le Parlement ne serait alors qu'une institution fantoche. Mais, de fait, ne l'est-il pas déjà ?

 

1 : Bien que là aussi il y a une limite, puisque le Conseil européen nomme un Président du Conseil


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